Odette

Odette une grande dame
Pleine de chaleur et de bonté
Odette tu ravives la flamme
De ceux qui doutent dans l’adversité

Odette une grande lectrice
Qui fréquente la bibliotheque
Du bourg avec assiduité
Au sourire très enjoué

Odette la randonneuse
Des chemins crottés
Avec sa cane, son chapeau
Ses genoux rafistolés

Odette au marché des Estables
Tu prends dans chacun des étales
Par grand souci d’équité
De partage et de fraternité

Odette une grande dame
Vénérant la vierge et les anges
Au pèlerinage de la Salette
Avec ses amis en spiritualité

Odette une grande Dame

Sylvain
Le Revard
4 février 2024

ALMA

Sous un soleil blafard, cheveux au vent, l’intrépide Alma roule en trottinette tout en scrutant la rivière. Elle ferait bien un tour de barque sur la Saône, peut-être pas jusqu’à Marseille, juste un petit tour, histoire de pagayer à nouveau, humer la rivière au plus près, ressentir son roulis, la vibration de la lumière sur l’eau, côtoyer un couple de cygnes, un héron sur la berge, faire signe à un conducteur de péniche, retrouver du bout des doigts la fraîcheur de l’eau de la rivière bien-aimée.

Alma ralentit l’allure. Sous un parapluie bleu blanc rouge aux larges bords, une silhouette, assise sur un pliant, immobile, regard tourné vers la rivière. Un dos voûté, une tête enfouie dans les épaules, un chien endormi à ses côtés. Une légère brise fait trembler les pampilles accrochées aux baleines du parapluie, ce sont des drapeaux miniatures et multicolores de tous les pays. Alma s’approche et s’assoit en silence dans l’herbe près du chien, regard tourné vers la rivière, un léger vague à l’âme l’étreint. Elle se met à fredonner sa mélodie préférée, les “moulins de mon cœur”. Elle cherche les ronds dans l’eau, le vol d’un cygne, son tambourin et le vent des quatre saisons. Le chien s’éveille et sursaute sous le regard d’Alma. Il se blottit sous le parapluie. Soudain, brusquement, la silhouette se déplie et au bout de son bras, le parapluie se met à tourner, on dirait qu’il va s’envoler le parapluie, il frémit, tourne, tourne, n’en finit pas de tourner, les drapeaux s’agitent, tourbillonnent, les baleines vibrent, la toile se gonfle. Vont-ils décoller ?
— Mince alors, dit la silhouette à voix haute en se rasseyant, je le croyais parachute mon parapluie patriote…acheté au bric à brac de la Fête de l’Air…c’est mon premier essai, demain j’irai plus loin.
— Pour un premier essai, c’est plutôt réussi, dit Alma, tous les drapeaux ont valsé, des moulinets… les moulins de mon cœur, alors merci.

Le chien se rendort, le maître se recroqueville à nouveau, les yeux fermés. Serait-ce la mélodie des moulins de son cœur qu’il fredonne dans sa barbe ?
Alma l’a fait. Sur une carte drapeau aux couleurs de son pays, elle a écrit son prénom,
en lettres majuscules d’imprimerie, aux quatre couleurs de son Bic. Son prénom gravé ainsi flotte au mât du parapluie ombrelle, sur la rive gauche de la rivière Saône. Il ondule au vent, au vent du Sud. Le vœu secret d’Alma serait que ses lettres s’envolent, loin, sans chagrin, jusqu’à son pays natal, là-bas, sur l’autre rive de la Méditerranée !

Claire Martial / Lyon / Février 2024

C’est un souffle

Pour garder une certaine unité de composition j’ai adopté celle du Renga avec cinq vers dont les deux derniers sont détachés sans respecter la métrique du haïku (5,7,5) pour les trois premiers. J’ai placé en miroir dudit Renga deux vers de commentaires avec parfois une pointe d’humour grinçant.

Il y eut un souffle
Une déchirure de sang
Un cri d’horreur pour elle

Au passage du Mastrou de six heures
J’étais le ravi de la crèche

Rire aux anges
Avec ou sans elle


Elle hurle beaucoup
Je ne sais jamais pourquoi
Je me réfugie dans un arbre

Du plus grand épicéa du parc
La rivière aux truites gémit

Devenir sourd
Comme une mise en bière


Les remous d’un ruisseau
Les cataractes d’une cascade
Le flux et le reflux des vagues

La rivière aux truites
Glougloute avec les goujons

Les poètes mentent
Quand ils croient entendre tout cela


Les noyés les naufragés les alpinistes
Les planchistes les automobilistes les suicidés
N’hurlent que dans le coeur de ceux qui restent

Jamais dans les fleuves les mers et les crevasses
Ni sur le bitume et le béton

Les poètes affabulent
Sur le sort des gens


L’enfant de la colonie
Dont elle est responsable
Meurt sur ma bouche de sauveteur

La cascade d’Ardèche
Coule encore à gros débit

Le deuil ne se partage pas
Tout le monde le sait


On l’attache à son lit
Pour qu’elle ne se sauve pas
Elle prend des antidépresseurs

Tu ne sais pas à quoi elle pense
Sous thymorégulateurs

Aucun poète n’évoque sa douleur
Tout le monde s’en fiche d’ailleurs


On la met sous chimio
Le cerveau en compote
Le pancréas gavé de médocs

Tel un oiseau des îles en cage
Elle est muette comme une carpe

Seuls les poètes font parler les carpes
Tout le monde sait cela


Elle dort sous la terre
Sous un verset biblique
C’est du moins ce que je crois

C’est plus joli que de penser
Qu’elle est mangée par les vers

Laisse-moi désormais
Seigneur aller en Paix


J’abandonne ma besace à métaphores
Mon stylet à paréidolie
Mon crayon à lieux communs

Je pars sur les chemins
Cultiver les ampoules aux pieds

Marcher, aimer, chanter
Tel un messager d’Amour


Je croise l’âne si doux qui marche le long des houx
Le lièvre plus lent que la tortue
L’albatros vaste oiseau des mers

J’enjambe le pont Mirabeau où coule la Seine
Et le soldat avec deux trous rouges au côté droit

Poétiser, écrire des vers
Entre deux verres d’oubli


Je dévore des livres de mathématiques
Je programme des ordinateurs déments
Dans les Babel de la Défense

J’enrichis le Capital
J’appauvris la Nature

Être une machine à octets
En trois huit jour et nuit


Au pays des Droits de l’homme précarisé
Deux mille enfants dorment dans la rue
Le 115 du Samu social disjoncte

Dans les prisons les détenus marinent
Comme des sardines en boite

Sur le port de Saint-Tropez
On lave le pont des yachts au champagne


Je râle contre la canicule
La fonte des glaciers
Dans mon SUV sur l’autoroute A7

Je suis un individu ordinaire
Avec ma glacière à pique-nique bleue

Me croire libre et puissant
Dans une caisse noire en métal


J’explore le 93
Ses cités de misère
Sous perfusion de drogue et de prostitution

Les révoltés ont tagué les murs
Les trottoirs dégueulent de pauvreté

Je me drape dans le drapeau de l’humanisme
Dans mon costume rayé de cadre très moyen


Le 93, c’est facile à trouver
Juste après le périph
Et la Cité de la musique

Pas besoin de bouffer du kérosène
Pour ce type de voyage

Je ne suis pas Levi Strauss
Dans ses Tristes tropiques


Les odeurs à la Chirac
Les sans-dents de Hollande
Ceux qui n’osent pas traverser la rue de Jupiter

Le Karcher de Sarko
Pour nettoyer les écoles incendiées

C’est comme au marché provençal
De bons fruits ou des pommes blettes


Tel un pantin de Guignol
Je dirige une antenne de Surendettement
En face d’un hôtel Formule 1 à migrants

Les pauvres s’endettent dans les hypermarchés
Auprès de Cetelem et de Cofinoga

Les vautours du revolving sucent leur cervelle
Le fromage des usuriers est gouleyant


Tel Don Quichotte
Je chevauche la pampa du 93
Avec mon ami Sancho Panza

J’endosse la cause des femmes seules
Trois bambins en couches et la morve au nez

Les géniteurs sont aux abonnés absents
Pour survivre elles ont les minimas sociaux


Je m’épuise à leur tendre la main
Contre les Goliath de la finance
Et les fachos de l’administration

Ils sont plus forts que moi
Les technocrates de Bercy

Devenir un zombi dans le PC3
De Pantin à la Porte de Saint-Ouen


Je sombre comme le Titanic
Je burn-out
On me met dans un placard

Je danse sans balais
Ni ballerine coquine

Je soigne mes maux avec des mots
Et des verres de mirliton


Je rencontre des gens de Foi
Des humanistes porteurs de Lumière
Des frères et des sœurs en Espérance

Liberté Égalité Fraternité
Force Beauté deviennent mon pain quotidien

Les antiques traditions de Sagesse
Perdurent en dépit des puissances d’argent


Le cancer de l’exploitation des travailleurs
Des immigrés parqués dans des taudis
Métastase tout le corps social

La révolte gronde dans les veines
Des ouvriers des techniciens et des apprentis

Comme en 1947 c’est la Libération
On s’organise en coopératives autogérées


Des camarades luttent et chantent
Sur les pavés de l’Espérance
En brandissant des oriflammes rouge sang

Le capitalisme mortifère
Meurt de sa propre gangrène

La poésie est révolte et utopie
S’il convient de dénoncer il faut espérer


Que vivent la Vie
La Joie dans mon cœur d’homme
Libéré des chaînes de TV

Je ne suis plus un cerveau disponible
Entre deux flashs de publicité

 Je suis un homme libre sous la voie lactée
Mon germe de Vie et d’Amour ne demande qu’à pousser

 

 

Feuille fantôme

Comme frissons triés sur le volet d’un store vénitien, la brise sur le lac formait des ondes sur les ondes, accentuées par le passage d’un ragondin, ondin mystique du monde subaquatique et par la course des poules d’eau, petits poulbots des eaux dormantes. Les nymphéas répandaient leur lumière pâle d’ivoire rosé dans le reflet des peupliers, et c’est alors qu’elle est tombée. Dans une virevolte d’écureuil, le long des arbres aux branches basses, elle a tenté de s’accrocher, la haute feuille des sommets, que le vent avait renversée, que le vent avait bousculée, que le vent avait décrochée. Elle a tenté de s’accrocher aux petits rameaux tout tendus, demandant de l’aide à ses sœurs, innombrables indifférentes… C’était trop tard, elle avait glissé dans le monde des disparus, des détachés, qui sont tombés. Elle a sombré dans le lac noir… Et pour un instant a flotté. Tout petit rafiot dérisoire elle a cru qu’elle était sauvée. Et dans sa nouvelle existence elle a cherché à s’accrocher, elle a cherché à retrouver la branche qu’elle avait perdue, dans le reflet du peuplier… Elle s’est posée. Mais la brise a recommencé, le ragondin a repassé, et la course des poules d’eau a, de nouveau, tout brouillé. La petite feuille mouillée, alourdie, déstabilisée, très vite, trop vite a coulé… Encore quelques virevolte, un pas de danse et d’élégance en sa plongée, et puis le monde des poissons, des algues vertes, avant la vase. Surprise de ce velouté, la feuille a pu se reposer, tout oublier. Et puis les saisons sont passées. La famille des cygnes un matin vint tout bousculer, remuant de leurs becs, les fonds… Une barque ensuite est venue et un pêcheur en remontant quelque poisson dans l’épuisette a vu la feuille, toute sombre et percée de vides, avec la nervure apparente, comme une ossature accablée… Elle était bien fantomatique, mais vive encore elle aperçut l’ombre noire de son grand arbre, dépeuplé par l’hiver, dépourvu de toutes ses sœurs.

Et Plumeau est entré dans ma vie

PlumeauEt Plumeau est entré dans ma vie. Il a débarqué par une soirée de Décembre, c’était inattendu, inespéré même, Noël ayant déjà trépassé !
Un beau gars, faut bien le reconnaître, un brun venu du Sud, de Marseille précisément. Le teint métissé, une belle allure, et dans sa chevelure ébène, une touffe de blanc, insolite, qui lui donne un charme fou ! Sculpté en bois de frêne,
il en impose tout de même !

Ce qui est surprenant voire inexplicable dans notre rencontre, c’est que je n’ai
jamais désiré qu’un tel énergumène entre dans ma vie. Sa principale qualité –
vertu même – est de dénicher et chasser la poussière, partout où il passe, toute
la poussière : il la soulève, la disperse, l’engloutit façon ogre. Il est inépuisable.
Pas le temps de se dérober la poussière !

Chez moi, depuis toujours, oui toujours, la poussière est mon principal ennemi,
mais je fais tout ce qu’il faut pour l’ignorer, d’ailleurs je ne la vois pas, nous
cohabitons malgré tout en bonne entente. Alors imaginez un peu, depuis tout ce
temps, les teintes de gris cendré des étagères de livres, de gris souris en haut
de l’armoire, de gris taupe sur les plintes, de gris noir au fond des placards, de
gris perlé sur le bureau, de gris acier sur l’ordinateur, cinquante nuances de
gris…

Je sens que ma vie va changer avec plumeau à mes côtés, un petit coup de
plumeau par ci, un petit coup de plumeau par là, comment vais-je pouvoir
assumer ce tourbillon dans ma vie ? Un plumeau et tous mes grains de poussière
disparaissent ? Plumeau, deviendra-t-il au fil du temps, mon éminence grise, ma
matière grise ? Fera-t-il grise mine à la longue ? Entrerons-nous en zone grise,
de monotonie, de plomb, de muraille… je m’interroge. Puis-je me laisser griser
par lui, deviendra-t-il mon gris-gris préféré ? Mon plumeau est empreint de
mystère, j’apprécie sa douceur, j’admire son efficacité jointe à sa modestie, et
je dois bien admettre qu’il a établi un nouvel ordre ouaté du monde qui
m’entoure, encore un peu flou pour moi à vrai dire.

Le passé, le présent et… à venir

Retrouvailles lyonnaises du 4 décembre 2023 chez le traiteur et pâtissier Pignol, autour du livre collectif : l’ENNEADE

Une chanson ancienne de Jean-Nathy Boyer dit ceci :

Ils sont venus de tous les côtés, rien n’a pu les arrêter….y compris les obstacles de dernière minute (car tel a été le cas !!!)

Nous voici enfin tous les 10 réuni.es – au lieu des 11 prévu.es initialement -. Voilà pourquoi, je tenais à rendre hommage à Dominique, lequel s’est dévoué  pour que les livres puissent être distribués à tous les auteur.es de l’ENNEADE.

Des retrouvailles, donc, telle une plongée dans le passé, datant des rencontres au Chalet d’ambre, lors des stages d’atelier d’écriture aux Estables, animé par Sylvain, et la parution en 2014 de notre premier livre collectif : DES MOTS SUR UN PLATEAU.

Les cartons remplis du livre collectif ENNEADE, amenés en voiture dans des conditions rocambolesques de Normandie par Martial, sont ouverts avec fièvre et joie mêlées. Une quantité de pages du journal Ouest France, servant à maintenir les livres en place, vole dans le salon de thé ; je m’amuse à observer cette ruche en effervescence qui bourdonne en tous sens : chacune s’esclaffe, touche le grain de l’objet- livre-trésor, complimente Sylvia et Claire pour la présentation picturale de la première de couverture ; les commentaires fusent, les émotions sont plurielles, surtout pour Evelyne dont c’est le premier livre édité. Elle est descendue en compagnie de son mari, ce matin, du plateau enneigé des Estables, à notre rencontre, dans cette ville-lumière aux couleurs changeantes, habillée hier de froidure et de soleil, aujourd’hui chargée de vent et de pluie.

Passé ce passionnant moment de découverte et de prise de possession des ouvrages, nous voici rassemblé.es autour d’une table de fête.

Nous trinquons en chœur à nos retrouvailles, avec du vin du pays d’oc (à défaut de côtes du Rhône), à ce moment très particulier où le passé s’imbrique avec le présent, où défile en nos têtes une foultitude de souvenirs.

Les échanges continuent d’aller bon train, il est en premier lieu question de nos apparences, lesquelles ont évidemment un peu changé (neuf ans après !). Ce sont surtout les coiffures que l’on évoque en premier, puis nous, les femmes,  montrons une photo de nos tout petits-enfants « Ah, ces mamies !!! » comme dirait un ami.

La cuisine est excellente et nous nous régalons les papilles.

Une fois le repas terminé, Martial a la bonne idée de proposer que nous lisions, chacun.e à notre tour l’un des textes, haïkus ou poèmes publiés dans le recueil. C’est un moment émouvant que de réentendre le timbre des voix de chacun.e des auteur.es. C’est comme une musique qui prend corps et me transporte.

Le moment de la séparation approche. Chacun.e emporte son butin, qui dans un sac, une valise ou un chariot de marché.

Au rez de chaussée du restaurant Pignol, la pâtisserie du même nom bruit de monde. Je vois un homme à l’humble attitude, silencieux, indifférent aux lumières, au brouhaha ambiant et aux cartes bleues qui « chauffent ». Je croise son regard mi-amusé, mi-interrogateur ; je devine qu’il est le mari d’Evelyne, et qu’il pense probablement qu’il est temps pour eux de reprendre la route en direction du plateau enneigé des monts du Mézenc. A-t-il aimé déambuler dans la ville-lumière en attendant sa femme ? A-t-il hâte de rejoindre son village, battu par la burle ?

Au sortir du magasin-restaurant, nous retrouvons le vent, la pluie. La nuit est tombée mais ce ciel de décembre, entre deux déchirures de nuages, arbore des couleurs magnifiques.

Il y a beaucoup de monde sur la place Bellecour, illuminée. Heureusement, Mary, accompagné par Sylvain, a la gentillesse de nous aider à trouver l’arrêt de bus qui nous ramènera (les deux parisiennes et les deux  normands) à la gare de Lyon-Part Dieu.

Reprendre le chemin du retour, refermer cette parenthèse en douceur, après avoir vécu un espace-temps fort, chaleureux qui renforce des liens d’amitié entre ami.es de la même « confrérie de la flamme créative ».

Ode à la mer et aux bigorneaux

La tempête déferle au loin
Point de marin en détresse
Ni de refrain de lamantin
Les sirènes coiffent leurs tresses
Au fond des abysses c’est la liesse
Les baleines et leurs baleineaux
Se brossent les fanons sans stress
Pour avaler les bigorneaux

De la côte, elle est aux aguets
Où le vent du nord caresse
Ses cheveux fous, blonds et bouclés
Ils se mêlent sans justesse
Puis se défont au fort de l’ivresse
De dame Nature gorgée d’eau
Le ballet des vagues est promesse
Pour avaler les bigorneaux

Quand le soleil vient à sombrer
D’ici quelle infinie tristesse !
Quitter son mirador doré
Est douleur pour une princesse
Qui voit des nuages en faciès
Une paréidolie d’escargots
Des angelots, des déesses
Pour avaler des bigorneaux

ENVOI

La tempête sombre de mollesse
Au grand port gitent les bateaux
Les marins sont dans l’allégresse
Pour avaler des bigorneaux

ENNEADE

2023 Publication collective du groupe Ecrire à neuf

 

Dans la continuité du livre Des mots sur un plateau, paru fin 2014, à la suite d’un stage d’écriture animé par Sylvain Josserand, s’était créé le site Ecrire à neuf, avec la vocation d’écrire du nouveau et du neuf!
Alors pourquoi pas, neuf ans après, se regrouper dans un nouveau recueil, reformer l’Ennéade, un mot découvert par Marie Noëlle Epelly, faisant penser à l’Enéide, suite de l’Iliade et l’Odyssée, qui désigne un regroupement de neuf membres. Et cette fois-ci nous serons un de plus puisque depuis toutes ces années Evelyne nous a rejoints dans l’amitié et l’écriture. Comme les Trois Mousquetaires qui étaient quatre, les neuf écrivants seront dix, pour se rassembler et lever haut la plume en promettant un pour tous et tous pour un recueil

Publié dans La Collection Le Parc       Prix 20 euros
 
 

A ma mère

La porte s’ouvre sur une pièce lumineuse exposée, en ce huitième étage, à l’immensité du ciel
grâce aux larges baies vitrées qui lui font face.
Un fauteuil haut tourne le dos à l’entrée, depuis la pièce principale. Il est nécessaire de
s’avancer, de le contourner pour apercevoir l’ombre de ta silhouette, ton corps lourd affaissé sur le fauteuil, tes traits fins, tes beaux cheveux blancs. Tu te tiens immobile, absente au monde
autour de toi, absente à toi même. Le claquement de la porte, la sonorité de mes pas, ma voix
lancée vers toi, exagérément enjouée, n’ont provoqué aucune réaction de ta part.
Posée là, face au ciel, tu n’en distingues pas les nuances bleutées, tu ne remarques pas les
longues traînées blanches, brumeuses, tu ne ressens pas la caresse d’un rayon de soleil
oblique qui vient danser vers toi.
Lasse, fatiguée, inerte, tu sembles perdue dans un monde parallèle ou dans un autre temps,
peut-être.
Il est pourtant clair et fonctionnel ce lieu. Pas seulement, il fourmille aussi de souvenirs de
famille, de beaux tableaux, de livres, de meubles raffinés à l’extrême comme ce cabinet florentin sur son socle de plexiglass, ce guéridon en marqueterie, la lampe paon en cloisonné chinois, tant d’autres encore.
Tu ne les vois plus, ces objets témoins d’un autre temps, qui t’ont accompagnée, élégante et
enjouée, dans le mouvement de ta vie.
Comment tout cela a- t’il pu arriver, comment sommes nous parvenus à ce point de non retour?
Y-a-t-il eu, précisément, un instant de bascule, ou bien encore le temps a-t-il érodé ton désir, doucement, patiemment, l’effritant, te faisant reculer, renoncer, abdiquer, chaque fois un peu plus ?
Nous t’avons couverte de notre tendresse, nous, tes filles, nous t’avons regardé t’éloigner dans
ta nuit, impuissantes.
Nous venions t’apporter nos histoires du monde du dehors, nos photos, nous forcions un peu
nos rires pour te retenir encore un peu.
Ton désir s’en était allé.
Le fil a fini par se casser.
Dans quelques jours nous rendons les clés.
Il va falloir, il faut, retenir notre souffle, déplacer nos regards, emballer nos peines, vider les lieux et, définitivement, refermer cette porte.

Catherine COHEN
Paris, le 16 mars 2021

 

 

Il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte

2021 Parution personnelle de Mary Valette

Une ferme à la périphérie de Vienne (Isère), ville en plein essor, à la fin des années cinquante. Une petite fille regarde la pendule qui égrène les minutes interminables qui la séparent de la venue de sa maman qui l’a placée, le temps d’un été, chez la nourrice à la campagne.
Par fragments, l’auteure évoque les moments forts qui ont jalonné son enfance marquée par l’incompréhension, la peur et la violence.
Un récit intime pour déposer les pleurs et réparer les blessures de l’enfance.

 

Exemplaire disponible sur demande auprès de l’auteure

Publié dans la   Collection Le Parc  –  Prix : 12€  + frais de port