Le passé, le présent et… à venir

Retrouvailles lyonnaises du 4 décembre 2023 chez le traiteur et pâtissier Pignol, autour du livre collectif : l’ENNEADE

Une chanson ancienne de Jean-Nathy Boyer dit ceci :

Ils sont venus de tous les côtés, rien n’a pu les arrêter….y compris les obstacles de dernière minute (car tel a été le cas !!!)

Nous voici enfin tous les 10 réuni.es – au lieu des 11 prévu.es initialement -. Voilà pourquoi, je tenais à rendre hommage à Dominique, lequel s’est dévoué  pour que les livres puissent être distribués à tous les auteur.es de l’ENNEADE.

Des retrouvailles, donc, telle une plongée dans le passé, datant des rencontres au Chalet d’ambre, lors des stages d’atelier d’écriture aux Estables, animé par Sylvain, et la parution en 2014 de notre premier livre collectif : DES MOTS SUR UN PLATEAU.

Les cartons remplis du livre collectif ENNEADE, amenés en voiture dans des conditions rocambolesques de Normandie par Martial, sont ouverts avec fièvre et joie mêlées. Une quantité de pages du journal Ouest France, servant à maintenir les livres en place, vole dans le salon de thé ; je m’amuse à observer cette ruche en effervescence qui bourdonne en tous sens : chacune s’esclaffe, touche le grain de l’objet- livre-trésor, complimente Sylvia et Claire pour la présentation picturale de la première de couverture ; les commentaires fusent, les émotions sont plurielles, surtout pour Evelyne dont c’est le premier livre édité. Elle est descendue en compagnie de son mari, ce matin, du plateau enneigé des Estables, à notre rencontre, dans cette ville-lumière aux couleurs changeantes, habillée hier de froidure et de soleil, aujourd’hui chargée de vent et de pluie.

Passé ce passionnant moment de découverte et de prise de possession des ouvrages, nous voici rassemblé.es autour d’une table de fête.

Nous trinquons en chœur à nos retrouvailles, avec du vin du pays d’oc (à défaut de côtes du Rhône), à ce moment très particulier où le passé s’imbrique avec le présent, où défile en nos têtes une foultitude de souvenirs.

Les échanges continuent d’aller bon train, il est en premier lieu question de nos apparences, lesquelles ont évidemment un peu changé (neuf ans après !). Ce sont surtout les coiffures que l’on évoque en premier, puis nous, les femmes,  montrons une photo de nos tout petits-enfants « Ah, ces mamies !!! » comme dirait un ami.

La cuisine est excellente et nous nous régalons les papilles.

Une fois le repas terminé, Martial a la bonne idée de proposer que nous lisions, chacun.e à notre tour l’un des textes, haïkus ou poèmes publiés dans le recueil. C’est un moment émouvant que de réentendre le timbre des voix de chacun.e des auteur.es. C’est comme une musique qui prend corps et me transporte.

Le moment de la séparation approche. Chacun.e emporte son butin, qui dans un sac, une valise ou un chariot de marché.

Au rez de chaussée du restaurant Pignol, la pâtisserie du même nom bruit de monde. Je vois un homme à l’humble attitude, silencieux, indifférent aux lumières, au brouhaha ambiant et aux cartes bleues qui « chauffent ». Je croise son regard mi-amusé, mi-interrogateur ; je devine qu’il est le mari d’Evelyne, et qu’il pense probablement qu’il est temps pour eux de reprendre la route en direction du plateau enneigé des monts du Mézenc. A-t-il aimé déambuler dans la ville-lumière en attendant sa femme ? A-t-il hâte de rejoindre son village, battu par la burle ?

Au sortir du magasin-restaurant, nous retrouvons le vent, la pluie. La nuit est tombée mais ce ciel de décembre, entre deux déchirures de nuages, arbore des couleurs magnifiques.

Il y a beaucoup de monde sur la place Bellecour, illuminée. Heureusement, Mary, accompagné par Sylvain, a la gentillesse de nous aider à trouver l’arrêt de bus qui nous ramènera (les deux parisiennes et les deux  normands) à la gare de Lyon-Part Dieu.

Reprendre le chemin du retour, refermer cette parenthèse en douceur, après avoir vécu un espace-temps fort, chaleureux qui renforce des liens d’amitié entre ami.es de la même « confrérie de la flamme créative ».

Ode à la mer et aux bigorneaux

La tempête déferle au loin
Point de marin en détresse
Ni de refrain de lamantin
Les sirènes coiffent leurs tresses
Au fond des abysses c’est la liesse
Les baleines et leurs baleineaux
Se brossent les fanons sans stress
Pour avaler les bigorneaux

De la côte, elle est aux aguets
Où le vent du nord caresse
Ses cheveux fous, blonds et bouclés
Ils se mêlent sans justesse
Puis se défont au fort de l’ivresse
De dame Nature gorgée d’eau
Le ballet des vagues est promesse
Pour avaler les bigorneaux

Quand le soleil vient à sombrer
D’ici quelle infinie tristesse !
Quitter son mirador doré
Est douleur pour une princesse
Qui voit des nuages en faciès
Une paréidolie d’escargots
Des angelots, des déesses
Pour avaler des bigorneaux

ENVOI

La tempête sombre de mollesse
Au grand port gitent les bateaux
Les marins sont dans l’allégresse
Pour avaler des bigorneaux

ENNEADE

2023 Publication collective du groupe Ecrire à neuf

 

Dans la continuité du livre Des mots sur un plateau, paru fin 2014, à la suite d’un stage d’écriture animé par Sylvain Josserand, s’était créé le site Ecrire à neuf, avec la vocation d’écrire du nouveau et du neuf!
Alors pourquoi pas, neuf ans après, se regrouper dans un nouveau recueil, reformer l’Ennéade, un mot découvert par Marie Noëlle Epelly, faisant penser à l’Enéide, suite de l’Iliade et l’Odyssée, qui désigne un regroupement de neuf membres. Et cette fois-ci nous serons un de plus puisque depuis toutes ces années Evelyne nous a rejoints dans l’amitié et l’écriture. Comme les Trois Mousquetaires qui étaient quatre, les neuf écrivants seront dix, pour se rassembler et lever haut la plume en promettant un pour tous et tous pour un recueil

Publié dans La Collection Le Parc       Prix 20 euros
 
 

A ma mère

La porte s’ouvre sur une pièce lumineuse exposée, en ce huitième étage, à l’immensité du ciel
grâce aux larges baies vitrées qui lui font face.
Un fauteuil haut tourne le dos à l’entrée, depuis la pièce principale. Il est nécessaire de
s’avancer, de le contourner pour apercevoir l’ombre de ta silhouette, ton corps lourd affaissé sur le fauteuil, tes traits fins, tes beaux cheveux blancs. Tu te tiens immobile, absente au monde
autour de toi, absente à toi même. Le claquement de la porte, la sonorité de mes pas, ma voix
lancée vers toi, exagérément enjouée, n’ont provoqué aucune réaction de ta part.
Posée là, face au ciel, tu n’en distingues pas les nuances bleutées, tu ne remarques pas les
longues traînées blanches, brumeuses, tu ne ressens pas la caresse d’un rayon de soleil
oblique qui vient danser vers toi.
Lasse, fatiguée, inerte, tu sembles perdue dans un monde parallèle ou dans un autre temps,
peut-être.
Il est pourtant clair et fonctionnel ce lieu. Pas seulement, il fourmille aussi de souvenirs de
famille, de beaux tableaux, de livres, de meubles raffinés à l’extrême comme ce cabinet florentin sur son socle de plexiglass, ce guéridon en marqueterie, la lampe paon en cloisonné chinois, tant d’autres encore.
Tu ne les vois plus, ces objets témoins d’un autre temps, qui t’ont accompagnée, élégante et
enjouée, dans le mouvement de ta vie.
Comment tout cela a- t’il pu arriver, comment sommes nous parvenus à ce point de non retour?
Y-a-t-il eu, précisément, un instant de bascule, ou bien encore le temps a-t-il érodé ton désir, doucement, patiemment, l’effritant, te faisant reculer, renoncer, abdiquer, chaque fois un peu plus ?
Nous t’avons couverte de notre tendresse, nous, tes filles, nous t’avons regardé t’éloigner dans
ta nuit, impuissantes.
Nous venions t’apporter nos histoires du monde du dehors, nos photos, nous forcions un peu
nos rires pour te retenir encore un peu.
Ton désir s’en était allé.
Le fil a fini par se casser.
Dans quelques jours nous rendons les clés.
Il va falloir, il faut, retenir notre souffle, déplacer nos regards, emballer nos peines, vider les lieux et, définitivement, refermer cette porte.

Catherine COHEN
Paris, le 16 mars 2021

 

 

Il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte

2021 Parution personnelle de Mary Valette

Une ferme à la périphérie de Vienne (Isère), ville en plein essor, à la fin des années cinquante. Une petite fille regarde la pendule qui égrène les minutes interminables qui la séparent de la venue de sa maman qui l’a placée, le temps d’un été, chez la nourrice à la campagne.
Par fragments, l’auteure évoque les moments forts qui ont jalonné son enfance marquée par l’incompréhension, la peur et la violence.
Un récit intime pour déposer les pleurs et réparer les blessures de l’enfance.

 

Exemplaire disponible sur demande auprès de l’auteure

Publié dans la   Collection Le Parc  –  Prix : 12€  + frais de port

Sur un arbre perché

Pour tout bagage, Dame Héron tient en son bec un fragment de barbe de palmier du jardin exotique de la famille Campagne, au bord de la rivière Ain. Ce palmier éventail aura bien la fibre voire la palme pour abriter un prochain nid, pense-t-elle : il s’adosse au pilier et est bien enraciné sur la rive droite ! Certes sa plus haute branche est fragile et plie déjà sous mon poids ! Pour autant Dame Héron dare-dare y construit un nid en quatre coups de bec. Sieur Héron lui n’est pas pressé de se caser, il préfère batifoler de falaise en falaise, de rive en rive, au gré des vents et des courants d’Ain. Il aura bien le temps… Continuer la lecture

Jeu loufoque

Une danseuse invisible
Sur un mystérieux transatlantique
Se fait photographier
Sur le pont
Un cure dent à la main
Étoile improbable
Une starlette sur goélette
Sans clé à molette.
 
Rouage verdâtre sur pilotis
Mauvais signe
Embrayage, débrayage,
Barcelone n’est pas loin.
La goélette file du mauvais coton.
Où sont passées les clés à molette ?
Non pas les cure dents
Les clés à molester !

C’est sérieux, sir ?

Or la bataille n’est pas franchement terminée : que vais-je devenir maintenant face à une telle offensive ? La bataille fut longue, épaisse, sonore, nauséabonde. J’ai donné le meilleur.
Le virus s’est propagé, sans modération, comme les galets d’une marée noire, instable, insidieux, nuisible, mortel !
Je me bats pour garder les yeux ouverts, en vain…
Je me bats pour respirer dans la puanteur acide…
Je me bats pour vivre, encore un peu …
Se battre : un avenir, pour qui, pour quoi ? Est-ce juste de combattre ?
Après avoir assassiné chiens, chats, rats, chevaux, veaux, vaches, cochons, quel humain résistera à cette hécatombe ?
Profonde solitude, immense tristesse, désespoir…et la tendresse ?

C’est sérieux, sir ? dit l’infirmière en me piquant les fesses comme chaque matin.

Un jeune homme de bonne famille

Marche après marche, étage après étage, un jeune homme de bonne famille réalise qu’ habiter un monde impossible à mesurer le dépasse, lui fils d’Adam, qui assure une présence permanente, le cœur battant et avec une inépuisable énergie.” Plus de feu” est sa devise !

La vie deviendrait-elle une tragédie si la limite a été dépassée ? Ne faudrait-il pas choisir la voie du milieu, ni trop ni pas assez ?

L’art et la manière de masquer ses émotions ne lui ont pas été enseigné !

Il ne croit pas beaucoup à la chance ni à sa renommée d’orateur.

Cela l’aurait-il épargné de ne pas renoncer au paysage au ras de la plage, lui qui l’aime tant ?

Jeune homme, la forêt vous attend, écoutez sa chanson, le sentier du bonheur, on voit grandir les cœurs gravés…

Dernier recours

En dernier recours, le chercheur d’or monte seul en direction des rochers, près des falaises. Les anciens assurent que les meilleures pépites se trouveraient encore là dans une galerie abandonnée. La nuit a été épaisse, un brouillard opaque a enveloppé les cabanes de fortune de ce village de forçats. Cheminées sans fumée, ruissellement d’immondices rendent l’atmosphère lugubre. L’air est glacé. L’entrée de l’ancienne galerie est obstruée. Il veille sur son sac d’explosifs. L’homme a pris soin de se couvrir de la pelisse volée à Matakari la fille du chef.
Elle l’attend là-haut de bon matin.

– Ce manteau ne te protègera de rien, dit Matakari en faisant face, tu es un voleur, un menteur, un violeur, tu mérites la mort la plus atroce, je suis là. Continuer la lecture