Une danseuse invisible
Sur un mystérieux transatlantique
Se fait photographier
Sur le pont
Un cure dent à la main
Étoile improbable
Une starlette sur goélette
Sans clé à molette.
Rouage verdâtre sur pilotis
Mauvais signe
Embrayage, débrayage,
Barcelone n’est pas loin.
La goélette file du mauvais coton.
Où sont passées les clés à molette ?
Non pas les cure dents
Les clés à molester !
C’est sérieux, sir ?
Or la bataille n’est pas franchement terminée : que vais-je devenir maintenant face à une telle offensive ? La bataille fut longue, épaisse, sonore, nauséabonde. J’ai donné le meilleur.
Le virus s’est propagé, sans modération, comme les galets d’une marée noire, instable, insidieux, nuisible, mortel !
Je me bats pour garder les yeux ouverts, en vain…
Je me bats pour respirer dans la puanteur acide…
Je me bats pour vivre, encore un peu …
Se battre : un avenir, pour qui, pour quoi ? Est-ce juste de combattre ?
Après avoir assassiné chiens, chats, rats, chevaux, veaux, vaches, cochons, quel humain résistera à cette hécatombe ?
Profonde solitude, immense tristesse, désespoir…et la tendresse ?
C’est sérieux, sir ? dit l’infirmière en me piquant les fesses comme chaque matin.
Un jeune homme de bonne famille
Marche après marche, étage après étage, un jeune homme de bonne famille réalise qu’ habiter un monde impossible à mesurer le dépasse, lui fils d’Adam, qui assure une présence permanente, le cœur battant et avec une inépuisable énergie.” Plus de feu” est sa devise !
La vie deviendrait-elle une tragédie si la limite a été dépassée ? Ne faudrait-il pas choisir la voie du milieu, ni trop ni pas assez ?
L’art et la manière de masquer ses émotions ne lui ont pas été enseigné !
Il ne croit pas beaucoup à la chance ni à sa renommée d’orateur.
Cela l’aurait-il épargné de ne pas renoncer au paysage au ras de la plage, lui qui l’aime tant ?
Jeune homme, la forêt vous attend, écoutez sa chanson, le sentier du bonheur, on voit grandir les cœurs gravés…
Dernier recours
En dernier recours, le chercheur d’or monte seul en direction des rochers, près des falaises. Les anciens assurent que les meilleures pépites se trouveraient encore là dans une galerie abandonnée. La nuit a été épaisse, un brouillard opaque a enveloppé les cabanes de fortune de ce village de forçats. Cheminées sans fumée, ruissellement d’immondices rendent l’atmosphère lugubre. L’air est glacé. L’entrée de l’ancienne galerie est obstruée. Il veille sur son sac d’explosifs. L’homme a pris soin de se couvrir de la pelisse volée à Matakari la fille du chef.
Elle l’attend là-haut de bon matin.
– Ce manteau ne te protègera de rien, dit Matakari en faisant face, tu es un voleur, un menteur, un violeur, tu mérites la mort la plus atroce, je suis là. Continuer la lecture
Haïkus tirés de la nature
La plume
Plume de héron
Au jardin des écrivants
Blanche comme page
Feuilles en émoi
Dans un grand envol d’idées
Poèmes encrés
L’écorce
Creuse et nue, la mue,
L’épiderme du vieil arbre
Gravé de veinules
Le bois motivant
Juste avant la mise à feu
Flamboie dans les têtes
Entre bois et rivière
La France lui manquait. Augustin vivait au Canada depuis déjà plusieurs décennies, Il bûcheronnait, en solitaire, s’étant construit une cabane au milieu des bois. Il allait rarement à la ville et voyait peu de monde, quelques fermiers lointains auxquels il livrait des chargements de bois. Quelques commerçants ambulants. Des indiens, chasseurs solitaires qu’il ne croisait qu’à l’occasion et peu sociables pour le reste. Les femmes ne lui manquaient pas, il n’y pensait guère, n’en voyant presque jamais, en revanche il avait la nostalgie de son pays natal, le Jura, et de sa famille qu’il avait laissée depuis tant d’années, parti à vingt ans, pour le nouveau monde avec un ami, sur un coup de tête, afin d’échapper à la conscription et à la guerre. Il pensait qu’elle ne durerait pas, elle avait duré cinq ans et en 1918, il avait pris ses habitudes, s’était enfoncé dans la vie solitaire. Son ami était mort dans un naufrage sur le Saint Laurent. Lui-même était devenu un homme des bois, sans autre horizon que le fleuve, par lequel, il transportait chaque saison avant l’hivernage, une part de son bois coupé.
Précisément, il s’apprêtait cette fois-là, à monter sur son radeau des troncs flottant, qu’il conduirait à la ville, quand il aperçut soudain non loin de la rive, comme une forme étrange. Une écorce de la taille d’un arbre mais évidée comme si le tronc lui-même eut disparu…Il ne l’avait pas encore remarqué et s’en approcha…En effet sous un autre angle on pouvait penser à un arbre normal, mais de près, la forme était manifestement creuse, et en écartant la fente large on pouvait voir dans le creux du bois, on pouvait même pénétrer son intérieur. Augustin sans savoir pourquoi se glissa dans le tronc mystérieux, non sans difficulté, car c’était un homme costaud et bien bâti et l’arbre dont il élargit la fente à la force de ses muscles semblait s’ajuster à sa silhouette avec bien peu de marge. Il entra donc sous l’écorce du grand sapin, et eut tout de suite, une étrange impression. Il lui sembla que l’arbre se soit comme refermé autour de lui. Il n’était pas inquiet et s’amusait même de la situation, il voyait le fleuve et son radeau de troncs, à quelques mètres de lui. Me voilà dans la peau d’un arbre se dit-il en riant. Il ne rit pas longtemps.
L’ouverture sembla se refermer davantage sur lui, immobilisant ses bras, oppressant sa poitrine…Il vit encore le fleuve et le radeau, imagina sa cabane si proche, songea à son pays d’enfance, si loin, et bientôt, il ne vit plus rien, s’enfonçant dans l’ombre du bois.
À la pêche aux souvenirs, exode modeste du temps, jusqu’à la sortie. Exit.
Ma grand-mère, la seule que j’ai connue, n’était que ma demi-grand-mère, et même peut-être pas ma grand-mère du tout, puisque seconde épouse de mon grand-père, décédé lui-même bien avant ma naissance, en tous les cas elle avait élevée ma mère qui l’appelait sa seconde maman, et c’était notre Mémé à ma sœur et à moi. Je l’aimais beaucoup. Elle est partie trop tôt alors que j’avais vingt ans, et bien peu encore d’intelligence des choses et de la vie. Je me souviens que l’on avais mis le corps sur son lit dans la chambre de la maison de Molay, où ma mère était née, et que nous avions fait le repas familial d’enterrement, selon la tradition, dans le salon attenant à cette chambre, la porte était encore entrouverte, et elle était encore avec nous, nous entendant rire et plaisanter car dans mon souvenir, celui de mes vingt ans, nous n’étions pas tristes, mais heureux de nous retrouver. Ce fut la première fois que je voyais une personne décédée…Cela m’avait frappé, mais je pense que j’avais un peu de peine à y croire et à comprendre de quoi il s’agissait, elle était comme endormie tandis que nous faisions ce repas de fête, elle était encore avec nous. J’étais à cette époque très amoureux de ma cousine, la belle Annie, fille de Paul, le plus jeune des six enfants du grand père, né du « second lit » comme on disait alors. Les deux garçons, Pierre et Paul, avait été des cadeaux tardifs de la vie pour Georges Lavrut, qui au retour de la guerre de 14 avait eu successivement quatre filles, ma mère, Blanche en deuxième. Je me souviens donc qu’Annie, me donna ce jour-là quelque chose, ( un biscuit, un verre ?) avec un regard surtout qui me réconforta, et fit de ce jour pourtant de tristesse, une heureuse journée de ma vie. Elle avait à peine quinze ans, je pense, à cette époque.
Je ne me souviens pas du lendemain. Etions-nous mes parents et moi, revenus au Perreux, le jour même ?… Je ne pris pas vraiment conscience du vide que cette disparition causait. Je voyais pourtant la tristesse de ma mère… Mais je garde de cette période comme un blanc qui neutralise les souvenirs. J’étais alors à la Fac de Créteil, je commençais mes études de Lettres. J’étais amoureux de plusieurs femmes et jeunes filles, mais encore puceau s’il faut tout dire. Ma rencontre avec mon premier amour effectif qui allait m’apprendre la chair et son usage fut pour moi comme une heureuse surprise qui m’advint quelques mois plus tard. Je pouvais enfin vivre dans le réel des aventures jusque-là exclusivement livresque (toutes sortes de livres). Avec Claude, de onze ans plus âgée que moi et dotée d’une solide expérience de la vie, se séparant de son ami et dotée déjà de quelques amants, j’appris tout ce qu’un jeune homme doit savoir. Elle était professeure de Français, c’était également une macrobiote convaincue comme on disait alors, engagée aussi dans toutes les aventures de l’époque post soixante-huit, en particulier le freudo-marxisme de Wilhelm Reich, et elle me fit découvrir son grand livre « La Fonction de l’orgasme », en théorie et en pratique. Elle me fit aussi avaler des vins et des pains biologiques, et même un gâteau au haschich, mais dont je ne pris que quelques miettes, très prudent à cet égard. En tous les cas, je lui dois beaucoup de découvertes. Ce fut ma Madame de Warens, et elle demeura longtemps celle que j’appelais « Ma grande amie ». Je ne l’ai jamais oubliée. Notre relation résista au temps, mais s’estompa, s’espaça…Je sais qu’elle vit encore à Rouen, au pied du grand fleuve, qui vient de loin et se jette bien au-delà, dans le grand océan où toutes les eaux se mêlent et s’effacent.
Pêche miraculeuse
Quand je l’ai rencontrée, c’était encore une petite fille. Nous passions à cette époque nos vacances en alternance à la mer et à la campagne. Tantôt dans le Jura du côté de ma mère, tantôt en Normandie, où mon père avait encore quelque famille, dont ce cousin et sa femme, installés du côté de Ducey, près du Mont Saint Michel avec leur fille Catherine, qui avait presque mon âge, un peu plus jeune peut-être. Nous allions souvent à la plage ensemble, et je me souviens que nous récoltions elle et moi des coquillages, les comparant, les amassant, admirant leurs volutes nacrées. Continuer la lecture
Jeu loufoque sur les 2 tableaux… de Picabia
Habillée pour l’Hiver,
La Danseuse étoile de Barcelone
Danse sur le transatlantique
La clé à molette oubliée
A cassé toute la machine
Et le Titanic a coulé
Le vieux sextant de Goélette
équilibriste en les rouages
Est un rescapé du naufrage…..
L’écriture et la vie
L’écrit me semble nécessaire,
Comme lire, c’est respiration,
À l’inspire on reçoit les textes,
À l’expire on en donne aux autres ;
Ce me fut transmis par le sang,
Je n’ai pas coupé le cordon
Qui de ma mère était chanson,
J’ai bu le lait de ses poèmes
J’ai reçu ses bonnes paroles :
Quand il fallait se coucher tôt,
Le lendemain au déjeuner,
Elle me racontait le film,
Défilant sur nappe bleutée,
De la veille en télévision.
Je fus élevé dans les contes
Et les histoires, les poèmes,
Je les relisais avec elle,
Et puis quand vinrent les études
Qu’elle partagea avec moi,
Agrégation et Doctorat,
Lisant les livres du programme,
Analyses et commentaires,
Elle progressa dans les formes
Et parla couramment
L’Alexandrin Classique,
Multipliant les prix,
Les banquets et les coupes,
Les éditions de livres
Et les compositeurs.
Elle m’éduqua dans l’écrit,
Aujourd’hui c’est moi qui la lis
Et l’évoque dans mes quatrains.