Eclats de vers

Trois années d’écriture quotidienne, neuf mois de gestation
LE NOUVEAU LIVRE-NÉ EST ARRIVÉ

Son titre : éclats de vers
                  friandises poétiques
                  fragments gourmands
Son poids : 250 g, 142 pages
Son format :Panorama épouse parfaitement nos haïkus et leurs illustrations
Son papier : Beaux-Arts texturé le valorise, une sensation organique et naturelle
Son prix de vente : 20 euros
Sa diffusion se fait auprès des auteures : Claire Martial et Florence Picard
Il a été imprimé par la COREP Lyon Raspail en impression numérique.

KALOTAXIDO en grec VOYAGEZ BIEN

Je souhaite à notre livre, aussi unique qu’insolite, aussi inutile qu’indispensable, qu’il prenne le large, hisse sa voile poétique, vous embarque entre ciel et terre, cap sur les rêves, les éclats de vie, un voyage en poésie, en rimes, en ricochets, soyons gourmands.
Au plaisir de nous rencontrer, chers amis lecteurs.

Claire Martial / Lyon / Décembre 2024

Trêves

Rêver de bleu
En Méditerranée
Voguer entre mer et ciel
Et surfer sur un nuage
Sans peur.

Rêver de blanc
Enveloppé d’écume
Voguer sur le roulis
Et la vague l’emportera.
Sans filet.

Rêver de roses
En pétales écloses
Veiller sur le jardin
Et goûter son parfum
Sans filtre.

Rêver ton sourire
Étreinte en silence
Valser entre tes bras
Et s’aimer
Sans réserve.

Rêver ta voix
Écouter son mystère
Vibrer d’un son à l’autre
En suivant son rythme
Sans douter de rien

Rêver ton regard
Éclat de vie
Voguer sur tes paupières
Étancher tes larmes
Sans fermer les yeux

Songe d’une nuit d’été
Au claire de lune
Sur un autre rivage
Du bord d’un monde à l’autre.

Claire – Lyon février 2025

Rêves et vision

Se laisser conduire par une vague imaginaire qui vous transporte ailleurs.

Jour d’hiver,

Plat, humide, ciel blanc grisaille embrumé,

Un jour gris, journée métal.

Me voilà au pied de la Tour Eiffel, ravie. Ses couleurs s’accordent au temps, ses contours structurent l’espace, le gris du jour s’adoucit face à son imposante présence.

Mais je pourrais tout aussi bien faire un détour plus au sud, y chercher un peu de chaleur. Madrid, les images affluent, celles de mon dernier séjour dans la capitale espagnole. Je déambule dans les rues animées, sur des avenues larges et généreuses, prends place sur une terrasse. Espace doré, lumière de miel.

Mon regard se pose sur un bouquet de mimosas devant moi sur la table. Etincelles duveteuses. Je suis à Nice dans le jardinet des grands parents. Le mimosa embaume l’air. Douceur de ces moments heureux d’enfance, palpables, si proches tout à coup, et tout prêts à s’évanouir dans le passé du temps, comme un rêve.

Souvent, je change de lieu.

Une impression, une sensation et me voilà au croisement de deux rues.

Le jeu consiste à repérer les lieux , les nommer, tirer le fil qui me relie à eux, alors que je suis là, dans le présent, mais ailleurs aussi.

Promenades dans les méandres de ma mémoire.
J’aime ces balades imaginaires.

Elles prennent vie dans les fissures du temps, dans les brèches d’une journée maussade, ne durent qu’un instant , comme un flash, pétillent de malice et de cette connivence avec mon histoire.

Catherine COHEN
Paris, le 11 février 2025

Amour sur la Terre

L’incarnation de l’Amour
Au service de l’autre
Présence attentive
Pleine conscience de Soi

Espérance de tous les jours
Ils sont les vrais apôtres
De recherches constructives
Avec comme moteur : la Foi

Compassion pour l’ennemi
Et celui qui brandit un fusil
Sur ton frere ta mere et sur toi
Ta Terre nourricière est en sursis

Eclairer de ta Lumière
Ta colère ta haine ta peur
Vaincre tes ignorances
Ton fanatisme et tes ambitions

Demander et exiger la Paix
Consiste à incarner la paix
En Soi autour de soi
A tout moment de ta vie

Point de voie de la Paix
La Paix c’est la Voie
Dans la Lumière
De l’Esprit

Sylvain Josserand
Aix-les-Bains
18 février 2025

Juillet 2025 Stage d’écriture aux Estables (Haute Loire)

Thème : Le langage est la demeure de l’Être

Une semaine folle de créativité littéraire où l’on abordera tous les styles que vous aimez avec une sortie le mercredi pour se laisser surprendre au temps présent.

Du lundi 7 juillet au vendredi 11 juillet 2025
Lieu : Chalet d’Ambre aux Estables 43150
réservation auprès d’Andréa 04 71 08 33 52 / 06 73 40 24 44
Tarif du stage = 220 euros ; arrhes = 40 euros
Paiement par chèque ou virement

Sylvain Josserand
57, bis rue Victor Hugo La Cerisaie Appart. 221 73100 Aix-les-Bains
06 37 15 02 55    Mail : sylv.josserand@gmail.com

L’écrivain-poète Sylvain Josserand est animateur d’atelier d’écriture depuis plus de 20 ans (formation Aleph-écriture) et auteur de nombreux ouvrages dont certains primés.
http://sylvainjosserand.blogspot.fr

Voilà comment se déroule une journée :
Horaires : 9h00-12h00 ; 15h00-18h00
• La matinée débute par la « météo du groupe » et la lecture d’un poème. Chaque auteur vient avec un ouvrage pour partager un texte de son choix.
• Dans la journée, je propose trois ou quatre situations d’écriture allant de 15 à 60 minutes autour du thème choisi : cette année « Le langage demeure de l’Être ». À l’issue de chacun de ces temps d’écriture, chaque écrivant peut lire son texte au groupe qui l’écoute attentivement et avec bienveillance.
Aucun jugement sur la personne, mais au contraire un retour constructif et bienveillant. Si un texte est trop personnel ou provoque trop d’émotions, l’écrivant peut passer son tour.
• Si l’on n’est pas trop fatigué, des veillées de lectures à haute voix, de chants peuvent s’organiser spontanément.
En milieu de semaine, l’atelier part en excursion pour visiter un lieu ou un monument en rapport avec le thème. On écrit bien entendu et on partage un pique-nique tous ensemble. S’il existe un lieu de baignade, on fait une trempette.
Je conseille de prendre le maximum de photos, de réaliser des illustrations et de consacrer du temps à la réécriture des textes après le stage. Chacun pouvant ainsi réaliser son propre recueil de textes et le partager ensuite avec les autres.

Rêves et vision

Image folle et rêve étrange
Un livre ouvert une falaise
Des pages s’écroulaient des mots
Qui faisaient des tas sur la plage
Les mouettes venaient explorer
Ce qu’elles pouvaient picorer
Le recueil était tout troué
Comme dans l’Adrar à Ouadane
Et le sable faisait des dunes
Où se dessinaient des ridules
La mer était un grand désert
Où toutes les eaux absorbées
Par le buvard du bleu soleil
S’étaient retirées et cachées
La peur était qu’elles reviennent
En Tsunami tout engloutir
Il fallait marcher prudemment
Jusqu’au bateau dont le naufrage
Avait détruit les bastingages
Mais laissé intactes les cales,
Emplies d’or et de bijoux rares…
Mais comment s’en emplir les poches ?
Et puis s’il restait des pirates ?
Je me cherchai un véhicule :
Me fabriquai un char à voile
Avec plusieurs roues de brouette
Chargeant ce que je pouvais d’or
Je partis glissant vers l’ailleurs
En m’inquiétant de la soif
Il fallait rejoindre la côte,
Mais de quel côté la trouver ?…
Je pensais à suivre un oiseau
Blanc qui volait tout prêt de moi
Et commençais à lui parler
– Dis bel oiseau où dois-je aller ?
– Viens avec moi jusqu’à mon nid.
J’abandonnais donc mon radeau
Et je m’envolais avec lui…
Nous survolâmes la planète
Jusqu’à devenir satellites
Près d’une station orbitale
Ou des cosmonautes charmants
Opéraient des réparations
Reliés par leur cordon
Ombilical
C’était le grand nid de l’oiseau
La mère était là qui veillait
Nous protégeant de toutes vagues…
En pénétrant dans le vaisseau
Spatial je fus bien rassuré
J’aurais à boire et à manger.
Peut-être il fallait revenir
Devenir un homme grandir,
Je m’extrayais et je plongeais
Sans parachute avec confiance
Il me semblait que je volais
Du moins planais
Tranquillement je me posais,
Dans la prairie de la montagne
Où mille fleurs bien accueillantes
M’offrait leurs beautés leurs parfums

Martial le 17 février 2023

Portraits

 

 

 

Objectif : se déguiser avec un élément pris dans la nature ; faire son portrait ou son autoportrait dans les moindres détails tant physiques que psychologiques ; ne jamais rien dire de négatif ou trouver une formule pour évoquer les aspects perfectibles sans blesser (se servir de l’humour british ou de l’autodérision s’il s’agit d’un autoportrait). Ne mettre aucun verbe à la forme négative.

 

 

Tu as perdu le Nord pour t’affubler de cette moustache ? Tu t’es égaré près de la Croix du berger près du Revard ? Derrière tes yeux malicieux que caches-tu : du bonheur ou une immense tristesse sur la marche et le devenir du monde ?

Aurais-tu dû rejoindre Michelin comme informaticien plutôt que la Banque de France. Avais-tu le physique, l’intelligence et l’accent auvergnat ? Va savoir. Aujourd’hui, il te prendrait sans problème pour faire la publicité avec le bonhomme Michelin. Ou comme mannequin au musée de la Cité du pneu à Clermont-Ferrand.

Tu aimes écrire, peindre et te promener dans la nature à pieds, en vélo, à skis et en raquettes. Tu adores te baigner en lac ou en rivière, un peu moins en piscine car tu ne sais pas qui a pissé dedans. Que c’est très bruyant surtout quand les clubs sportifs de gamins organisent des relais. C’est plus agréable, et surtout plus gracieux, quand des sirènes ou des nymphettes effectuent des figures de gym aquatique sous fond de Lac des cygnes ou de Beau Danube bleu.

Tu détestes les grandes surfaces surtout lorsqu’un vomi musical t’empêche de trouver les produits couchés sur ta liste de courses ou qu’ils ont déplacé les gondoles où tu sais trouver dans un temps chronométré lesdits produits — gondoles moins romantiques que celles Venise —. Tu préfères le marché bihebdomadaire de produits locaux et ton épicerie Casino de quartier car tu peux taper la causette avec les vendeurs.

Paris t’insupporte en raison de la misère qui dégouline des tentes de camping des miséreux et des réfugiés qui séjournent sur les trottoirs. De l’indifférence des pouvoirs publics souvent aux abonnés absents de la précarité. On prétend que pour les JO 2024, on va procéder à une rafle pour conduire les pauvres à 100 km de Paname, dans des hébergements réquisitionnés, pour choyer les visiteurs qui loueront des chambres de bonne à 1 000 euros la semaine et payeront leur place de jeux du cirque entre 100 et 250 euros la séance.

On dit que Paris c’est la ville Lumière et de la culture (théâtre, opéra, exposition). C’est vrai tout en étant réservé le plus souvent à des bac+10 ou à une minorité de riches qui disposent, en plus d’un deux cent mètres carrés dans les beaux quartiers, d’une résidence secondaire au Maroc, à Ibiza, à la montagne ou à la mer. Auxquels s’ajoute un portefeuille de titres bien garnis. Ils détestent les gilets jaunes, les agriculteurs, les chasseurs et vivent sur une autre planète que les ruraux dont les services publics s’éloignent au fur et à mesure que l’ultra libéralisme avance sous la bénédiction des instances européennes et de la BCE.

Paris, c’est là qu’on gagne sa vie, basta ! Toutefois, tu comprends avec empathie pourquoi certains amis retraités continuent à subir le métro, les grèves, les embouteillages, la violence urbaine, le ciel presque toujours gris parce qu’ils ont des obligations familiales ou de grands-parents.

Quand tu gagnais bien ta vie tu as aimé visiter le Mexique, une réserve d’Indiens dans le Dakota du Sud aux US, la Grèce, la Crète, la Turquie, la Chine, la Thaïlande, le Sénégal, l’Italie, le Portugal, la Tchéquie, l’Autriche, l’Espagne, les Canaries, l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni et la Hongrie.

Depuis que tu es retraité et divorcé avec les obligations financières associées à cette situation, tes voyages à l’étranger se limitent aux lieux où l’on peut t’accueillir : la Suisse, l’Italie, le Portugal (par deux fois, un séjour financé par un ami, l’autre en partage avec Katia).

On te dit souvent que ta poésie est celle d’un révolté et qu’il faut un dictionnaire pour la lire en raison de ton goût immodéré pour le vocabulaire. Alors qu’avec tes peintures, tes aquarelles et ta poésie tu voudrais parler de ta quête spirituelle et mystique. Mais avant d’atteindre la purification du corps, de l’âme et de l’esprit, il faut procéder à un sérieux ménage en profondeur. Et là, il y a du boulot !

Sylvain
Aix-les-Bains
15 janvier 2024

Alice de Yayaimé

Masque africain du musée de Dakar : dessin et aquarelle Sylvain Josserand

Ce conte est la suite du Baobab éléphant, paru chez l’Harmattan en 2023 avec des illustrations de Katia Lou et une traduction en wolof de XXXX.

Alice de Yayaimé danse au rythme des djembés, les pieds nus sur la latérite rouge. Sa peau noire a de beaux reflets luisants au soleil. Ses yeux de petite fille sont bleu émeraude. Elle participe pour la première fois à la Taranga, le rituel d’accueil en pays Sérère au Sénégal. Ses hanches sont ceintes d’un simple boubou. Elle danse avec fougue et une belle assurance, le torse nu – sans poitrine –, au milieu des autres femmes de Yayaimé. Alice est très fière de savoir faire rouler ses fesses, comme les grandes. Agar, la fille du chef du village, plus âgée qu’elle d’au moins deux ans, attire les hommes. Pas elle…

Alice de Yayaimé aime se baigner dans la mare près de la termitière. Très soucieuse de sa propreté, Alice ne veut pas être couverte de poussière de la tête au pied toute la journée. Mamanou travaille au potager. C’est le seul lieu de verdure de la contrée pendant la saison sèche. Autour d’elles, de rares palmiers squelettiques et des champs d’arachides en jachère. Alice scrute l’horizon. N’apercevant aucun garçon, elle retire son boubou, se plonge avec délice dans l’eau marron clair. Mamanou la surveille du coin de l’œil.
— Tu t’es lavée tout partout ?
— Sous les genoux, sous les bras, sous les fesses, et sous la nombrilette, alouette !   répond Alice en chantant.
— Mamanou, c’est vrai que les termitières c’est le clitoris de « l’esprit de la Terre » ?  demande Alice.
— C’est un vieux maraboutage, Alice ! On dit qu’à la création du monde deux géants se sont disputés la même femme « Terre ». Alors, les dieux ont coupé le sexe de la femme « Terre ». Cela a donné les termitières.
— C’est pour ça qu’on accise les petites filles au Mali ?

Alice de Yayaimé monte ensuite au sommet du baobab éléphant, son meilleur ami. Elle scrute le ciel. Un seul nuage blanc dans le ciel bleu, gorgé d’eau de mer. Son père lui dit souvent que seuls les nuages gris viennent de l’île de Gorée. Elle se bouche les oreilles dès qu’on lui parle de l’esclavagisme. Alice préfère inventer, avec la peau des nuages, des histoires d’antilopes, de gnous et de girafes.

À l’adolescence, Alice de Yayaimé raconte de belles histoires aux toubabs en visite : « Les Diolas et les Sérères, nous sommes cousins par plaisanterie ».
— Pourquoi êtes-vous cousins par plaisanterie ?
— Il y a bien longtemps de cela des pêcheurs diolas et sérères naviguaient au large de Joal, sur une embarcation à la coque multicolore… Leur frêle esquif fut coupé en deux par un récif. Les Diolas échouèrent en Casamance et les Sérères au Siné Saloum…  Depuis, nous sommes amis pour la vie ! Les Diolas nous offrent leurs fruits et légumes, en échange nous leur fournissons des arachides et des poissons séchés.
Alice, fière de son succès auprès du public, claironne à son vieux père, installé au milieu de ses amis au pied de l’arbre à palabres : « Papadou, je veux devenir griot, comme toi, ô que oué ! »
— Ô que non, seuls les garçons peuvent devenir griots !
— Tu n’as que des filles, papadou !
— C’est ma joie et mon malheur !
— Je dois assurer ta succession…
— D’accord, mais à une seule condition : tu affronteras, dans le désert, l’épreuve de la faim, de la soif, et de la solitude.

En taxi-brousse, Alice se rend de Yayaimé à Joal, la ville natale du Président poète Senghor. Elle prend un bus de ligne pour Dakar, le train pour Bamako, et fait de l’auto-stop jusqu’à Tombouctou. Aux portes du Sahel – rivage du désert et de la steppe aride –, elle rencontre des Touaregs sédentarisés. Alice admire les belles gandouras bleues des Ighamellen, ou esclaves affranchis, et constate qu’ils ont la peau aussi noire que la sienne.

Alice s’adresse à eux en wolof mais ces « hommes bleus  du désert » ne parlent qu’un dialecte berbère, le tamacheq. Amaquran le sage, un religieux lettré, formé à Touba au Sénégal, pratique le wolof. Fervent disciple d’Amadou Bamba, le prophète mouride, il sympathise vite avec Alice.
— Alice, te souviens-tu du jour où le Maître fut déporté en bateau par les colons blancs ?
— Bien sûr, Amaquran ! Il n’avait pas le droit de prier sur le pont du bateau…
— Il se pencha au-dessus du bastingage, il prit de l’eau de mer pour faire ses ablutions…
— Il étendit un tapis de prière sur la mer et se prosterna dessus…
— Et lorsqu’il se releva, du sable jaune et brillant illuminait son front.

Alice veut retrouver l’endroit où Saint-Exupéry aurait eu sa panne d’avion dans le désert. Amaquran intrigué par ce Petit Prince – venu d’une planète minuscule et très contrarié par les caprices d’une rose –, présente Alice à Agizul, le chef d’une caravane de Berbères qui se rend, avec un troupeau de chameaux et de chèvres, dans le Tanezrouft », le pays de la soif, de la solitude et de la faim.

Agizul, Amaquran, Alice et une longue colonne de caprins, de méharis avec leurs conducteurs partent au lever du soleil. Amaquran lui confie le secret du langage des chameaux : « Le chameau, idéal moyen de transport, est aussi un excellent compagnon de route et une source inépuisable de renseignements. À sa manière de renifler l’air à l’est, dans la même direction depuis l’aube, il annonce l’orage. Il signale la présence des pâturages et de l’eau en s’y dirigeant de manière obstinée. En contournant le camp plusieurs fois le matin, puis en s’agenouillant devant son maître en blatérant bruyamment, il indique la présence d’étrangers dans le voisinage. Résolument étendu sur le sol quand on l’harnache, il invite son maître à rester coucher, sous la tente à boire du thé, car un danger prochain le guette sur la piste… »

Alice suit la lente procession qui glisse en silence sur le sable brûlant. À chaque coup de vent –  sa djellaba ne la protégeant qu’imparfaitement –, de fines particules de silice viennent se coller sur sa peau. Au loin, se profilent les sommets des adars ou montagnes. Alice escalade sa première dune. À chaque pas elle s’enfonce un peu plus dans le sable profond. Elle tombe, on la relève. Sa gorge est sèche, sa langue est gonflée. En goûtant l’eau des outres – ô savoureux nectar –, elle comprend la signification de l’expression « étancher sa soif ».

Au campement, Alice participe à l’installation des tentes, puis elle s’assied dans le grand cercle formé par toute la communauté des Touaregs autour d’un feu de broussaille. On lui sert du thé à la menthe et un repas très frugal : quelques dattes, une taguella cuite sous la cendre et le sable chaud. Elle savoure la bonne odeur de cette galette, de mil ou de blé dur, que l’on sert ordinairement avec du lait aigre. Avec ce maigre repas quotidien, Alice comprend ce qu’est l’épreuve de la faim.

À la veillée, Amaquran traduit pour Alice La légende de la vallée de Maghet : « C’est une vallée verdoyante au flanc du mont Tamgak. On prétend qu’ici des génies protègent les arbres de la coupe. Si un bûcheron tente d’abattre un arbre, sa hache lui fend le pied et des épines crèvent les yeux de son épouse. C’est pourquoi les habitants de cette vallée paradisiaque ne sont jamais contraints à la transhumance avec leurs troupeaux. L’hyène vit en bonne intelligence avec la gazelle et le chacal ne commet jamais aucun méfait. »

Après plusieurs jours de marche dans la solitude du désert, Alice découvre les terres arides du Tanezrouft dans leur austère beauté. La caravane a rejoint d’autres confréries Touaregs installées autour du puits et des ruines de l’ermitage d’un anachorète mort de soif. Alice croit être sur le lieu de la séparation de l’aviateur et conteur toubab avec le Petit Prince.

« Voilà le renard », dit-elle en surprenant un petit fennec, les oreilles dressées, en chasse pour un lézard jaune. Dans le silence monacal du désert, la trace d’un serpent à sonnettes dans le sable, le cliquetis des scorpions sur les cailloux, lui rappellent le rire du petit garçon aux cheveux d’or. Alice suit la piste du serpent  jusqu’à des grottes aux parois ornées où figurent des cervidés, des girafes et des grands herbivores. Elle songe à d’autres illustrations du livre de Saint-Exupéry : une rose, un mouton, un éléphant avalé par un boa, une boite parsemée de trous et un allumeur de réverbères.

Alice, au terme d’un long voyage de retour, fait étape dans une oasis luxuriante. Au point d’eau, des gazelles raillent gaiement, des dromadaires blatèrent en dévorant des régimes de dattes, des hyènes ricanent à la lune. Au loin, se dessine l’élégante foulée des oryx. En quittant ses amis du désert, Alice psalmodie en langue touareg  un poème d’Amaquran: « J’écris une écriture sans voyelle (le tifinag). Une écriture de nomades tout en bâtons comme les jambes des hommes, des méharis, des zébus et des gazelles. Les croix indiquent la direction. Il y a aussi des points : le soleil et les étoiles qui servent à la navigation. Et de grands cercles pour enlacer les autres cœurs dans un cercle de vie, comme l’horizon autour de ton troupeau et de toi-même… »

Alice de Yayaimé, première femme griot du Sénégal, est devenue une danseuse de renommée internationale. Elle grelotte dans le hall de l’aéroport de Roissy, tremble, claque des dents. Son impresario lui tend un manteau en fourrure d’ours polaire. Elle se blottit avec délice dans cette providentielle pelisse. Le frottement de l’étoffe sur ses épaules dénudées lui procure du plaisir. Les poils du manteau la réchauffent et l’excitent. C’est une sensation nouvelle pour elle qui ne porte ordinairement que des vêtements en coton ou en fibres végétales.

Sa copine Agar se réchauffe dans les bras de Yaoundé, le percussionniste de « Djembés et balafons de Gorée ». Alice en est verte de jalousie.

Alice de Yayaimé se maquille dans sa loge du Palais des sports. Elle marque ses cils au crayon violet, occulte au bleu ses petits cernes et souligne les pommettes de ses joues. Le metteur en scène veut que les mille reflets de sa peau d’ébène brillent sous l’éclat des projecteurs. Alice s’épile sous les bras, se rase le pubis avec soin. Elle a horreur des auréoles disgracieuses sur son justaucorps quand elle transpire. Agar lui fait une coiffure Afro. Elle lui tresse chaque mèche avec dextérité. Alice lui a volé Yaoundé le percussionniste. Agar tire très fort sur ses cheveux pour lui faire mal : « T’es qu’une croqueuse d’homme, je te le dis moi, ô que oué ! ça je te le dis, moi ô que oué ! »

Après sa très longue carrière en Europe, Alice de Yayaimé, la peau plus fripée qu’une goyave, est retournée vivre dans son pays. Une nuée d’enfants vrombit autour d’elle. Ils réclament tous en même temps leur goûter. Elle ne sait plus de qui sont tous ces enfants. Elle aime leur belle peau noire bleutée sur cette plage de sable jaune fin de Gorée. Cela contraste avec la couleur pastel orangée des maisons aux esclaves rénovées en ateliers d’artistes.

Alice de Yayaimé aime raconter des histoires aux enfants : « Mamadoudou grondait souvent son fils qui imitait, en se moquant, la boiterie d’un infirme. Le gamin n’écoutait jamais Mamadoudou. Il imitait tout le monde, même le pélican. Un jour il suivit le pélican jusque dans la mer et se noya… »

Elles leur assènent aussi des proverbes :
«  L’eau bouillante ne doit jamais être versée sur la terre de peur de réveiller les esprits endormis. »
« Que le serpent morde ou ne morde pas, ne lui tend jamais la main. »
« Sam Ka tou m’bott mo khma ba thiery soc (le berger d’un troupeau de grenouilles est le seul à savoir celle qui boite). »
« Ni mana kot amour gnou ban (ceux qui prétendent savoir conduire un âne n’en ont pas). »
Sentant sa dernière heure venue, Alice de Yayaimé dit au Marabout : « Je veux que mes os, ils soient mis dans le ventre du baobab éléphant ». (Les griots n’étant ni cultivateurs, ni pêcheurs ne peuvent être, d’après la tradition, mis en terre ou rendus à la mer….)
— C’est impossible ! T’es qu’une femelle ! Ô que non !
— Je suis avant tout un griot !
— Un griot ? Tu rigoles ? Ô que oui !
— Je suis le seul griot de tout le département depuis quarante ans, déjà. Je te le dis, ça c’est sûr !
— En tant que chef actuel de ce village, je ne suis pas responsable des décisions stupides de l’ancien Conseil ! Ô que non !
— Va présentement à l’arbre à palabres ! Ils te diront tous que je suis un griot. Comme je suis un griot, mes os ils vont avec ceux des autres griots, dans le baobab éléphant.
— T’es qu’une femelle !
— En quoi ça te gêne que je sois une femelle ? Tu peux me le dire !  déclare Alice de Yayaimé au bord de l’exaspération.
— Si je mets tes os avec des hommes dans le baobab  tu vas faire boutique mon cul avec eux.
— Pauvre cônard !  dit Alice dans son dernier souffle.

Ses yeux passent du bleu au vitreux, sa peau du noir au gris. Sa mâchoire s’affaisse. Une mouche traverse en vrombissant l’unique pièce en terre battue de sa case de torchis et de paille. Un griot qui meurt c’est comme une bibliothèque entière qui brûle.

Alice de Yayaimé se méfiait des lois, des religieux et des  tartufes. Elle disait : « nous avons accueilli les chrétiens les bras ouverts. Ils nous ont distribué des bibles. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés. Lorsqu’on a ouvert les yeux, ils nous avaient confisqués nos terres. Il ne nous est resté que les bibles et beaucoup de misère. »

Sylvain Josserand

Odette

Odette une grande dame
Pleine de chaleur et de bonté
Odette tu ravives la flamme
De ceux qui doutent dans l’adversité

Odette une grande lectrice
Qui fréquente la bibliotheque
Du bourg avec assiduité
Au sourire très enjoué

Odette la randonneuse
Des chemins crottés
Avec sa cane, son chapeau
Ses genoux rafistolés

Odette au marché des Estables
Tu prends dans chacun des étales
Par grand souci d’équité
De partage et de fraternité

Odette une grande dame
Vénérant la vierge et les anges
Au pèlerinage de la Salette
Avec ses amis en spiritualité

Odette une grande Dame

Sylvain
Le Revard
4 février 2024

ALMA

Sous un soleil blafard, cheveux au vent, l’intrépide Alma roule en trottinette tout en scrutant la rivière. Elle ferait bien un tour de barque sur la Saône, peut-être pas jusqu’à Marseille, juste un petit tour, histoire de pagayer à nouveau, humer la rivière au plus près, ressentir son roulis, la vibration de la lumière sur l’eau, côtoyer un couple de cygnes, un héron sur la berge, faire signe à un conducteur de péniche, retrouver du bout des doigts la fraîcheur de l’eau de la rivière bien-aimée.

Alma ralentit l’allure. Sous un parapluie bleu blanc rouge aux larges bords, une silhouette, assise sur un pliant, immobile, regard tourné vers la rivière. Un dos voûté, une tête enfouie dans les épaules, un chien endormi à ses côtés. Une légère brise fait trembler les pampilles accrochées aux baleines du parapluie, ce sont des drapeaux miniatures et multicolores de tous les pays. Alma s’approche et s’assoit en silence dans l’herbe près du chien, regard tourné vers la rivière, un léger vague à l’âme l’étreint. Elle se met à fredonner sa mélodie préférée, les “moulins de mon cœur”. Elle cherche les ronds dans l’eau, le vol d’un cygne, son tambourin et le vent des quatre saisons. Le chien s’éveille et sursaute sous le regard d’Alma. Il se blottit sous le parapluie. Soudain, brusquement, la silhouette se déplie et au bout de son bras, le parapluie se met à tourner, on dirait qu’il va s’envoler le parapluie, il frémit, tourne, tourne, n’en finit pas de tourner, les drapeaux s’agitent, tourbillonnent, les baleines vibrent, la toile se gonfle. Vont-ils décoller ?
— Mince alors, dit la silhouette à voix haute en se rasseyant, je le croyais parachute mon parapluie patriote…acheté au bric à brac de la Fête de l’Air…c’est mon premier essai, demain j’irai plus loin.
— Pour un premier essai, c’est plutôt réussi, dit Alma, tous les drapeaux ont valsé, des moulinets… les moulins de mon cœur, alors merci.

Le chien se rendort, le maître se recroqueville à nouveau, les yeux fermés. Serait-ce la mélodie des moulins de son cœur qu’il fredonne dans sa barbe ?
Alma l’a fait. Sur une carte drapeau aux couleurs de son pays, elle a écrit son prénom,
en lettres majuscules d’imprimerie, aux quatre couleurs de son Bic. Son prénom gravé ainsi flotte au mât du parapluie ombrelle, sur la rive gauche de la rivière Saône. Il ondule au vent, au vent du Sud. Le vœu secret d’Alma serait que ses lettres s’envolent, loin, sans chagrin, jusqu’à son pays natal, là-bas, sur l’autre rive de la Méditerranée !

Claire Martial / Lyon / Février 2024