Comme frissons triés sur le volet d’un store vénitien, la brise sur le lac formait des ondes sur les ondes, accentuées par le passage d’un ragondin, ondin mystique du monde subaquatique et par la course des poules d’eau, petits poulbots des eaux dormantes. Les nymphéas répandaient leur lumière pâle d’ivoire rosé dans le reflet des peupliers, et c’est alors qu’elle est tombée. Dans une virevolte d’écureuil, le long des arbres aux branches basses, elle a tenté de s’accrocher, la haute feuille des sommets, que le vent avait renversée, que le vent avait bousculée, que le vent avait décrochée. Elle a tenté de s’accrocher aux petits rameaux tout tendus, demandant de l’aide à ses sœurs, innombrables indifférentes… C’était trop tard, elle avait glissé dans le monde des disparus, des détachés, qui sont tombés. Elle a sombré dans le lac noir… Et pour un instant a flotté. Tout petit rafiot dérisoire elle a cru qu’elle était sauvée. Et dans sa nouvelle existence elle a cherché à s’accrocher, elle a cherché à retrouver la branche qu’elle avait perdue, dans le reflet du peuplier… Elle s’est posée. Mais la brise a recommencé, le ragondin a repassé, et la course des poules d’eau a, de nouveau, tout brouillé. La petite feuille mouillée, alourdie, déstabilisée, très vite, trop vite a coulé… Encore quelques virevolte, un pas de danse et d’élégance en sa plongée, et puis le monde des poissons, des algues vertes, avant la vase. Surprise de ce velouté, la feuille a pu se reposer, tout oublier. Et puis les saisons sont passées. La famille des cygnes un matin vint tout bousculer, remuant de leurs becs, les fonds… Une barque ensuite est venue et un pêcheur en remontant quelque poisson dans l’épuisette a vu la feuille, toute sombre et percée de vides, avec la nervure apparente, comme une ossature accablée… Elle était bien fantomatique, mais vive encore elle aperçut l’ombre noire de son grand arbre, dépeuplé par l’hiver, dépourvu de toutes ses sœurs.
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Juste avant la mise à feu
Flamboie dans les têtes
Entre bois et rivière
La France lui manquait. Augustin vivait au Canada depuis déjà plusieurs décennies, Il bûcheronnait, en solitaire, s’étant construit une cabane au milieu des bois. Il allait rarement à la ville et voyait peu de monde, quelques fermiers lointains auxquels il livrait des chargements de bois. Quelques commerçants ambulants. Des indiens, chasseurs solitaires qu’il ne croisait qu’à l’occasion et peu sociables pour le reste. Les femmes ne lui manquaient pas, il n’y pensait guère, n’en voyant presque jamais, en revanche il avait la nostalgie de son pays natal, le Jura, et de sa famille qu’il avait laissée depuis tant d’années, parti à vingt ans, pour le nouveau monde avec un ami, sur un coup de tête, afin d’échapper à la conscription et à la guerre. Il pensait qu’elle ne durerait pas, elle avait duré cinq ans et en 1918, il avait pris ses habitudes, s’était enfoncé dans la vie solitaire. Son ami était mort dans un naufrage sur le Saint Laurent. Lui-même était devenu un homme des bois, sans autre horizon que le fleuve, par lequel, il transportait chaque saison avant l’hivernage, une part de son bois coupé.
Précisément, il s’apprêtait cette fois-là, à monter sur son radeau des troncs flottant, qu’il conduirait à la ville, quand il aperçut soudain non loin de la rive, comme une forme étrange. Une écorce de la taille d’un arbre mais évidée comme si le tronc lui-même eut disparu…Il ne l’avait pas encore remarqué et s’en approcha…En effet sous un autre angle on pouvait penser à un arbre normal, mais de près, la forme était manifestement creuse, et en écartant la fente large on pouvait voir dans le creux du bois, on pouvait même pénétrer son intérieur. Augustin sans savoir pourquoi se glissa dans le tronc mystérieux, non sans difficulté, car c’était un homme costaud et bien bâti et l’arbre dont il élargit la fente à la force de ses muscles semblait s’ajuster à sa silhouette avec bien peu de marge. Il entra donc sous l’écorce du grand sapin, et eut tout de suite, une étrange impression. Il lui sembla que l’arbre se soit comme refermé autour de lui. Il n’était pas inquiet et s’amusait même de la situation, il voyait le fleuve et son radeau de troncs, à quelques mètres de lui. Me voilà dans la peau d’un arbre se dit-il en riant. Il ne rit pas longtemps.
L’ouverture sembla se refermer davantage sur lui, immobilisant ses bras, oppressant sa poitrine…Il vit encore le fleuve et le radeau, imagina sa cabane si proche, songea à son pays d’enfance, si loin, et bientôt, il ne vit plus rien, s’enfonçant dans l’ombre du bois.
À la pêche aux souvenirs, exode modeste du temps, jusqu’à la sortie. Exit.
Ma grand-mère, la seule que j’ai connue, n’était que ma demi-grand-mère, et même peut-être pas ma grand-mère du tout, puisque seconde épouse de mon grand-père, décédé lui-même bien avant ma naissance, en tous les cas elle avait élevée ma mère qui l’appelait sa seconde maman, et c’était notre Mémé à ma sœur et à moi. Je l’aimais beaucoup. Elle est partie trop tôt alors que j’avais vingt ans, et bien peu encore d’intelligence des choses et de la vie. Je me souviens que l’on avais mis le corps sur son lit dans la chambre de la maison de Molay, où ma mère était née, et que nous avions fait le repas familial d’enterrement, selon la tradition, dans le salon attenant à cette chambre, la porte était encore entrouverte, et elle était encore avec nous, nous entendant rire et plaisanter car dans mon souvenir, celui de mes vingt ans, nous n’étions pas tristes, mais heureux de nous retrouver. Ce fut la première fois que je voyais une personne décédée…Cela m’avait frappé, mais je pense que j’avais un peu de peine à y croire et à comprendre de quoi il s’agissait, elle était comme endormie tandis que nous faisions ce repas de fête, elle était encore avec nous. J’étais à cette époque très amoureux de ma cousine, la belle Annie, fille de Paul, le plus jeune des six enfants du grand père, né du « second lit » comme on disait alors. Les deux garçons, Pierre et Paul, avait été des cadeaux tardifs de la vie pour Georges Lavrut, qui au retour de la guerre de 14 avait eu successivement quatre filles, ma mère, Blanche en deuxième. Je me souviens donc qu’Annie, me donna ce jour-là quelque chose, ( un biscuit, un verre ?) avec un regard surtout qui me réconforta, et fit de ce jour pourtant de tristesse, une heureuse journée de ma vie. Elle avait à peine quinze ans, je pense, à cette époque.
Je ne me souviens pas du lendemain. Etions-nous mes parents et moi, revenus au Perreux, le jour même ?… Je ne pris pas vraiment conscience du vide que cette disparition causait. Je voyais pourtant la tristesse de ma mère… Mais je garde de cette période comme un blanc qui neutralise les souvenirs. J’étais alors à la Fac de Créteil, je commençais mes études de Lettres. J’étais amoureux de plusieurs femmes et jeunes filles, mais encore puceau s’il faut tout dire. Ma rencontre avec mon premier amour effectif qui allait m’apprendre la chair et son usage fut pour moi comme une heureuse surprise qui m’advint quelques mois plus tard. Je pouvais enfin vivre dans le réel des aventures jusque-là exclusivement livresque (toutes sortes de livres). Avec Claude, de onze ans plus âgée que moi et dotée d’une solide expérience de la vie, se séparant de son ami et dotée déjà de quelques amants, j’appris tout ce qu’un jeune homme doit savoir. Elle était professeure de Français, c’était également une macrobiote convaincue comme on disait alors, engagée aussi dans toutes les aventures de l’époque post soixante-huit, en particulier le freudo-marxisme de Wilhelm Reich, et elle me fit découvrir son grand livre « La Fonction de l’orgasme », en théorie et en pratique. Elle me fit aussi avaler des vins et des pains biologiques, et même un gâteau au haschich, mais dont je ne pris que quelques miettes, très prudent à cet égard. En tous les cas, je lui dois beaucoup de découvertes. Ce fut ma Madame de Warens, et elle demeura longtemps celle que j’appelais « Ma grande amie ». Je ne l’ai jamais oubliée. Notre relation résista au temps, mais s’estompa, s’espaça…Je sais qu’elle vit encore à Rouen, au pied du grand fleuve, qui vient de loin et se jette bien au-delà, dans le grand océan où toutes les eaux se mêlent et s’effacent.
Pêche miraculeuse
Quand je l’ai rencontrée, c’était encore une petite fille. Nous passions à cette époque nos vacances en alternance à la mer et à la campagne. Tantôt dans le Jura du côté de ma mère, tantôt en Normandie, où mon père avait encore quelque famille, dont ce cousin et sa femme, installés du côté de Ducey, près du Mont Saint Michel avec leur fille Catherine, qui avait presque mon âge, un peu plus jeune peut-être. Nous allions souvent à la plage ensemble, et je me souviens que nous récoltions elle et moi des coquillages, les comparant, les amassant, admirant leurs volutes nacrées. Continuer la lecture
Jeu loufoque sur les 2 tableaux… de Picabia
Habillée pour l’Hiver,
La Danseuse étoile de Barcelone
Danse sur le transatlantique
La clé à molette oubliée
A cassé toute la machine
Et le Titanic a coulé
Le vieux sextant de Goélette
équilibriste en les rouages
Est un rescapé du naufrage…..
L’écriture et la vie
L’écrit me semble nécessaire,
Comme lire, c’est respiration,
À l’inspire on reçoit les textes,
À l’expire on en donne aux autres ;
Ce me fut transmis par le sang,
Je n’ai pas coupé le cordon
Qui de ma mère était chanson,
J’ai bu le lait de ses poèmes
J’ai reçu ses bonnes paroles :
Quand il fallait se coucher tôt,
Le lendemain au déjeuner,
Elle me racontait le film,
Défilant sur nappe bleutée,
De la veille en télévision.
Je fus élevé dans les contes
Et les histoires, les poèmes,
Je les relisais avec elle,
Et puis quand vinrent les études
Qu’elle partagea avec moi,
Agrégation et Doctorat,
Lisant les livres du programme,
Analyses et commentaires,
Elle progressa dans les formes
Et parla couramment
L’Alexandrin Classique,
Multipliant les prix,
Les banquets et les coupes,
Les éditions de livres
Et les compositeurs.
Elle m’éduqua dans l’écrit,
Aujourd’hui c’est moi qui la lis
Et l’évoque dans mes quatrains.
La vie idéale
Il faudrait des bois, des fleurs, des oiseaux,
Un ciel bleu changeant, parfois des nuages
Un bateau, de l’eau, du sable et la plage,
Le soleil, la pluie, de grands animaux.
Je voudrais des cygnes et des corbeaux
Des bassins profonds oA? les poissons nagent
Des biches, des faons, comme en les images
Un pays magique ? tout serait beau;
J’aurai des chevaux, des chats, et des chiens,
Des amis parfaits, et tout serait bien
Avec une étoile, un soleil levant,
Des livres nombreux, et de quoi écrire,
Et de quoi penser, aimer et puis rire,
Peut-être une femme avec des enfants…
Bomlumassimne
Dans ce petit royaume de l’Europe centrale du cinquième siècle, l’arrivée des huns fut une catastrophe et même un cataclysme. Dès que la rumeur annonçant Attila et ses hordes se propagea, la panique fut immense. Les hommes pensèrent tout de suite à prendre les armes et se défendre, mais en fait d’armes, ils n’avaient, surtout, que leurs houes et leurs fourches, et bien peu d’épées.
Bomlumassimne était un royaume paysan, de quelques milliers d’âmes, et la garde du roi ne comptait que bien peu de soldats, peu habiles au combat. Les femmes voulurent se cacher ou s’enfuir, mais où ?
Sur les pentes qui descendaient jusqu’au fleuve s’étageaient les oliviers au feuillage argenté et à proximité existait une grotte sous une cascade. La jeune Loutsamine s’y réfugia avec d’autres jeunes filles, son amoureux Bloustan, et d’autres hommes de la ville, ayant le même souci de sauver leur bien aimée, les y conduisirent en transportant un lot de provisions et en leur enjoignant de rester dissimulées. Eux, les hommes allaient se battre et défendre le royaume, peut-être devant leur résistance les Huns se retireraient-ils ? Si ce n’étaient pas le cas, et si tout était détruit, du moins les jeunes filles seraient préservées, et quand les hordes d’envahisseurs se retireraient, elles pourraient regagner la ville, et contribuer à ce qu’elle renaisse.
La ville fut rasée, tous les hommes furent tués. Les Huns se retirèrent, poursuivant leur marche vers l’ouest. Et les jeunes filles sortant de leur cachette, tentèrent comme le leur avait demandé les hommes de reconstruire leur vie, et la ville.
Mais plus d’homme, pas la moindre trace d’homme. Elles devinrent un peuple d’amazone, chassant, travaillant, s’exerçant au combat, construisant une république de femme. Mais la question de la postérité se posa, car si elles laissaient s’écouler le temps, dépourvue d’enfant la ville s’éteindrait.
A quelques lieues de là, le royaume de Nissembammoule avait également subi la destruction et le ravage des Huns, seule deux jeunes servantes avaient pu en réchapper.
Elles gagnèrent Bomlumassimne dont la réputation s’établissait sur tous les alentours.
Toutes deux, enceintes, donnèrent naissance à de beaux enfants, une fille et un garçon. La vie continuerait.
Satire sur des ambulances
L’or, même en sa laideur, donne un teint de beauté
Disait l’ami Boileau sans crainte de fauter
Car la’or, comme l’argent, embellissent les gens
Ou leur donnent du moins un lot de courtisans
Tel répugnant, gros, laid, réputé comme porc
Pendant nombre d’années, fut célébré si fort
Qu’on le fit parangon des fA?tes d’Hollywood
Alors qu’il consommait starlettes en fastfood
Un autre, politique, expert en la finance
Et se voyant déjà président de la France
Fricotait en Belgique avec des malfaisants,
Femmes on lui offrait comme graine à faisan,
Une attitude un jour très inappropriée,
Qu’il eut en Amérique avec une employée,
Un viol plus qu’avéré, lui préta des millions
De dollars, et surtout quelques humiliations
La principale étant de rentrer dans le rang,
Mais de prison, na’en parlons plus, fermons le ban.
Car pour les tout puissants de richesse pourvus
L’oubli da’immunité n’est pas du tout prévu
Les journaux les médias n’aiment que ce qui brille
La dorure souvent la pire ordure habille
Et quand elle s’écaille on détourne les yeux;
La justice ne vaut que pour les gens de peu.