Portraits

 

 

 

Objectif : se déguiser avec un élément pris dans la nature ; faire son portrait ou son autoportrait dans les moindres détails tant physiques que psychologiques ; ne jamais rien dire de négatif ou trouver une formule pour évoquer les aspects perfectibles sans blesser (se servir de l’humour british ou de l’autodérision s’il s’agit d’un autoportrait). Ne mettre aucun verbe à la forme négative.

 

 

Tu as perdu le Nord pour t’affubler de cette moustache ? Tu t’es égaré près de la Croix du berger près du Revard ? Derrière tes yeux malicieux que caches-tu : du bonheur ou une immense tristesse sur la marche et le devenir du monde ?

Aurais-tu dû rejoindre Michelin comme informaticien plutôt que la Banque de France. Avais-tu le physique, l’intelligence et l’accent auvergnat ? Va savoir. Aujourd’hui, il te prendrait sans problème pour faire la publicité avec le bonhomme Michelin. Ou comme mannequin au musée de la Cité du pneu à Clermont-Ferrand.

Tu aimes écrire, peindre et te promener dans la nature à pieds, en vélo, à skis et en raquettes. Tu adores te baigner en lac ou en rivière, un peu moins en piscine car tu ne sais pas qui a pissé dedans. Que c’est très bruyant surtout quand les clubs sportifs de gamins organisent des relais. C’est plus agréable, et surtout plus gracieux, quand des sirènes ou des nymphettes effectuent des figures de gym aquatique sous fond de Lac des cygnes ou de Beau Danube bleu.

Tu détestes les grandes surfaces surtout lorsqu’un vomi musical t’empêche de trouver les produits couchés sur ta liste de courses ou qu’ils ont déplacé les gondoles où tu sais trouver dans un temps chronométré lesdits produits — gondoles moins romantiques que celles Venise —. Tu préfères le marché bihebdomadaire de produits locaux et ton épicerie Casino de quartier car tu peux taper la causette avec les vendeurs.

Paris t’insupporte en raison de la misère qui dégouline des tentes de camping des miséreux et des réfugiés qui séjournent sur les trottoirs. De l’indifférence des pouvoirs publics souvent aux abonnés absents de la précarité. On prétend que pour les JO 2024, on va procéder à une rafle pour conduire les pauvres à 100 km de Paname, dans des hébergements réquisitionnés, pour choyer les visiteurs qui loueront des chambres de bonne à 1 000 euros la semaine et payeront leur place de jeux du cirque entre 100 et 250 euros la séance.

On dit que Paris c’est la ville Lumière et de la culture (théâtre, opéra, exposition). C’est vrai tout en étant réservé le plus souvent à des bac+10 ou à une minorité de riches qui disposent, en plus d’un deux cent mètres carrés dans les beaux quartiers, d’une résidence secondaire au Maroc, à Ibiza, à la montagne ou à la mer. Auxquels s’ajoute un portefeuille de titres bien garnis. Ils détestent les gilets jaunes, les agriculteurs, les chasseurs et vivent sur une autre planète que les ruraux dont les services publics s’éloignent au fur et à mesure que l’ultra libéralisme avance sous la bénédiction des instances européennes et de la BCE.

Paris, c’est là qu’on gagne sa vie, basta ! Toutefois, tu comprends avec empathie pourquoi certains amis retraités continuent à subir le métro, les grèves, les embouteillages, la violence urbaine, le ciel presque toujours gris parce qu’ils ont des obligations familiales ou de grands-parents.

Quand tu gagnais bien ta vie tu as aimé visiter le Mexique, une réserve d’Indiens dans le Dakota du Sud aux US, la Grèce, la Crète, la Turquie, la Chine, la Thaïlande, le Sénégal, l’Italie, le Portugal, la Tchéquie, l’Autriche, l’Espagne, les Canaries, l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni et la Hongrie.

Depuis que tu es retraité et divorcé avec les obligations financières associées à cette situation, tes voyages à l’étranger se limitent aux lieux où l’on peut t’accueillir : la Suisse, l’Italie, le Portugal (par deux fois, un séjour financé par un ami, l’autre en partage avec Katia).

On te dit souvent que ta poésie est celle d’un révolté et qu’il faut un dictionnaire pour la lire en raison de ton goût immodéré pour le vocabulaire. Alors qu’avec tes peintures, tes aquarelles et ta poésie tu voudrais parler de ta quête spirituelle et mystique. Mais avant d’atteindre la purification du corps, de l’âme et de l’esprit, il faut procéder à un sérieux ménage en profondeur. Et là, il y a du boulot !

Sylvain
Aix-les-Bains
15 janvier 2024