Poèmes de Martial

A quoi sert donc la poésie ?

A quoi sert donc la poésie ?
A rien ! Comme la vie !
Tout ce qui sert
A quelque chose
Eloigne de la vie gratuite
La poésie seule en approche.
La vie ne sert à rien.
Elle joue à travers nous
Comme la poésie .

Trouville à les Bains

Nouvelles de Françoise

DANS LA CHAMBRE D’AMIS

Protégé par un verre et collé sur un papier canson rouge, à peine visible, bordant deux cotés, le tableau était accroché dans la chambre d’amis, juste au-dessus de la commode aux trois tiroirs, en pin massif. Tache de couleur salvatrice dans un univers austère et un peu monacal. Mais dessin intriguant. Il portait un titre inscrit par une main d’enfant :
 DE L’EAU NAAZT L’ARBRE Continuer la lecture

L’eau dans la nature

Pitrerie de l’eau

– Il faut arroser les fleurs ce soir! Elles ont soif, avec la chaleur d’aujourd’hui.
– T’inquiète Mamino, je m’en charge, répond Lilian, mon petit fils.

Le tuyau d’arrosage repose bien sage sur son support vert. Première opération il faut délover patiemment chaque enroulement. Lilian, élève de Première S, réfléchit : “Sachant qu’un enroulement mesure 1 mètre cinquante, combien dois-je en défaire pour atteindre le massif de fleurs ?”
Il sort son ipod et se met sur l’application adéquate. Malheureusement, il a déjà ouvert le robinet et l’eau de répand dans la pelouse.

– Lilian! Lilian! Ne gaspille pas l’eau !
– T’inquiète Mamino! Je n’en ai dépensé que 3 x multipliés par 15 litres racine carrée de 25.
– Que dis-tu? Ferme le robinet!

Une fausse manœuvre et le tuyau animé d’une énergie propre se déroule subitement at arrose petit fils et grand-mère éberlués ! A ce moment-là, les géraniums excédés d’attendre, escaladent l’échelle de la piscine et se mettent à flotter à la surface de l’eau. Mais, le chlore fait son effet et leur beau rouge éclatant pâlit subitement. Aussi subitement que Mamino qui plonge dans l’eau pour tenter de sauver ses précieuses fleurs.

– T’inquiète Mamino, dit Lilian, accouru aussitôt. Je vais les arroser d’eau pure et elles reprendront leur belle couleur car Chlore moins H2O multiplié par Pi au carré, c’est radical!

Mais le tuyau n’a pas dit son dernier. Il se détortille complètement et s’élance dans l’air tel un anaconda. Puis, il s’enroule violemment autour de Lilian, qui risque de s’étouffer.

– T’inquiète Mamino, je ne risque rien car Puissance de Toricelli facteur de Watt et Watson font Supermarsupilami.

Youpi!

Une larme

Une larme s’était formée au coin de son œil. Elle avait trop ri, ri aux larmes. Elle sentait se former cette goutte et elle fut surprise de la sentir glisser sous son œil, entre ses cernes et la base de son nez. Elle ne voulait pas l’essuyer d’un revers de main: elle voulait savoir si cette larme était assez forte pour descendre encore. Continuer la lecture

Nouvelles de Marino

Anamnèse

La “forêt de Tenir” était le Parc de la Tête d’Or des coopérants de Sidi Bel Abbès. Ses pins parasols, son air pur, son horizon dégagé, ses clairières et ses chemins ombragés étaient propices aux ébats des jeunes familles d’expatriés pleines de vitalité. Jogging des parents, premiers pas et cache-cache des jeunes enfants, anniversaires sur la couverture étendue au sol.
Le panier en alpha, acheté au “marché négre”, son aspect rude, son odeur végétale, sa robustesse. Plaisir de tenir ses anses grossièrement tressées. Plaisir de le remplir pour les pique-nique : au fond, le gigot froid enveloppé dans son torchon bien propre, au-dessus la boîte de “vache qui rit”, le pain en galette, les mandarines, les dattes et sur le côté, la gazouse !

En hiver, en Algérie, le soleil est toujours chaud et le givre fond vite. En marchant sur les collines, on enlève les pulls. Le corps, la peau sont stimulés, vivifiés.

Les traces des perdreaux, des lapins, des lièvres, des sangliers. Odeur des herbes foulées. Le petit bouquet de cette plante dont je n’ai jamais su le nom, à la touffe blanche, duveteuse, semblable à une flamme, et si douce au toucher, comme du coton. Cueillies, rassemblées, ces houppettes durent tout l’hiver. Emerveillement face à cette nature hivernale, figée, sèche, en attente de la pluie. Etonnement devant ces étendues rocailleuses, ces reliefs ou la terre labourée est à nu. La couleur des sols passe de l’ocre, au blanc, au brun en suivant les ondulations du terrain comme sur un tableau abstrait : ce spectacle me fascine. Les couches géologiques apparaissent à l’état brut, à fleur de terre.

Etendues immenses et désertiques, parsemées cependant de quelques douars misérables, cachés derrière leurs haies de figuiers de barbarie. On aperçoit des femmes et des enfants. L’air vibre de leurs interpellations. Du linge et des tapis sèchent sur les pauvres clôtures. Comment vivent-ils ?

Sur la route, au loin, un étrange équipage arrive à pas mesurés. Sur un âne fatigué, est assis un fellah, âgé, semble-t-il. Sa monture est trop petite pour lui, ses pieds touchent presque le sol. On en rit. Il porte une veste grise comme nos paysans naguère, mais il est coiffé d’un chèche orange. Son teint basané, ses joues couvertes de poils ras et gris, son regard bienveillant et laiteux, je les revois encore.

D’ou venait-il ? OA? allait-t-il ? Aurait-il voulu nous parler ?

Damas, en Syrie

Ce jour-là, j’étais une autre. J’avais endossé un vaste manteau noir. Ma valise était prête. Premier voyage toute seule, direction Damas. Ce n’était pas vraiment la bonne période, en ce printemps 2015, ou s’épanouissait l’Etat Islamique ni la bonne destination, cette Syrie en guerre, ni les bonnes circonstances : moi une femme seule et libre dans un monde musulman au bord de l’explosion. Mon seul avantage : mon âge mûr qui me mettait un peu à l’abri.

Partir ! Retrouver l’odeur et l’ambiance des villes orientales, me mêler aux foules odorantes, à la langue chantante et rocailleuse à la fois.
Dès la sortie de l’avion, je couvris mes cheveux d’un châle sombre et l’arrangeai à la mode locale. Mes voisins de cabine, un couple affable, m’accompagna jusqu’à mon hôtel, le plus sûr de Damas.
Etonnamment, je sentis que je frissonnais de bonheur. L’atmosphère était tendue bien sûr, mais on sentait sourdre un désir de vivre et de rire malgré tout.
Accompagnée d’un guide local, je pus sortir de ce refuge. Il m’expliqua le quotidien de cette population déchirée mais forte, leur volonté d’espérer et de ne pas laisser paraître leur angoisse. Je les admirais et me sentais honteuse maintenant d’être là, privilégiée et voyeuse. Mais j’étais affranchie aussi de la mesquinerie, du ronchonnement et de l’insatisfaction chronique des panurges français qui finissaient par me contaminer. Ces Syriens étaient en première ligne de l’Histoire. Tout un réseau de puissances contradictoires resserrait ses maillons sur cette région. Comprendre cette complexité stimulait. A la fois victimes et acteurs, responsables et innocents, ils se débattaient et surnageaient.
Mes convictions battaient de l’aile : ou était la vérité ? Qui était le méchant ? Quelle attitude adopter ?

Ce jour-là, j’étais une autre.

Chanson de la feuille

Automne 

Elle vit avec les arbres,
Elle vit dans la forêt
Elle connaît le rythme
Des saisons énoncées

Elle connaît chaque arbre
Les chemins escarpés
Elle connaît le rythme
Des saisons énoncées

Ce matin frissonnent les arbres
Ce matin frissonne la forêt
Voilà qu’il fait déjà froid dehors
Les feuilles vont bientôt tomber

Elle marche entre les arbres
Heureuse dans la forêt
Dans la robe rouge et or
Que le vent lui a prêtée

Elle danse entre les arbres
Dans sa robe colorée
Et le vent d’automne
S’est mit à siffler

Ce matin frissonnent les arbres
Ce matin frissonne la forêt
Les branches sont presque nues
Les feuilles se sont envolées

Elle danse entre les arbres
Dans sa robe colorée
Et le vent d’automne
S’est mit à siffler

Et le vent d’automne,

S’est mit à siffler

La bête d’Issarlès

A la tombée de la nuit, d’effrayantes ombres hantent les parois glacées de la caverne oû il est né. Au coucher du soleil, il a pris l’habitude de sortir au bord du lac quand le calme gagne ses rives volcaniques éclairées par la pleine lune, ce soir. Un battement d’aile inhabituel éveille sa curiosité, suivi d’un cri strident. De frayeur, il trébuche sur les racines sculptées d’un saule courbé sur les eaux mystérieuses du lac légendaire. Il s’assomme.

Les yeux perçants de la bête ont de suite vu l’enfant s’effondrer. Au milieu des eaux glacées, la vigie attentive s’immobilise. Ses pattes palmées sont plantées au plus profond du lac. Son tronc à trois tètes, recouvert d’épaisses écailles, tournoie lentement. Sa langue crochue s’allonge et se déploie jusqu’à la berge. Avec douceur, elle crochète l’enfant évanoui au sol. Et l’on peut voir planer le jeune prisonnier au-dessus des eaux sombres, suspendu, blotti comme un oiseau dans son nid, évanoui. Sans tarder, le monstre aux nageoires argentées plonge avec son précieux butin et s’enfonce dans sa grotte souterraine.

Allongé sur du lichen, l’enfant respire à peine. La bête souffle et souffle encore sur son corps. Ses coups de langue quasi maternels finissent par réveiller l’enfant tombé des nues. Un silence abyssal plane sur la grotte préhistorique. Des torches aux lueurs violettes éclairent un panorama inattendu. Les yeux de l’enfant n’ont jamais rien vu d’aussi beau ! Les parois sont tapissées de curieuses peintures rupestres. Il découvre toutes sortes d’esquisses tracées au charbon de bois brûlé: une cohorte de chevaux sauvages cavalent, un rhinocéros massif à la corne acérée charge un bison puis un sanglier, des lionnes attroupées pourchassent un chevreuil aux bois ailés. L’invité croit entendre leur galop et reconnaitre même le souffle du bison. Seraient-ce des fragments de roches qui s’effritent sous les pattes puissantes du mammouth ? Et là apparaissent des traces de mains, une nuée d’empreintes de mains, ocrées par le temps, inaltérables signatures apposées sur la roche argileuse. Un spectacle enchanteur défile devant ses yeux ébahis. Il en est captivé. Ses craintes s’apaisent. Suis-je dans un rêve? s’interroge-t-il sans quitter des yeux les fresques animées. La présence à proximité du monstre marin l’envoûte et l’immobilise. Elle ne lâche pas l’enfant des yeux : rechercherait-elle sa compagnie ? Il frissonne sur sa litière de fortune.

Mais soudain l’imprévisible bête s’agite. Elle trépigne et tourne en rond, visiblement inquiète. Un cri strident retentit. Ses pas s’accélèrent. Une fois encore, la bête délie sa langue porteuse et l’enfant est à nouveau capturé sans embarras. Il n’ose résister ni bouger tant le regard fulgurant de son ravisseur l’impressionne. Se redressant au cœur du lac, la gardienne des lieux soulève et dépose délicatement le visiteur devant son logis. Une pale lueur de jour se lève sur les roches millénaires. L’enfant restera longtemps tapi sur le sol glacé, secrètement habité par les inoubliables figures dévoilées sur les falaises de la tanière engloutie. La sentinelle du lac : qui protégerait mieux qu’elle Issarlès et la grotte aux parois singulières ?

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