Goutte, une minuscule goutte d’eau je suis, allongée entre les pétales d’une rose et la toile d’une araignée d’eau. Je m’enivre du parfum de Céleste, mon hêtre. Je cherche ma voie : le matin je m’étire, à midi je danse, le soir je rebondis. Je suis eau, je suis bulle. C’est la ronde du jour. Je nourris la terre, je butine l’air, j’aspire la brume, je bois la pluie, je gonfle la rosée. Je reflète la lumière du ciel et le souffle du vent. J’ aime rester transparente, je lézarde sur les couleurs de roche, d’herbe, de mousse, de bois. Je coule au gré des courants, je chavire, j’ infiltre, je dégouline, je suis larme.
Goutte d’eau, source, source inconditionnelle de vie, cycle éternel de vie.
Un avenir? Devenir ruisselet, rivière, fleuve, cascade, océan, eau souterraine, nuage?
Goutte de pluie sur la ville. Viendrais-tu te promener avec moi, sur le toit, près de la rive argentée, nous créerons un jardin d’eau, d’herbe, de fleurs, un jardin suspendu, en spirale, aux senteurs épicées?
Goutte préhistorique, je saute dans la faille, j’ai peur, le ciel s’obscurcit. La mélodie du goutte à goutte m’entraine vers un stalactite luisant. Je m’y accroche, goûtant sa fraicheur. L’obscurité et le quasi silence de la grotte Chauvet me consacre pour l’éternité !
Deviendrai-je l’eau d’une fontaine, l’eau d’un lac, l’eau d’un marais, l’eau municipale?
Je suis perdue, je tourbillonne, je m’éparpille, je me gaspille aux robinets. Je me confonds avec les cieux. Un souffle passe. Il embaume, il frise les narines mouillées par les embruns, il tétanise les poils hérissés, il sèche la peau plissée.
Goutte cruelle, elle ne parvient pas sur tous les continents, se noie dans les océans, s’évapore au-dessus des oasis, déserte les dunes, croupit dans les marigots. Il n’est pire eau que l’eau qui dort !
La ronde du jour est la minuscule goutte, retenue entre les pétales d’une rose céleste et la toile d’une araignée d’eau engourdie.