Archives de catégorie : CLAIRE

Regroupement de tous les textes de Claire

Mythes et notre personnage

Petit Prince et la bête d’acier

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Il était une fois…un Petit Prince qui vivait sur une planète bleue, seul, enfin le croit-il ! Une étrange planète, minuscule, ondulée de terres et d’eaux bleues, enrubannée de fleurs bicolores au parfum de rose. Son modeste logis de roseaux et de chaume est une miniature, il y dort seulement. Petit Prince est curieux, aventurier, au pied droit récalcitrant, sauf quand il roule sur ses patins fluorescents. Son pas de patineur le conduit à belle allure par monts et par vaux. Continuer la lecture

Sur le rivage

Unique rescapée
Naufragée orpheline
Enivrée par le ressac

Bouteille millésimée
Ondinement ourlée
Ultimatum à l’encre bleue
Temps perdu
Echappée belle
Immortelle galérienne
Larguée par les flots
Loyale vagabonde
Ensommeillée sous le sable

Au secours ! Au large !

Larguée à l’abordage
Au-delà du bastingage
Messagère inconnue
Ecume de nos nuits et nos jours
Révélerais-tu les vagues de l’âme ?

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Mythes et révélation

L’apocalypse

La mort écartée
Regagner la liberté
Feu le ciel de feu

Mythes et légendes du Bouchet

Sur le chemin

Sur le chemin de Mézilhac montait péniblement un petit âne sur lequel montait de temps en temps la mère tenant enveloppé un beau petit enfant tandis que le père dirigeait l’âne par la bride. Oui, aujourd’hui Fanchon peinait terriblement à la montée, ses sabots ripaient sur les pierres verglacées. La nuit avait été difficile. Et il avait fallu fuir, fuir la clameur du titan.

La mère si fatiguée avec l’enfant, cet enfant juste né au nouvel an. Le père n’y croyait plus à cette naissance. Par deux fois la mère a chuté, sur la dalle, sur le verglas. En cette nuit de l’an neuf, Fanchon a entendu pleurer la mère et vu le père fendre du bois sans discontinuer, à grands coups de hache. Et vlan, et vlan, comme un mugissement dans la vallée endormie ! Dans l’étable, la mère a sangloté, soupiré, le père a taillé, Fanchon s’est tenu éveillé et l’enfant est né, au sombre de la nuit sans étoile. Au petit matin glacé, Fanchon est sorti, fou de joie et s’est trémoussé sans faon en jetant des coups de galoche alentour. Mais sans tarder, le bestiau a dû accompagner la mère au lavoir gelé. Il a fissuré laborieusement l’épaisse couche de glace de ses sabots tranchants. Puiser l’eau sous la glace a anéanti la mère qui devait faire chauffer l’eau du premier bain de l’enfant-né, le nourrir l’a épuisée, ses reins endoloris brûlent son échine. L’enfant a tété sans même se réveiller, réchauffé par le souffle de l’âne attendri. Un silence hivernal entourait la maison. Le père et la mère ne se parlaient pas.

 

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De son côté, lui, Gargantua l’a sentie venir de loin l’odeur des hommes de la vallée. Toute narine en alerte, il la guettait cette effluve humaine qu’il traçait jour et nuit selon son appétit. Il se mit en chemin avec frénésie. Ses pas gigantesques dominèrent la foret, les prés, la vallée, la rivière. Son puissant odorat le guida sans faillir. Qui pourrait vaincre ce colosse ? Qui se risquerait à mesurer sa force surhumaine? Aveuglé par la faim, il n’a pas vu les pointes fourchues des bras de fer s’insérer sous ses pattes crochues, il n’a pas vu non plus cette drôle de cage suspendue se refermer sur ses larges épaules. Prisonnier, il a tambouriné quand la girouette s’est abattue dans son dos. Incrédule, il a regardé s’enfoncer dans sa gorge la lance affutée de ce génie de fer. De tous côtés, il fut pris. Alors il s’est figé, ailes repliées, pattes ensanglantées, yeux révulsés. Il entendait sous lui couler les eaux de la rivière Loire, bourdonnement lancinant qui ne pansait en rien ses blessures. Immobilisé dans ce vide abyssal, le monstre poussa alors un cri bestial, déchirant !

Le père l’entendit cette effroyable clameur, toute la vallée en trembla : les rochers millénaires, la rivière tourmentée, les arbres enchevêtrés, l’étable, la mère et l’enfant, Fanchon atterré. S’ensuivit un silence de glace, un silence noir sans espoir, un silence qui sonnerait le glas. Le père décida de suite de quitter leur logis.
Pourtant, le lendemain du nouvel an, voilé ce que l’on a découvrit : pour calmer la soif de son agonie, Gargantua ou le dragon ailé descendit la vallée de la Loire et de la Veyradeyre et en but toute l’eau jusque près du lac d’Issarlès où sommeille une ville engloutie

 

Inconnu n°51

La chaleur est accablante. C’est midi au soleil. Il rêve d’eau, d’eau de source. Ses pieds s’échauffent dans ses chaussures montantes, pourtant dépourvues de lacets aujourd’hui. Va savoir pourquoi ! Pas d’arme, pas de bagage. Il va seul. Il porte sa vie. Il la porte clandestinement. Il marche depuis des jours pour échapper à la misère et à la guerre. Il est étranger à ce pays.

C’est le pommier qu’il découvre tout d’abord, pommes moisson, petites et rondes, rouge et jaune. En croquer quelques-unes. Puis le potager tout de vert : haricots en fleurs, branches charnues de rhubarbe, choux pommés, fanes de carottes, plants grimpants de tomates et de petits pois. En contrebas, le ruisseau gargouille entre les cailloux, s’étire et glisse dans une simple auge en pierre de lave qui dégouline. L’eau y est limpide. Il s’assoit au bord de cet abreuvoir, y plonge les mains d’abord : l’onde s’enroule sur les doigts, douce, fraîche. Il soupire d’aise. Enfin pieds nus, il pénètre dans le bac, s’y assoit et ne bouge plus. Sentir l’eau sur la peau, sur les chevilles, entre les orteils, sous la plante des pieds : de l’eau fraîche, seulement cela pour ses pieds enflés. Fragrance de l’eau glacée jusque dans ses narines, au bord de ses lèvres. Frisson dans tout le corps.
Le jardin s’étire sans bruit, à la limite des lieux habités. Il a de la chance, voilà le refuge ol la force de l’eau sur la pierre balaie la fatigue. Il ferme les yeux et laisse couler en lui les songes vagues et envahissants du grand chemin. Voyage à la lisière entre terre et eau. Quelque chose de sourd bat à l’intérieur de lui.
La porte en bois au fond du jardin claque dans le lointain, battement de tambour répétitif. La mélodie le berce jusqu’à presque la nuit tombante. Pourtant il faut bouger. Il traverse l’enclos à la clarté du soleil couchant, enveloppé d’un halo d’innocence, une surprenante perception. Les senteurs s’entremêlent. Il sent lui-même le poil mouillé. Il n’en revient pas du moelleux de la terre battue. Il s’étonne que ses pas laissent une empreinte sur la terre volcanique. Et il s’interroge car le large chemin qui, tout à l’heure, longeait le bord de l’eau s’en était maintenant franchement écarté et s’était changé en un sentier serpentant entre les buissons épineux. Fallait- il continuer ? Rebrousser chemin ?? Avant de retourner les murs comme une crêpe, le vent pourra repasser ? pense -t- il en s’acclimatant à l’obscurité de la baraque de planches et de torchis dans laquelle il pénètre. Fraîcheur et odeurs mêlées, la plus forte étant la basane musquée. La nature semble avoir repris ses droits dans l’étable abandonnée. Sur les murs lézardés, s’entrelacent toutes sortes de plantes grimpantes. Il pose sa casquette sur une malle rouillée. Il détaille les outils au sol : fourche, râteau, pelle, brouette, arrosoir, échelle. Sur les étagères rongées par le temps, il inventorie un sécateur, un plantoir, des boîtes d’engrais, des ficelles, un almanach et une boîte à sucres.
Il sent une torpeur l’envahir, lourde sur les épaules. Soulevant le couvercle de la malle cabossée, il aperçoit un cahier d’écolier à la couverture en kraft bleu ornée d’une étiquette blanche. Il ne sait pas lire, il ne sait pas écrire, même dans sa langue maternelle. Les larmes coulent sur l’encre bleue des mots écrits à la plume. Il ne retient plus ni la tristesse, ni la détresse. Une lassitude ancienne, si profonde : elle terrasse.
Une averse, un doux rythme nocturne, humide, familier, le temps s’écoule, haché. Dans l’épaisseur des ténèbres et du silence, on entend seulement la pluie qui redouble. Et c’est l’orage maintenant. Ca tambourine sur les lauzes du toit. Ca le berce. Serait -il en train de s’endormir ? Il dort si mal en temps ordinaire.
Un rayon de soleil pénètre dans la pièce dans laquelle il a dormi. Il s’éveille. En ce matin de septembre, la lumière de l’aube met tout en relief. Sur l’établi, parmi les objets à la fois éparpillés et classés, se détachent le marteau et l’enclume, et puis des ciseaux de toutes tailles, de fins couteaux, des fils de cuir, de lin, de chanvre, des aiguilles, des clous en cuivre. Il n’a jamais rien vu de pareil ! Avec prudence, il caresse les formes, dodues, leur mystère soulignant leur attrait. Le bois l’a toujours attiré, sans se donner la peine d’apprendre à le travailler. Une indicible espérance naitrait -elle en lui dans cet atelier de fortune ?
Les croquenots en travers, les traces de pas, la porte entrouverte, sur ses gardes, le propriétaire fait irruption. Devant le gaillard, il recule d’un pas de sabot. Les deux hommes se toisent, en apnée.
-Tes godillots là dehors ils auraient bien besoin d’être ravaudés, dis donc ! Tu n’es pas le premier à squatter ma vieille baraque, on en a l’habitude par ici des Compostelle, ils passent et repassent, jour après jour, marmonne -t- il en lui tendant une paire de lacets en cuir.
Le pèlerin observe cet homme à l’allure quasi sauvage revêtu d’une redingote pailletée d’un autre temps, avec un fouet de dompteur dans la main droite : serait- il le maitre de ces lieux ? Il ne comprend rien à sa langue. Il se crispe et sort en jurant, visiblement à cran. Les battements du coeur s’emballent, il se met à transpirer abondamment. Faut- il lui en dire davantage ? Il s’accroupit, et au doigt, sur la terre, esquisse un plan de route, en courbes, en zigzags, avec une ligne frontière, des montagnes, des barbelés, des ponts, les bombes. Ainsi en traçant ces hiéroglyphes au sol comme sur un parchemin, le voyageur n’en finit pas de se dévoiler et de livrer son funeste parcours. Il s’emporte même, allant jusqu’aux abords du ruisseau qu’il se met à laper comme un renard craignant d’être pris au piège ! Faut -il accepter qu’il n’y ait aucun refuge possible pour moi, souffre -t- il ? Dois- je vivre comme une bête traquée ? Parcourir la contrée sans trêve ni repos ?

Dans le clair-obscur surgit la bête. Il ne l’a pas vue venir ni sentie s’approcher du ruisseau. Une douleur aigue dans le mollet le fait trébucher et s’effondrer dans le fossé. Quelque chose parait, s’impose à lui, quelque chose d’impensable le saisit. Il se trouve pris. En arrêt. L’impossible est là. Réel. L’étranger se tient silencieux, les yeux clos. C’est alors que la bête bien dressée enfonce ses crocs dans la gorge du malheureux et d’un bond recouvre son corps. Lutter ne sert plus à rien. Consentir est la seule chose qui reste possible, la seule qui atténue la révolte et l’effroi. Personne pour recevoir la peur de l’étranger, il va seul, fauché par la douleur.
-C’est bien, aux pieds, Farouche, belle bête, va…dit le dresseur au bourreau en lui donnant un morceau de sucre. Je crois bien que celui-là n’en valait pas la peine. Pas d’argent, pas de papier, pas de médaille. Heureusement que je suis là pour lutter contre la racaille. Dompter les fauves dans un cirque ou limiter l’envahissement du pays par des gadjos sans foi ni loi, c’est du pareil au même ! En inscrivant inconnu à la 51ème ligne de mon cahier bleu, j’ai au moins rédigé son épitaphe. Il s’en tire déjà pas mal, cet étranger !

Traversée en solitaire

Dans la plaine de Saône est le village de mes ancêtres maternels. Ils sont nés et vivent là depuis des siècles. La Saône est leur patrimoine et également leur mémoire. Elle nourrit leur prairie, elle abreuve leurs vaches laitières, elle transporte gens et marchandises, elle fait le bonheur des pécheurs, ses berges accueillent oiseaux et bêtes d’eau, les noyés disparaissent en ses eaux sombres… Ses ponts demeurent des passerelles entre deux contrées ennemies : l’Ain et la Saône-et-Loire. Je suis née de ces ventres jaunes comme se nomment les bressans. Le maïs, le blé, le colza, l’osier, le foin, le raisin, les carottes, les courges, les asperges : tout pousse généreusement sur cette terre de limon. Dans les cours de fermes, les volailles prêtes à être plumées puis vendues au marché local, se gavent de tous ces grains d’or et piaillent au chant du coq.

Ce dimanche d’août, nous persuadons nos parents et grands-parents de passer l’ après-midi au bord de l’eau, en prairie, au lieu-dit Uchizy. D’ immenses troupeaux de vaches paissent depuis toujours sur cette prairie communale, gardés par des bergers légendaires, héros saisonniers souvent assoiffés. Nous jouons au pré, un semblant de plage sablonneuse au bord de la Saône, quand je décide de tenter seule, du haut de mes quatorze ans, la traversée de la rivière. Grand-mère, grand-père, mère, père : aucun d’eux ne sait nager. L’eau leur fait peur : sa profondeur, sa couleur, ses malheurs…Nageuse débutante, adolescente affirmée, je brave mes scrupules et la crainte visible de mes ancêtres. Personne ne me retient !
Je nage en brasse, lentement, méthodiquement. Concentrée sur mes mouvements, j’essaie de ne pas être attirée par les herbes et les feuillus qui me frêles le ventre. Je ne regarde pas en dessous de moi, je vais de l’avant, assurément. Je me sens un peu sirène et un peu pionnière, native d’une famille de non nageurs. Cela me donne une force de propulsion incroyable. Je ne regarde pas non plus derrière moi. Je fais fi de mes aïeux transis, figés sur la rive droite, les yeux rivés sur la surface de l’eau. Ils se sont installés dans le silence, un silence de mort. Impuissants spectateurs, la scène leur devient insoutenable! Le courant se fait sentir au cœur de la rivière. Pas de tourbillons, mais du courant quand même. Cela m’oblige à nager en crabe, un peu déportée à chaque brasse. Je résiste. Je me recale à chaque avancée. La lumière est crue. En ligne de mire, la rive gauche accroche mon regard avec gourmandise. Je l’atteins sans en réaliser la difficulté. Inconsciente des risques encourus, je suis satisfaite. Je me sens différente sur l’autre rive. Je viens de grandir en quelques brasses, affranchie des peurs de mes proches et renforcée dans l’estime de mes capacités physiques. La traversée m’aurait-elle parue longue ou dangereuse, je ne l’avouerai pas ! Pourtant aucun de mes signes de victoire n’ étanchera les larmes silencieuses de ma grand-mère.
Rite initiatique à mon insu : sans cadre, sans protection, en solitaire. Ca laisse des traces : traces de liberté, de volonté, de bravitude, traces de solitude. La rivière a avalé mes peurs. Elle a contenu ma joie et ma plénitude d’exister par moi-même.
Depuis ce jour mémorable, je me sens digne héritière de ma famille bressane. La rivière Saône en est la mémoire. Je m’y baigne encore aujourd’hui avec mes petits-enfants, la Truchère, près de l’écluse. Les bateaux de croisière la sillonnent le jour et l’illuminent le soir tombant. Le T.G.V s’y reflète à grande vitesse. Les cygnes caressent ses flancs. Les rossignols harmonisent ses clapotis. Les génisses la regardent couler avec leurs yeux de merlan frit. De monstrueux silures alimentent la légende de ses profondeurs.
Le roman familial retiendra que tous les témoins de cette traversée en solitaire auraient vraiment eu peur pour moi, libre nageuse.

 

Naissance du chaos

Dans un souffle court, en un rien de temps, l’air se glaça, les nuages s’assombrirent, l’atmosphère changea. Un grondement. Cela commença par un grondement, un grondement féroce et sourd flanqua d’une odeur glacial.
Ce n’était pas un grondement de tonnerre, non plus un grondement sismique, mais plutôt une onde océanique, un roulement qui enflait par intermittence. Et la nuit tomba d’un coup, sans lune ni étoiles.
La cheminée céda la première et l’antenne s’envola sans effort. Puis la vibration sonore vint de l’intérieur, sourde. A travers les volets en persienne, seules quelques gouttes ruisselèrent et glissèrent le long de la façade. Elles débordèrent en pluies fines d’abord, ininterrompues. Le froid gagna, le ciel s’obscurcit, blafard. Un vent violent souffla. De l’intérieur, l’eau se fit véhémente, offensive. Elle enfla au point de jaillir ouvertement des fenêtres, en cascades torrentielles. Des vagues, des vagues…éclatèrent en lames déferlantes, des lances d’eau, un courant de marée puissant.
La maison devint eau, trombes d’eau. De cette houle se déversaient une à une, une personne, puis deux, puis plusieurs personnes, englouties au fur et à mesure par le raz de marée. Elles se cognaient les unes contre les autres, s’abattaient et disparaissaient dans le tumulte bouillonnant d’une terrible écume blanche. Les vagues tapaient le sol, rebondissant jusqu’au toit. La maison souffrait, craquait. Une bourrasque finale souleva l’édifice entièrement. Le vent était si fort que les voix ne portaient plus. Les cris s’évanouirent…Naquit ainsi le chaos.

Bill Viola

Bill Viola

Bill Viola

Bill Viola

Goutte à goutte

Goutte, une minuscule goutte d’eau je suis, allongée entre les pétales d’une rose et la toile d’une araignée d’eau. Je m’enivre du parfum de Céleste, mon hêtre. Je cherche ma voie : le matin je m’étire, à midi je danse, le soir je rebondis. Je suis eau, je suis bulle. C’est la ronde du jour. Je nourris la terre, je butine l’air, j’aspire la brume, je bois la pluie, je gonfle la rosée. Je reflète la lumière du ciel et le souffle du vent. J’ aime rester transparente, je lézarde sur les couleurs de roche, d’herbe, de mousse, de bois. Je coule au gré des courants, je chavire, j’ infiltre, je dégouline, je suis larme.
Goutte d’eau, source, source inconditionnelle de vie, cycle éternel de vie.
Un avenir? Devenir ruisselet, rivière, fleuve, cascade, océan, eau souterraine, nuage?
Goutte de pluie sur la ville. Viendrais-tu te promener avec moi, sur le toit, près de la rive argentée, nous créerons un jardin d’eau, d’herbe, de fleurs, un jardin suspendu, en spirale, aux senteurs épicées?
Goutte préhistorique, je saute dans la faille, j’ai peur, le ciel s’obscurcit. La mélodie du goutte à goutte m’entraine vers un stalactite luisant. Je m’y accroche, goûtant sa fraicheur. L’obscurité et le quasi silence de la grotte Chauvet me consacre pour l’éternité !
Deviendrai-je l’eau d’une fontaine, l’eau d’un lac, l’eau d’un marais, l’eau municipale?
Je suis perdue, je tourbillonne, je m’éparpille, je me gaspille aux robinets. Je me confonds avec les cieux. Un souffle passe. Il embaume, il frise les narines mouillées par les embruns, il tétanise les poils hérissés, il sèche la peau plissée.
Goutte cruelle, elle ne parvient pas sur tous les continents, se noie dans les océans, s’évapore au-dessus des oasis, déserte les dunes, croupit dans les marigots. Il n’est pire eau que l’eau qui dort !
La ronde du jour est la minuscule goutte, retenue entre les pétales d’une rose céleste et la toile d’une araignée d’eau engourdie.

Chouette effraie

Au bout de la pluie, il y a la mer. Et du torrent surgit la cascade, une cascade d’eau de roche, envoûtée par les orgues basaltiques. Dévoilée par son chant, son cri même, la belle chevauche les orgues, déborde sur les rochers. Un arc en ciel révé?le ses couleurs, halo de lumière aux reflets métalliques, caressé par un vent cruel.
Qui loge dans cette grotte voilée par la chute d’eau? Des vermisseaux nouveaux nés, des scarabées effarouchés, des têtards en retard, des chauves souris endormies, des araignées ébouriffées? Une chouette effraie !

Elle s’élance une nuit de pleine lune. Son cri angoissant emplit la forêt endormie. D’arbre en arbre, le rapace nocturne connait bien son territoire. Son envol brise le silence. Ira -t- il nicher sous le porche aux épis de maïs suspendus ? Ou? réussira -t- il à temps à se percher sur le clocher de l’église pour les alerter ?
Car la mer monte. Son grondement sourd est masqué par la clameur de la cascade. Cependant, le ciel est agité, les feuilles tremblent insensiblement. Nul n’y prête encore attention. Un ragondin parade au bord du fossé. Une truite égarée sursaute. Un lièvre se régale de plantain. Une vipère aspic dévore un rat des champs.
De l’épaisseur des ténèbres survient la pluie. Une forte pluie qui se met à cingler les roches en saillie. De grandes eaux en jaillissent et rebondissent. La chouette affolée bat de l’aile. Dès lors, une puissante houle tourbillonne entre les rives. Elle roule en une écrasante vague d’orage, féroce, sans limites. Franchira-t-elle la falaise ? Elle arrive à tout dévaster sur son passage : arbres, cabanes, barrières, poteaux, murets, enclos, bêtes et gens. La mer enfle à vue d’œil, son tumulte s’intensifie. Elle déferle jusqu’à la grotte ensorcelée : mystère englouti !

Verger d’Eden

Sous la colline ensoleillée, ce verger enchanté
Vibre d’une présence éternelle.
Vert galant au feuillage luisant, alliance d’ombre et de lumière.
Je souris au verger chatoyant, conquise par tant de voluptés,
Je ne puis en détacher mes yeux, conquise par tant de beautés.
Sans faire aucun signe, sans le moindre ne bruit, Continuer la lecture