Mythes et notre personnage

Petit Prince et la bête d’acier

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Il était une fois…un Petit Prince qui vivait sur une planète bleue, seul, enfin le croit-il ! Une étrange planète, minuscule, ondulée de terres et d’eaux bleues, enrubannée de fleurs bicolores au parfum de rose. Son modeste logis de roseaux et de chaume est une miniature, il y dort seulement. Petit Prince est curieux, aventurier, au pied droit récalcitrant, sauf quand il roule sur ses patins fluorescents. Son pas de patineur le conduit à belle allure par monts et par vaux. Il explore tout au long de la journée. Il est très occupé, égaré quelques fois. Petit Prince est rêveur. Néanmoins des interrogations incessantes sur le sens de sa vie l’assaillent quotidiennement et l’astreignent à tourner en rond, et depuis tant de jours. Une simple barque de bambou agrémente ses balades, bien que ramer l’assomme de fatigue et il s’endort. Combien de fois fut-il réveillé par un plongeon à son insu ? il ressortait glacé ou transfiguré ? Combien de rames plus ou moins adéquates a-t-il façonné pour les voir s’engouffrer l’une après l’autre dans les eaux profondes ?

Petit Prince s’ennuie infiniment de ne pouvoir partager ses découvertes, ses émotions, et depuis tant de nuits. Où est passé le temps ? Alors un jour, un jour plus bleu qu’hier, il amasse un tas de terre, sculpte la glaise, la façonne jusqu’à en faire naître une figurine : son ange gardien, son avatar ? Ses mains se libèrent, il caresse la sculpture, l’embrasse. Tout y passe, sa colère, sa joie, ses émois. Ainsi est né Glason. Ses yeux profonds, sa bouche maligne et son menton renfrogné se dessinent pendant la cuisson au feu de bois, il se teinte de flammèches et de larmes, car Petit Prince en est tout ému ! Glason deviendra un fidèle compagnon. Glason aime se surpasser. Pourtant il se sent vulnérable. Il s’interroge sur son créateur : suis-je à la hauteur de son à-propos, saurais-je faire face à toutes ses réflexions ? Si seulement Petit Prince pouvait reconnaître sa fragilité ! Petit Prince est exigeant !

Ce jour-là, sur la plus haute colline de leur planète déserte, un vent effroyable se lève, se met à souffler à perdre haleine, un vent méconnu de poussière et de cendres qui oblige à se coucher à terre instinctivement. Petit Prince peut à peine reprendre son souffle, terrassé par une force invisible et puissante, orchestrée d’un vacarme assourdissant, d’un claquement strident, puis d’un silence de plomb.

Quand Petit Prince et Glason tentent d’ouvrir les yeux, le voile de poussière s’est dissipé et devant eux apparaît une gigantesque bête d’acier, camp’e sur le sable : deux ailes sur la tête, une queue de fer, deux larges pieds plats, des yeux rutilants. Petit Prince apeuré se sent menacé, même blotti tout contre Glason. Ils restent terrés l’un contre l’autre sans plus oser bouger.