La boutique à mots

Quelle pression ce matin ! J’anime dans deux heures un stage de team building auprès du comité de direction des Salaisons du Mézenc quand tout à coup je m’aperçois qu’un élément essentiel manque à la panoplie de mes outils de communication : la performance. Je me précipite dans les rues du Monastier sur Gazeille, lieu du stage, pour tenter de trouver une boutique qui en disposerait. Je pousse la porte du premier magasin venu, une sorte de bric-à-brac où s’accumulent des vieilleries empoussiérées, une caverne d’Ali Baba où se côtoient des poêles en fonte en tout genre et des objets insolites. Le boutiquier pointe son nez du fond de son antre. Il semble aussi âgé que les objets qu’ils proposent à la vente. Gageons que de ce bric-à-brac il puisse me dénicher ce qu’il me faut.

– Bonjour Monsieur, je recherche de la performance. En auriez-vous en rayon ?

 De la performance ? Je ne vois pas ce que c’est. Par contre, j’ai un très bon miel bio de la récolte de cette année que je vous recommande.

 Je vous remercie mais je n’en ai pas besoin. Par contre, il est important que je puisse disposer dans l’heure de “performance”. (Yeux ahuris du boutiquier). Vous voyez certainement de quoi je veux parler. La performance, le moyen de performer, d’être plus efficace, que dis-je efficace, efficient serait plus juste, c’est-à-dire permettre d’atteindre dans les délais un objectif fixé avec une économie de moyens pour obtenir un résultat de qualité qui réponde à l’attente du client. (Yeux exorbités du boutiquier).

Alors là mon gars, je ne peux pas grand-chose pour toi. Ici, je ne fais que dans l’antiquité et dans le miel. Et la performance on n’en a jamais eu besoin sur le plateau. C’est un truc des gens de la ville. Ici, on fait ce qu’on a à faire et c’est tout. Je tiens cette boutique le matin, j’ai pris la suite du père qui lui-même tenait la boutique de son propre père. On est antiquaires depuis quatre générations. C’est vous dire le stock que l’on a. Et puis comme, les aprês midi, je peux m’adonner à ma passion : les ruches. Elles produisent un miel de première qualité. Je vous le recommande et pour ce que vous cherchez, la performance, c’est, si j’ai bien compris, je me demande si mes abeilles, elles, n’en produisent pas.

Horloge à domicile

Consigne d’écriture : on parle aux objets, un objet que j’ai depuis longtemps, je dois me débarrasser de lui, écrire un monologue.

A toi horloge vagabonde,
Au moment de nous quitter, je tiens à te dire combien tu comptes pour moi, pour nous. Au cœur de notre maison, tu as su trouver ta place.Tu tic-tac tout au long du jour et de la nuit, tu égrènes les heures et les demies. A ta manière, sans flonflon, tu rythmes nos vies. Ton murmure discret est notre tempo et nous te réservons une oreille bienveillante rien que pour toi, mine de rien ! Aujourd’hui pourtant nos vies se séparent. Tu viens d’être choisie pour l’autre maison, celle de l’horloger de la famille qui sait d’instinct mettre les pendules à l’heure !
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Mythes et arts plastiques

Deux lascars, ayant, chacun de leur côté, vécu une vie d’aventure, se retrouvent sur un même lit d’hôpital. Le premier, Giscard, a perdu l’œil droit, aussi la partie droite de la commissure de ses lèvres; une partie de l’une de ses joues est aussi creusée.

C’est vrai que j’avais qu’à pas faire l’andouille dit-il laborieusement; il est possible que je m’étrangle à chaque bouchée. Avaler de la purée jusqu’à la fin de mes jours, quelle tuile!

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Mythes et cinéma

Le mont Signon

D’abord, une montée pentue, estivale, aux mille et une senteurs. Au sommet, l’entrée dans un autre monde minéral, désordonné, en déroute avec cette impression subite et désagréable d’être pris à la gorge, comme si un crash aérien venait de s’y dérouler.

En effet, l’avion, tel un reptilien semblait s’être couché là, par convulsions multiples et phénoménales, au point d’avoir projeté en tout sens mille salves de pierres, s’étant frayé un passage, de manière déterminée, dans les entrailles de cette lauzière abandonnée, en y creusant des excavations, des béances, telles des cicatrices à ciel ouvert. Je marchais sur un cimetière sans le savoir! Pour un peu, monterait une odeur de charogne; et même le crissement de mes pas, presque cristallin, me faisait frémir d’horreur aux cris des condamnés.

Alors que l’horizon, dégagé de toutes fumerolles, arbore un ciel sans nuages, je ne vois ici que la malédiction d’Adam qui se continue. 

Mythes et notre personnage

Une masure en lisière de forêt

Six jeunes garçons y vagabondaient de-ci, de-là, tour à tour d’humeur fantasque ou apaisée : leurs prunelles contenaient toutes les teintes verdoyantes des alentours ; leurs oreilles, entraînées aux multiples trilles des oiseaux des bois, fourmillaient de sifflements, de cris, de mélopées.

A la tombée du jour, à cette heure dite entre chien et loup, sans même avoir besoin de se concerter, ils se regroupaient et unissaient leur voix en la clairière. Ce moment enchantait leur mère. Même les animaux des bois s’immobilisaient un instant, pointant leurs oreilles dans leur direction. Continuer la lecture

Mythe et arts plastiques

Il est possible que je vous semble double, mais il n’en est rien. Je me sens bien comme ça. Parfois gringalette, maniaque et obsessionnelle, ligotée par mes attaches, mes rites, mes peurs. Parfois Goliath au cœur tendre, sauveur de l’opprimé, secours du faible. Femme, homme, qui le sait ? Cependant, il n’est pas certain que je ne devienne pas une autre, la triplée en train de naitre, mais laquelle ? Continuer la lecture