Mythes et cinéma

Dans ce lieu tourment, les lauzes empilées forment d’étranges bories. Nul ordre, nulle harmonie dans ce décor irréel ou le soleil ardent accentue le contraste entre l’ombre et la lumière. Les flancs des ravins, chaos de strates et de plaques, menacent de s’écrouler. Les pins rabougris sont des gnomes torturés par le vice et la perfidie et les méandres du relief angoissent comme un labyrinthe mortel.

Tapi dans la pénombre, au creux d’un amphithéâtre naturel, Grésivaudan est assis et songe. Il savoure la chaleur du jour qui régénère ses articulations endolories. Non, il n’est plus celui qu’il fut jadis. Sans regret, il a délaissé la pleine lumière ; soulagé, il n(éprouve plus d’accès de noire fureur. Mais quand reviendra la brume, les fantômes et les chimères peupleront sa mémoire.

UTIAK et MARIE POCHON

La Terre n’était pas encore la Terre, mais seulement une boule magmatique tourmentée d’explosions qui peinaient à séparer les océans et les iles volcaniques surgissant ici et là, construisant et détruisant des amorces de continents ; des vents solaires et des météores balayaient et frappaient sans relâche la surface du globe incandescent. La flotte aérienne de SKUIZAR qui survolait ces convulsions enflammées jugea l’endroit inhabitable, mais l’un des pilotes ne partagea pas cet avis, anticipant un devenir potentiellement viable, il enclencha son démodulateur temporel. UTIAK était un grand indépendant et tandis que toute la patrouille de reconnaissance exploratrice du secteur AB 36 dans l’amas d’amas 76B12 filait déjà vers une autre galaxie, il décida de poser son appareil sur cette planète peu avenante. Il fit avancer le démodulateur d’un quart de cadran, c’est-à-dire de quelque quatre milliards d’année L’estimation était assez heureuse et l’appareil se posa sur une boule verte et bleue à l’apparence stabilisée. L’appareil choisit de lui-mème une clairière dégagée au milieu des arbres innombrables qui couvraient à perte de vue de vastes territoires. UTIAK, sortit de son engin, èta son scaphandre de protection, et prit plaisir à respirer un air tout à fait sain avec une légère surcharge d’azote pas du tout désagréable et même un peu euphorisante. Son instinct ne l’avait pas trompé. Cette planète était habitable et plaisante son esthétique tout à fait satisfaisante pouvait en faire un lieu de villégiature fort agréable pour un SKUIZARIEN en quête de repos et de dépaysement. Mais il vit soudain surgir dans sa direction une troupe d’animaux étranges et gigantesques qui le déconcerta. Jamais il n’avait vu ni imaginé rien de tel : des bêtes aux corps monstrueux, interminables et é la gueule démesurée, avec des dents apparentes dont la taille dépassait celle de son engin spatial. Ces créatures, de toute évidence carnivores le considéraient comme une proie et s’apprêtaient à le dévorer vif.

Il réussit à rejoindre à la hâte son SUPERBEURK véhicule spatial dernier cri, bénéficiant des plus récentes découvertes des savants de SKUIZAR, et appuyant sur le bouton d’urgence il installa autour de lui un champ d’inaccessibilité qui le protégea de l’attaque furieuse de ces monstres. Les animaux imbéciles vinrent s’écraser et se renverser contre la coupole invisible édifiée pour protéger l’engin et son occupant. Tranquille dans sa cabine, UTIAK lança un appel au grand superviseur intégrateur du secteur sud d’AB36 qui avait la charge de réguler l’évolution de cette zone. On ne pouvait laisser les choses en l’état. Le dérangement était patent. Il demanda une intervention d’extinction en respectant la procédure et remplissant les formulaires. Il l’obtint dans un délai assez court de sa temporalité, qui correspondait à quelques millions d’années terrestre, et la nouvelle planète à peine découverte et répertoriée reçut un choc de force 5, percutée par l’astéroïde GB12-327K, opportunément détourné à cet effet. Le choc violent déplaça les pôles, et provoqua une retombée de poussière, des explosions, éruptions et dévastations telles qu’aucun des monstres à grandes dents ne survécut, et pas grand-chose d’autres à part quelques rongeurs dérisoires.

UTIAK, qui avait pris un peu de hauteur tenait néanmoins à son idée, et cette planète lui plaisait, il estima au jugé le temps nécessaire à un renouveau de la vie et poussa de quelques crans son démodulateur. Il se posa de nouveau. En France cette fois, en l’an de Grèce 1887, dans la cour de Marie Pochon, une fermière des Estables, au pied du Meyzenc.

Elle était en train d’écrire dans son journal poétique la phrase suivante :
à Ce qui part de ton cœur trouve toujours un écho. C’est dans le tien que je le trouverai.
Elle regarda rêveuse par la fenêtre ouverte et vit UTIAK descendre tranquillement de son SUPERBEURK posé dans l’enclos des cochons. Elle le trouva tout à fait séduisant avec ses petites antennes bleues intégrées au-dessus des oreilles et son superbe crane rouge métallique et luisant. Elle comprit immédiatement qu’ils allaient faire un beau couple dont l’histoire s’inscrirait dans la nuit des temps.

Ulysse après Ithaque

Il se sentait vieux, fatigué, et Pénélope n’était plus la-même non plus. En vingt ans on change. Et dix nouvelles années s’étaient ajoutées depuis son retour à Ithaque. Et l’énergie de la jeunesse, l’amour partagé de la jeunesse, ou était tout cela aujourd’hui ?
Son fils Télémaque était parti en voyage d’étude avec son maitre Mentor. Pénélope et lui recevaient réguliA?rement des messages et tout se passait bien. Son chien fidA?le était mort depuis longtemps. Ulysse s’ennuyait. La vie paisible ne lui convenait plus, manquait de mouvements, d’émotions. Il se sentait vieillir, ses forces diminuaient, des douleurs diverses envahissait ce corps jadis résistant et musclé qui jusqu’ici n’avait connu que la convalescence d’apres blessure et le repos d’apres les combats. A présent l’inaction meme l’usait, le temps allait faire son oeuvre et l’effacer trait apres trait comme une gomme obstinée, efface un manuscrit, jusqu’à la page blanche du néant, de la mort. Il ne croyait plus aux dieux jadis cètoyés, et toute son aventure guerriA?re autour de Troie, son long Odyssée de retour, sa lutte meurtrière contre les prétendants, tout cela lui paraissait une histoire lointaine écrite par un autre, sans grand rapport avec lui, et dont la mémoire s’effaçait. Mais pourtant, quelque chose en lui ne se résignait pas. Il était roi tout de même, encore puissant et riche. Il était valide encore, et capable de vivre des choses difficiles et belles. Bien sur, il aimait Pénélope, et ce n’était pas des aventures féminines ni des conquêtes sexuelles qui le motivaient. Pour cela d’ailleurs, il avait passé l’âge, cela ne le titillait plus et même lui semblait un jeu puéril d’adolescent attardé, d’homme immature ; ce à désir de femme à qui jadis lui apparaissait si important, et parfois la seule chose qui vaille, n’était plus pour lui qu’un signe d’animalité qui rapproche le male humain du chien, frétillant de la queue à chaque femelle croisée. Non, à présent il croyait à l’amour, à la fidélité qui unit deux êtres dans un partage d’expérience de vie portée au plus haut de l’intensité d’être. Il était heureux d’avoir connu ce partage, de l’avoir concrétisé dans un enfant, une vie nouvelle qui à son tour s’était élancée sur les routes du monde et de la découverte, allant vers le nouveau toujours et l’imprévu, le surgissement des émotions, l’émerveillement devant la beauté qu’elle soit de la nature, de l’art, ou de la forme d’un visage et d’un corps (masculin ou féminin cela n’importait plus). Et pourquoi devrait-il renoncer pour lui-même à cela ? Non cette retraite même royale ne pouvait lui convenir. Pénélope comprendrait. Il devait repartir.

Il s’était habitué aux cycles de dix ans. Elle aussi. Elle ne fut pas surprise qu’en ce dixième anniversaire du retour à Ithaque, il lui annonce ce soir-là qu’il allait faire affréter une nef et aller découvrir l’au-delà des confins. Il exposa son plan : les dérives de son Odyssée lui avait fait approcher les colonnes d’Hercule et les limites de cette mer qui constituait le monde connu. Mais au-delà ? Il y avait bien quelque chose ? il voulait savoir quoi. On disait que la Terre était plate, que l’océan s’arrêtait que les eaux tombaient dans le vide au bout d’un grand plateau que portaient quatre éléphants dont les pieds reposaient sur des tortues géantes. Comment croire à cela ! Des contes de bonnes femmes pour les petits enfants. Lui était un homme, il irait voir.

– Pourquoi toi ? hasarda-t-elle, déjà résignée
– Parce que je veux savoir.
– Envoie quelqu’un.
– J’ai déjà envoyé Télémaque, avec Mentor pour le guider. Veux-tu que je leur envoie un message pour leur proposer cette mission ? Mais non, je sais que tu ne le veux pas, et ce n’est pas la tache d’un jeune homme, qui a le monde à découvrir, d’aller s’enquérir de l’au-delà du monde.
– L’audelà, on n’en revient pas.
– Peut-etre. Peut-etre pas. Qui sait ? dans dix ans ou dans vingt. Peut-etre que la Terre est ronde et que je te reviendrai un jour en passant par l’Asie.
– Je ne serai plus là.
– Il ne faut pas dire cela. Tu sais attendre. Et tu as l’habitude de vivre.
– Je l’ai retrouvée avec toi, ton absence n’était pas la vie.
– Tu ne veux pas que je parte ?
– Je sais que tu vas partir. Je l’accepte. Donne-moi encore du temps avec toi, le temps de préparer une nef et un équipage digne de ton dernier voyage.
– Tu as raison cela ne s’improvisera pas. Cette dernière aventure au-delà du monde connu doit etre préparée, doit etre réussie.
– Emmene-moi ?
– Dans mon coeur, je t’emporte, et je reste aussi dans le tien. Que tu acceptes mon départ, nous unit, plus que nous ne l’avons jamais été.
– Oui. Mais ne pars pas demain.
– Dans cent jours. Pas un de moins. Ni de plus.

Et les cent jours passA?rent comme les grains dans le sablier. Pas un de plus, pas un de moins. La nef, la plus puissante qu’on ait jamais vue en méditerranée fut affrétée et quarante hommes expérimentés, tous volontaires, les plus jeunes et les plus braves en constituaient l’équipage.

Le voyage fut tranquille d’abord, aucune tempête, aucun incident ni mauvaise rencontre, et jusqu’au colonnes d’Hercule, il sembla qu’Eole poussa de son souffle agréable et puissant le bateau protégé par les dieux. Ulysse se sentait jeune à nouveau, il respirait à plein poumon l’air marin, et la vie battait en lui, comme si l’eau des océans se mêlait à son sang.

Puis le moment venu, ils entrèrent résolument dans l’inconnu.

L’inconscient d’un nain de jardin

– Heureux qui comme un nain de jardin a fait un beau voyage dans les zones sombres de son inconscient.

– Tu dérailles, Lacan n’a jamais évoqué les nains de jardin dans ses conférences!

– Ni Freud, pourtant ce nain de jardin a été photographié sous les fenêtres de sa maison à Vienne.

– Je te dis qu’un nain de jardin,  engrange, comme toi et moi, tout un tas de saloperies dans l’inconscient.

– Tu rigoles ou quoi?

– Tu ne me crois pas. Hier, en consultation, mon nain de jardin m’a parlé de Blanche neige et les sept mains.

– Parce que ton nain fait un lapsus, tu crois qu’il a un inconscient?

– Jung en écrivant sur l’animus et l’anima avait dit-on un nain en cire sur la table de son bureau. Une sorte de Golem fétiche

– T’as lu sur Facebook?

– Oui! Un article très sérieux et bien référencé.

– Le genre théorie du complot. Je vois. Un truc orchestré par l’extrême droite pour discréditer la psychanalyse

– Tu oublies que le monde est une ville reflétée dans un miroir.

– Et alors, ça veut dire quoi?

– Que le nain de jardin avec sa lanterne magique est le reflet de nos pulsions secrètes, des nos fantasmes

– C’est peut-être le reflet de nos peurs, de nos haines, de notre violence intérieure. Mais ça ne signifie pas que ton nain ait un inconscient.

– L’un de mes étudiants en sixième année a bâti sa thèse sur le thème “Le nain de jardin et le ”

– Ok. Il veut faire du buzz pour briguer un poste d’interne à Saint-Anne! On connait tous cela quand on est directeur de thèses.

– Bon. Comment vont Josiane et tes enfants? Ta rentrée universitaire?

– Tu sais Josiane m’a quitté.

– Ah bon? Avec le professeur Sigmund?

– Non! Avec un nain du cirque Médrano.

– Elle s’envoie en l’air tous les soirs au-dessus de la piste avec l’homme canon?

– Très drôle! Non il faisait la réclame Oasis en homme-sandwich sur le boulevard Voltaire.

– Elle a eu le coup de foudre. Subjuguée par ses pantomimes pour agiter la pulpe du breuvage. Elle me dit que ça la change de nos réunions de toubibs, de nos congrès ennuyeux  elle me sert de potiche de luxe.

– Tu sais, il existe un oasis en tout lieu

Sylvain

Estables, 24 septembre.

Mythes et poésie

A mon fils adoré que je porte aux nues,
Voici venir le temps de prendre ton envol.
Déploie ces ailes miellées à ton dos suspendues.
Laisse-toi porter par le souffle d’Eole.

Si tu réussis, tu seras notre salut.
Sous un ciel azuré et radieux, Icare s’envole
Guidé par les arômes de menthe, de thyms répandus.
Fragrances de myrtes, de genêts, d’épilobes.

Montent les relents de la mer Egée
Exhalant des parfums de varechs iodés.
L’enfant, par la beauté à ses yeux dévoilée
Déploie grand ses ailes vers le soleil éclaté.

A mon cher enfant, réduis ta course effrénée
Mes cris désespérés ne peuvent t’atteindre
Au soleil exposées tes ailes enflammées
T’entraînent et ton corps dans les flots vient s’éteindre.

Mythes et humour

Scène 1 Atlas

(un vieil homme, le dos courbé, suant, genou à terre, pliant sous le poids, soutient sur sa têe une sphère énorme représentant la voûte céleste.)

Atlas  Quelle chance de porter la voûte céleste sur mon dos, Zeus n’aurait pu me confier de tâche plus noble et glorieuse ! Je fais la pluie et le beau temps sur terre, je suis un dieu en somme ! (s’adressant au ciel) Calmez vous là-haut, cessez de remuer, j’ai un mal fou àconserver mon équilibre. La paix, bon sang ! Continuer la lecture

Mythes et Opéra

Amour de ma vie
Sous mes yeux, je t’ai perdu
Regrets éternels

Inspirée par l’attentat du 14 juillet à Nice :

Foule en liesse
Chevauchée satanique
L’enfer est sur terre

Bleu ciel étoilé
Blanc la faux qui s’élève
Rouge est le sang. 

Mythes et arts plastiques

Je me présente : Argochouette. J’ai des yeux partout : devant, derrière, sur les côtés, sur la tête. J’ai toujours un œil ouvert, je veille. C’est vrai que je suis unique. Un grand nez pour sentir le vent. J’ai un odorat très développé, je sens venir les choses. Par contre, je n’ai qu’une oreille, elle est rouge à force de l’exercer à entendre. Il est possible que je ne doive pas m’y fier. J’ai parfois fait des choix en n’entendant qu’un son de cloche et alors je les ai regrettés.

Ma bouche est près du coeur, elle est reliée directement à mes membres, c’est elle qui commande mes actes. Il n’est pas certain qu’ils répondent toujours à mes injonctions. Ils réagissent parfois de manière incontrôlée mus par la peur ou par la colère.

On peut toujours dire que je suis un monstre. Je refuse de penser que je le suis. Je veux bien admettre que mes capacités oculaires me conduisent à exercer en permanence une mission de contrôle. Je suis toujours sur le qui-vive et cela m’épuise. Quoiqu’il en soit, je refuse d’admettre que je doive fermer les yeux sur certaines choses.

Je crois que je vous ai tout dit de ce que je sais de moi aujourd’hui et j’attends vos impressions afin de parer mon personnage de couleurs bariolées.

Mythes et musique

A la tombée du jour, dans le bush assemblé,
Les hommes offrent à la nature apaisée
Le chant de leurs instruments
Autour d’un feu crépitant.
Une offrande à la terre mère.
 
Vibration distordue
Les didjeridoos se répondent
Feulement, coassement, glougloutent,
Le son enfle au rythme envoûtant,
Les corps vibrent en écho
Et entrent en transe.