Deux lascars, ayant, chacun de leur côté, vécu une vie d’aventure, se retrouvent sur un même lit d’hôpital. Le premier, Giscard, a perdu l’œil droit, aussi la partie droite de la commissure de ses lèvres; une partie de l’une de ses joues est aussi creusée.
C’est vrai que j’avais qu’à pas faire l’andouille dit-il laborieusement; il est possible que je m’étrangle à chaque bouchée. Avaler de la purée jusqu’à la fin de mes jours, quelle tuile!
Vrai! Il n’est pas certain que je veuille poursuivre cette vie-là!
Gaspard, le second, qui n’avait encore rien dit, rétorqua: et ben mon vieux, on peut toujours dire que j’suis autant dans la mouise que toi, mais je refuse de penser que je resterai ainsi amoché pour le restant de mes jours! T’as pas vu ma tronche’? J’suis paralysé tout du côté droit et ça me fait une tête de lard ; une fois de plus, je refuse de penser que Dieu et tout le tintouin de son armée céleste, s’est détourné de moi. Evidemment, je veux bien admettre que je n’ai pas toujours été un saint ; m’enfin, je refuse d’admettre que je ne serai pas secouru quand même !
Un silence.
Eh, Giscard, tu sais pas ce qui m’arrive ? Je ne pense pas que je rêve : une sensation physique dérangeante me fout la frousse, me laissant croire que je suis sur le point, enfin je veux dire que mon corps à mon insu, est en train de créer une nouvelle moitié de visage qui va venir se souder, comme par magie, à la première !
T’es pas fou, gars, a dit Giscard
T’as raison, faut pas que je me laisse faire ! dit Gaspard
Mais qu’est-ce qu’a bien pu faire ? C’est une prise d’otage !