Mythes et notre personnage

Une masure en lisière de forêt

Six jeunes garçons y vagabondaient de-ci, de-là, tour à tour d’humeur fantasque ou apaisée : leurs prunelles contenaient toutes les teintes verdoyantes des alentours ; leurs oreilles, entraînées aux multiples trilles des oiseaux des bois, fourmillaient de sifflements, de cris, de mélopées.

A la tombée du jour, à cette heure dite entre chien et loup, sans même avoir besoin de se concerter, ils se regroupaient et unissaient leur voix en la clairière. Ce moment enchantait leur mère. Même les animaux des bois s’immobilisaient un instant, pointant leurs oreilles dans leur direction.

Il arriva, une fois de plus, que cette femme se trouva enceinte ; elle fit le vœu d’avoir une fille mais ne savait que penser : en effet, le jour, un pétillement discret, qu’elle parvenait à discerner intimement, venait la surprendre et l’interrogeait. Le soir, lorsque les voix joliment affûtées de ses garçons lui parvenaient, elle se joignait doucement à eux, offrant ce doux moment de prière chantée à son bébé qui réagissait de plus belle. La nuit, sans n’y rien comprendre, elle se sentait détachée de sa couche pour se retrouver gravitant joyeusement en orbite autour du soleil, telle une constellation ; elle regagnait sa couche avant l’aube, tout semblant orchestré sans son vouloir. Rêve ? Réalité ? Elle n’en parla pas à son homme, par peur d’être prise pour une sorcière.

A l’évidence, cette grossesse se révélait fort différente des précédentes, ce qui l’effrayait et tout à la fois la comblait de joie car ses rêves lui parlaient  aussi de source vive, de fluidité colorée, de liberté intérieure.

Elle arriva au terme du neuvième mois : une fille naquit. Émerveillement secret. Le père aussi, semblait comblé. Les six frères, au-dessus de son berceau la considéraient avec curiosité ; en effet, des salves de léger frémissement sourdaient à la surface de sa peau ; on la nomma : ARTEFREMISS.

Dans la clairière, ce soir-là, les six frères invitèrent leur sœur à entrer dans la ronde du temps qui chante. Les animaux, entendant de nouveaux accents, tendres et mélodieux, captèrent le message : une petite fille venait de naître.