Pigments envolés

Une cloche tinte dans le matin, cristalline. Une barque trace des sillons à la surface de l’Ain. De mon promontoire, j’observe un peintre qui tague l’espérance du monde meurtri sur le mur des sons, A la surface des mondes flottants et sur les étamines d’une graminée portée par le vent.

Une simple tache rouge de pigments diffus sur une feuille d’aquarelle. De l’humide dans l’humide, précise le maître. Un univers de douceur qui se diffracte dans l’infiniment petit et l’infiniment grand du cosmos.

Une nouvelle étoile écarlate naît en pleine fusion dans une galaxie vert clair. La naissance d’un enfant déchire en hurlant la matrice originelle de la vie. Puis c’est le rien. Tout s’apaise. Tout n’est que calme et silence dans cette création éphémère.

Les pigments d’aquarelle s’évadent de la feuille et parsèment de grains de sable les coquelicots du champ de blé du poète quand il ouvre la fenêtre d’un simple souffle de vent.

La lettre

Je glisse avec mes skis de fond sur la neige du Plateau ardéchois. Je marque une trace dans la profonde congère. J’aime ce vent glacial qui me glace le visage. Des stalactites pendent des gouttières de la ferme du Mézenc.

Ma grand-mère est assise auprès du feu de cheminée. Ma mère prépare les bugnes. C’est une tradition familiale les bugnes, nappées de sucre glacé, à Mardi-gras.

Mon père n’arrive plus à ouvrir la boîte aux lettres. La serrure est prise par la glace.

Il chauffe les clefs avec une bougie. Lorsqu’il parvient à en extraire le courrier, j’espère une lettre de mon amoureuse, une fille de la ville. 

Le lieu idéal

Il serait baigné de lumière,
J’y jetterais un tapis vert
D’herbe douce au parfum léger
D’herbes folles mélées d’églantier.

Il serait empli de quiétude,
Loin des bruits, tapages, inquiètudes,
Une maison haute et tranquille
Ouverte au monde loin de la ville.

Il serait bon de s’y trouver,
De réunir, de s’y croiser,
Il serait doux d’y apporter
Tout le meilleur et le donner.

Sublime-Nammos

Pour accéder à Sublime-Nammos, il fallait prévoir du temps, se recharger en énergie et de préférence aimer la marche.

A ma connaissance, il n’y avait aucun moyen de transport connu possible. Aucune route, mais un sentier escarpé à partir de Nammos le Mibus, centre commercial important, lieu de passage, d’échanges, de marchés colorés, un lieu vivant et grouillant.

Seuls quelques initiés connaissaient la trouée dans la montagne, passage conduisant à cette terre paradisiaque.

Quelques maisons, un lac, une forêt protégée des regards, un climat exceptionnellement doux et clément.

Les quelques familles installées à Sublime-Nammos depuis plusieurs générations avaient développé un réseau d’entraide qui reposait sur les compétences ou qualités de chacun.

J’avais découvert  Sublime-Nammos  tout à fait par hasard après avoir vu un documentaire sur cette région et rencontré Osmana chez des amis. Elle était venue en stage à Paris pour quelques semaines et semblait si pressée de rentrer chez elle. C’est ce qui m’incita à faire le voyage. La curiosité, le besoin de dépaysement mais aussi l’invitation chaleureuse d’Osmana qui entrouvrait une porte vers un monde inconnu.

Ce qui m’a le plus touchée, l’hospitalité des Sublime- Nammosiens, leur attention à l’autre.

Accueillir, faire plaisir semblait être leur principale préoccupation, ainsi que la fieré de leur pays.

Ne me demandez pas l’itinéraire ou bien la carte de la région ou bien encore les hébergements possibles. Ne me demandez pas plus de précisions sur Sublime-Nammos, je ne saurais les apporter.

Car, si j’évoque aujourd’hui Sublime-Nammos, c’est afin de reconstituer le puzzle, rassembler les pièces enfouies au fond de ma mémoire.

C’est si loin . Je garde un souvenir émerveillé, ému, nostalgique d’un paradis perdu, A tout jamais.

Comme vous devez le savoir, un volcan s’est réveillé dans la région de Nammosie, dissipant Sublime-Nammos dans un magma en fusion.

A ce jour, il ne reste plus rien de ce rêve éveillé, ou plutôt restent les bribes de nos souvenirs et de nos témoignages.

 

 

 

Les mondes flottants

Défilé de photos et retour à la fleur, aux fleurs plutôt. Elles m’attirent. Effet graphique, explosion de couleurs, rayonnement harmonieux. J’aurais pu les dessiner tant elles résonnent en moi.

J’ai vérifié qu’elles ne provenaient pas de mon dossier d’images. L’harmonie qu’elles dégagent tient de la rencontre entre l’arrondi des contours enveloppant, maternant et le jaillissement des couleurs de feu maintenu dans cette rondeur.

Cette alliance crée une impression de plénitude au-delà de l’esthétisme, de l’effet décoratif qu’elles produisent aussi. Danse joyeuse, corolles épanouies, ces fleurs me sourient et m’invitent en leur ronde.

Plongée en Paysage

Réapprendre à sentir une brise rieuse,
-Frèlement-
Humer la fraîcheur du jour finissant,
-inspire-
Recevoir les vibrations des couleurs,
Accueillir le vert- duvet, le jaune mordant, l’orangé piquant,
Se délecter de vert, tant et tant de verts,
Celui qui apaise et celui qui dynamise,
Se laver au bleu limpide du ciel,
Se confier à l’eau qui passe sans jamais s’arrêter,
Intégrer les couleurs, les absorber, les chanter, les pleurer,
les psalmodier, les sublimer.
Toutes ces nuances subtiles, comment les dire?

Baudelaire voulait des prairies teintes en rouge et des arbres peints en bleu.
Rouge est ma joie, ma vitalité retrouvée, ma force de vie,
bleu l’arbre dressé entre ciel et terre paisible et relié,
jaune le reflet du soleil à mes pieds sur une terre violette.
Comme si je rendais au monde toutes ses offrandes,
les couleurs se modèlent et se métamorphosent par ce que je ressens,
par ce que je sais dire aussi.
Plonger en paysage, une expérience unique et créatrice. 

La vie idéale

Le corps apaisé et la main offerte
Le cœur ouvert à la méditation
Songe à la divine contemplation
De la rizière ondulante et verte

Vagues de terrasses se déployant
Saris colorés courbés vers l’espoir
D’une récolte généreuse au soir
Au rythme martelé des gamelans. 

un brin de printemps

Bonnes gens oyez
Le printemps pointe son nez
De jaune paré.