Le Râdome

Au cœur de la ville, près du fleuve Rhône, s’est posé un dôme, blanc, monumental, sur la grande place il en impose.

Longer le Râdome par un chemin de bois, marcher, entendre la ville et soudain être invitée par le son des vibrations musicales.

Échappées du dôme, entrer sous la coupole, s’asseoir au bord d’un bassin aquatique aux eaux bleues, s’étonner, regarder circuler les notes de musiques déposées à fleur d’eau, elles carillonnent, elles se déplacent et s’entrechoquent au gré de leur croisement, elles flottent…coupes de porcelaine blanche, unies par des sons, dispersées par des ondulations aquatiques.

Je savoure la valse de ces mélodies de bohème aux résonances cristallines. 

La vie idéale

Grand-mère serait là, le cheval aussi
Courent les poules grognent les cochons
Du pigeonnier volent les tourterelles
Des arbres du silence et un puits.

Grand-père au champ près de sa vigne
Des hirondelles sous les poutrelles
Vaches en prairie le lait dans l’écuelle
Au soleil couchant un vol de cygnes. 

Un roc

Massemblumoi reste perché sur un roc brun dominant l’anse Blionassemu, village en bord de mer, abandonné, où seul vit encore un ermite. Les rues pavées ne longent que des maisons de pierre effondrées aux toits béants. La chapelle romane plutôt bien conservée domine, refuge des rapaces des pigeons voyageurs et des mulots. La bergerie de l’ermite, à l’écart du bourg, attire par son abreuvoir d’eau fraîche. La montagne n’est pas loin.

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Pierres

Ils ont ramassé des pierres, des grosses, des rondes, des tranchantes.

Le lac gelé est gris bleu, patiné. Un silence de glace flotte à sa surface, un silence irisé.

La première pierre est jetée, elle ricoche, roule et glisse jusqu’à la rive végétale. Le silence rebondit.

La seconde pierre claque et tremble sur la glace, tranchante elle s’immobilise. Le silence se fend.

La troisième attire les lumières du soleil couchant, elle brille et flotte dans l’air, au ras de l’eau, avant de venir s’écraser et éclater la croûte glacée qui s’étoile en cristaux. Le silence éclabousse.

Entièrement nu Pierre escalade le promontoire. A ces pieds, le lac figé est un mur, un rempart pour lui, chevalier des eaux sombres, prince des ténèbres. Aveuglé par les reflets argentés, il est hypnotisé. Un silence de plomb couvre la vallée. Pierre ouvre les bras, son regard se perd au lointain, longtemps… Il se tourne vers eux, enfin, s’agenouille et dans un jet de larmes murmuré : ça ne sert à rien ! 

Dire la nuit

Un peu de nuit pleure doucement dans les cils d’un pinceau, elle s’étale délicatement en arrondi, repli de nuit, comme des promontoires flottant dans une mare grisonnante, dans une immense tâche délimitée par des murs invisibles, posée sur le blanc de la feuille , blanc d’un silence aveuglé.

La nuit se dit dans cet espace opaque, presque lisse. Elle s’impose avec d’imperceptibles nuances, elle s’étale aux yeux de tous, naturellement sombre, liquide. La nuit se boit, s’absorbe et se répand.

Un appel, une évidence, impossible d’y échapper.

Omansemlimsub

Omansemlimsub est un territoire de la chaîne himalayenne, perchée à 7.000 mètres d’altitude où ne vivent que des androgynes de trente ans d’âge. Ils ne vieillissent jamais. Ils ont la peau bleue et les fesses roses car ils se nourrissent en été que de mures, de myrtilles et d’une espèce de carottes endémiques aux racines profondes. La contrée est recouverte de neige six mois par an. Continuer la lecture

Chroniques beaujolaises

Je n’ai jamais su si je devais aimer le vin, me laisser dominer par lui ou le fuir comme un ennemi.

Mon grand-père maternel était représentant en vins et spiritueux. Mon oncle par alliance et son frère usinaient tous les robinets et la fonte pour les cuves à vin. Ma grand-mère maternelle tenait un commerce d’ustensiles de cuisine et de services de tables. Elle louait de la vaisselle aux vendangeuses pour les repas des vignerons et les fêtes de vendanges. Continuer la lecture

Pigments envolés

Une cloche tinte dans le matin, cristalline. Une barque trace des sillons à la surface de l’Ain. De mon promontoire, j’observe un peintre qui tague l’espérance du monde meurtri sur le mur des sons, A la surface des mondes flottants et sur les étamines d’une graminée portée par le vent.

Une simple tache rouge de pigments diffus sur une feuille d’aquarelle. De l’humide dans l’humide, précise le maître. Un univers de douceur qui se diffracte dans l’infiniment petit et l’infiniment grand du cosmos.

Une nouvelle étoile écarlate naît en pleine fusion dans une galaxie vert clair. La naissance d’un enfant déchire en hurlant la matrice originelle de la vie. Puis c’est le rien. Tout s’apaise. Tout n’est que calme et silence dans cette création éphémère.

Les pigments d’aquarelle s’évadent de la feuille et parsèment de grains de sable les coquelicots du champ de blé du poète quand il ouvre la fenêtre d’un simple souffle de vent.

La lettre

Je glisse avec mes skis de fond sur la neige du Plateau ardéchois. Je marque une trace dans la profonde congère. J’aime ce vent glacial qui me glace le visage. Des stalactites pendent des gouttières de la ferme du Mézenc.

Ma grand-mère est assise auprès du feu de cheminée. Ma mère prépare les bugnes. C’est une tradition familiale les bugnes, nappées de sucre glacé, à Mardi-gras.

Mon père n’arrive plus à ouvrir la boîte aux lettres. La serrure est prise par la glace.

Il chauffe les clefs avec une bougie. Lorsqu’il parvient à en extraire le courrier, j’espère une lettre de mon amoureuse, une fille de la ville. 

Le lieu idéal

Il serait baigné de lumière,
J’y jetterais un tapis vert
D’herbe douce au parfum léger
D’herbes folles mélées d’églantier.

Il serait empli de quiétude,
Loin des bruits, tapages, inquiètudes,
Une maison haute et tranquille
Ouverte au monde loin de la ville.

Il serait bon de s’y trouver,
De réunir, de s’y croiser,
Il serait doux d’y apporter
Tout le meilleur et le donner.