Archives de l’auteur : Sylvain Josserand

Ode à la mer et aux bigorneaux

La tempête déferle au loin
Point de marin en détresse
Ni de refrain de lamantin
Les sirènes coiffent leurs tresses
Au fond des abysses c’est la liesse
Les baleines et leurs baleineaux
Se brossent les fanons sans stress
Pour avaler les bigorneaux

De la côte, elle est aux aguets
Où le vent du nord caresse
Ses cheveux fous, blonds et bouclés
Ils se mêlent sans justesse
Puis se défont au fort de l’ivresse
De dame Nature gorgée d’eau
Le ballet des vagues est promesse
Pour avaler les bigorneaux

Quand le soleil vient à sombrer
D’ici quelle infinie tristesse !
Quitter son mirador doré
Est douleur pour une princesse
Qui voit des nuages en faciès
Une paréidolie d’escargots
Des angelots, des déesses
Pour avaler des bigorneaux

ENVOI

La tempête sombre de mollesse
Au grand port gitent les bateaux
Les marins sont dans l’allégresse
Pour avaler des bigorneaux

Omansemlimsub

Omansemlimsub est un territoire de la chaîne himalayenne, perchée à 7.000 mètres d’altitude où ne vivent que des androgynes de trente ans d’âge. Ils ne vieillissent jamais. Ils ont la peau bleue et les fesses roses car ils se nourrissent en été que de mures, de myrtilles et d’une espèce de carottes endémiques aux racines profondes. La contrée est recouverte de neige six mois par an. Continuer la lecture

Chroniques beaujolaises

Je n’ai jamais su si je devais aimer le vin, me laisser dominer par lui ou le fuir comme un ennemi.

Mon grand-père maternel était représentant en vins et spiritueux. Mon oncle par alliance et son frère usinaient tous les robinets et la fonte pour les cuves à vin. Ma grand-mère maternelle tenait un commerce d’ustensiles de cuisine et de services de tables. Elle louait de la vaisselle aux vendangeuses pour les repas des vignerons et les fêtes de vendanges. Continuer la lecture

Pigments envolés

Une cloche tinte dans le matin, cristalline. Une barque trace des sillons à la surface de l’Ain. De mon promontoire, j’observe un peintre qui tague l’espérance du monde meurtri sur le mur des sons, A la surface des mondes flottants et sur les étamines d’une graminée portée par le vent.

Une simple tache rouge de pigments diffus sur une feuille d’aquarelle. De l’humide dans l’humide, précise le maître. Un univers de douceur qui se diffracte dans l’infiniment petit et l’infiniment grand du cosmos.

Une nouvelle étoile écarlate naît en pleine fusion dans une galaxie vert clair. La naissance d’un enfant déchire en hurlant la matrice originelle de la vie. Puis c’est le rien. Tout s’apaise. Tout n’est que calme et silence dans cette création éphémère.

Les pigments d’aquarelle s’évadent de la feuille et parsèment de grains de sable les coquelicots du champ de blé du poète quand il ouvre la fenêtre d’un simple souffle de vent.

La lettre

Je glisse avec mes skis de fond sur la neige du Plateau ardéchois. Je marque une trace dans la profonde congère. J’aime ce vent glacial qui me glace le visage. Des stalactites pendent des gouttières de la ferme du Mézenc.

Ma grand-mère est assise auprès du feu de cheminée. Ma mère prépare les bugnes. C’est une tradition familiale les bugnes, nappées de sucre glacé, à Mardi-gras.

Mon père n’arrive plus à ouvrir la boîte aux lettres. La serrure est prise par la glace.

Il chauffe les clefs avec une bougie. Lorsqu’il parvient à en extraire le courrier, j’espère une lettre de mon amoureuse, une fille de la ville. 

Se meubler de livres

Chronique insolite

Le libraire

L’exposition des antiquaires du Grand Palais déçoit un peu car ils sont moins beaux qu’autrefois. Après deux heures de queue, sans coupe-file, sous la bruine fine de Paris, je pénètre enfin dans le grand pavillon de verre et d’acier laissé opportunément entre Seine et Champs Elysées après l’exposition universelle. Quand je pense que cet édifice massif tient sur des pilotis en bois plus solides que du baton.

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La boutique à mots

Les murs de la boutique d’Albert sont tapissés des affiches des 20 automnales du livre du Monastier-sur-Gazeille. Lors de cette manifestation culturelle régionale, j’ai découvert qu’Albert était un vendeur de mots savants couramment utilisées dans les ressources humaines : coaching, tolérance, empathie, colère, addiction, promotion, Evaluation, grilles de salaires, burn-out, work alcoolic, compréhension, mise à pieds, licenciements.

J’ai justement besoin de l’un de ces mots pour ma prochaine intervention sur les valeurs humanistes qui devraient prévaloir dans les institutions, les groupes sociaux, dans les émissions de télévision grand public, sur Facebook ou sur Twitter. Continuer la lecture