Archives de catégorie : CABAN’AIN 2015

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Chanson de la feuille

Automne 

Elle vit avec les arbres,
Elle vit dans la forêt
Elle connaît le rythme
Des saisons énoncées

Elle connaît chaque arbre
Les chemins escarpés
Elle connaît le rythme
Des saisons énoncées

Ce matin frissonnent les arbres
Ce matin frissonne la forêt
Voilà qu’il fait déjà froid dehors
Les feuilles vont bientôt tomber

Elle marche entre les arbres
Heureuse dans la forêt
Dans la robe rouge et or
Que le vent lui a prêtée

Elle danse entre les arbres
Dans sa robe colorée
Et le vent d’automne
S’est mit à siffler

Ce matin frissonnent les arbres
Ce matin frissonne la forêt
Les branches sont presque nues
Les feuilles se sont envolées

Elle danse entre les arbres
Dans sa robe colorée
Et le vent d’automne
S’est mit à siffler

Et le vent d’automne,

S’est mit à siffler

En écoutant R.M.Rilke

Un chant de couleurs éclaire mon cœur
Un épais médium transmet du souffle à la matière
Une trace givrée scarifie ma douleur
Carré de soi, en ombre et lumière
Cercle de soi, à l’infini.

 

S’évader

Maarcel caresse la terre, la soupèse et la démêle. Avec sa pelle out juste forge, il la retourne vigoureusement.
Cette terre – là, elle est bonne, tu vois, je crois qu’on a bien fait de s’arrêter dans ce putain de bled !
Le carré de terre est modeste, plein sud. Les salades ont bien donné, les tomates démarrent, seules les pommes de terre peinent à relever la tète.
Il s’en faudrait de peu pour que Marcel soit heureux, surtout que dans la lumière du soir, l’espace est libre pour créer.
– Je viens de chouraver quelques touffes de soucis devant la boulangerie, dit Jean à la cantonade en arrosant abondamment les patates comme s’il voulait les noyer, et mon vieux disait souvent “soucis dans le jardin évitent soucis dans la chaumière” marmonne -t- il les mains dans la terre.

La boite en fer blanc est restée posée sur un tronc d’arbre couché et ils n’en ont plus jamais parlé. Rien qu’une petite boite en fer et pourtant elle attire et repousse. De jour comme de nuit, la belle luit comme une veilleuse de phare. Elle est omniprésente dans ce jardin. Sera-t-elle ensorceleuse ? Trésor ou poison ?

Marcel brille d’envie de lui faire un sort à cette tabatière qui les suit du premier jour de leur évasion. La soupeser, la secouer, l’ouvrira puis palper, caresser ces graines volées. Mais c’est à Jean de le faire, c’était son idée à lui de cultiver ces graines de pavot transgénique ! Mais Jean depuis qu’il est là, y voit rien, y sent rien, y comprend rien, bon à rien, sauf à ramener des soucis, même dans le jardin.

Lui, Jean, quand il se pose sur le tronc de l’arbre fétiche, ça le démange, ça le titille, ça l’exaspère. Est – ce que ça ne le rendrait pas encore un peu plus fou d’y toucher à ces maudites graines ? Il avait pensé qu’elles seraient leur salut. Les sauver de quoi ? de qui ? Désormais leur rédemption, c’est ce putain de jardin, leur lupanar c’est c’te caborne en pierre, leurs alliés le soleil et la pluie sans oublier la lune qui leur embellit les nuits sans repos.

Jean et Marcel se sentent surveiller par les gens du village. Par les enfants par exemple quand ils passent à pied pour aller à l’école. Par les parents aussi quand ils prennent le car pour aller au marché le mercredi. Et surtout par le paysan d’à côté quand il emmène les bêtes au pré. Ne parlons pas des marcheurs qui en perdent leurs lacets ! Tous pire que des radars, cela ne peut que leur rappeler la ronde des surveillants à la prison !

C’est seulement à l’abri, dans la cabane, qu’ils se sentent un peu protégés, même si la porte ne ferme plus complètement. Ils ont de l’eau, un couteau, un vieux banc à latte – ils y dorment chacun leur tour – un réchaud de fortune, des allumettes, deux couvertures de cheval récupérées une nuit au manège voisin, et la Bible, chapardée au presbytère en même temps que les saintes bougies.

Au fond du jardin, Marcel s’est mis en tète de construire une arche en bois et il ferraille pour démarrer la serre. Une serre aux herbes sauvages ? Tout à coup un cri : il vient de s’entailler le pouce, une entaille bien profonde ! Le sang jaillit, s’écoule dans la terre et s’évanouit en même temps que lui? Ce qu’il croit savoir de moi ne lui apprendra rien? sont ses derniers mots, avant de se fendre le crène sur le tronc de l’arbre tabou.

Jean n’entend rien et ne se doute de rien. Il a ouvert la Bible à la page de l’exode et s’est lancé dans la lecture de cet odyssée, il en est médusé. Les saintes écritures l’emmènent dans un voyage sans limites ou il s’engouffre, sans soucis.

Octobre 2015

 

 

 

En écoutant Sylvia Petrovic en langue croate

La Terre est promise à ceux qui se hasarderont
A la regarder, à la toucher, à l’entendre, à la sentir,
A la respecter, alors
s’émouvoir sera source de beautés et d’alliances.

 

 

Ximànie à la yeuse

Pour faire une ximànie à la yeuse pour 6 personnes, prendre 1 kg de ximànie, 100 grammes d’ulve, 50 grammes de tétrodon, un zeste de zuchette et un soupéon de cotignac.
Faire chauffer la niaule dans laquelle vous ferez glacer les alberges.
Quand ça frémit, mettre la ximànie, le térodon et l’ulve couper en dés très fins.
Rajouter la maringote. Laisser cuire à feu doux pendant 1 heure.
Préparer ensuite la yeuse dans une casserole en cuivre avec du boustrophédon, de la quenèle et du pupazzo. Rajouter l’ixode de dabadieh. Laisser frémir.
Servir la ximànie dans une barlotière en rajoutant un zeste de zuchette et un soupéon de cotignac. Verser la yeuse dans une acafote. Tous les vassiveaux assis dans votre kichenotte autour de votre witloof circulaire pourront se régaler de ximànie à la yeuse avec des filanzanes dans les yeux.

SJ, novembre 2015 

La Feuille d’érable (texte composé à partir d’un écrit de Rilke)

La feuille d’érable sur laquelle s’écrit la mélodie des choses
Est aujourd’hui fanée
L’art des cuistres me fatigue
La musique des cithares n’est plus qu’un tintamarre
On expose dans les galeries des bidets et des lavabos
En songeant que c’est du Beau
De nombreux artistes et leurs sponsors
Oublient que le rôle de l’artiste
Est d’être le messager du divin
Le Pont entre l’inexpliqué et le réalisé
Dans l’incarnation de l’objet ainsi créé

Texte écrit à partir d’un poème en croate de la poétesse-peintre Sylvia Perovic

Lettre de la terre

Cher ami,

Quand je respire
Tu inspires
Quand je sens le souffre
Tu expires
Tu es mon locataire
Du rez-de-chaussée
Au dernier étage de la Création
Je suis ton propriétaire
Ton bail est limité dans le temps
A ta seule voracité
Bien à toi,

La Terre