Ils ont ramassé des pierres, des grosses, des rondes, des tranchantes.
Le lac gelé est gris bleu, patiné. Un silence de glace flotte à sa surface, un silence irisé.
La première pierre est jetée, elle ricoche, roule et glisse jusqu’à la rive végétale. Le silence rebondit.
La seconde pierre claque et tremble sur la glace, tranchante elle s’immobilise. Le silence se fend.
La troisième attire les lumières du soleil couchant, elle brille et flotte dans l’air, au ras de l’eau, avant de venir s’écraser et éclater la croûte glacée qui s’étoile en cristaux. Le silence éclabousse.
Entièrement nu Pierre escalade le promontoire. A ces pieds, le lac figé est un mur, un rempart pour lui, chevalier des eaux sombres, prince des ténèbres. Aveuglé par les reflets argentés, il est hypnotisé. Un silence de plomb couvre la vallée. Pierre ouvre les bras, son regard se perd au lointain, longtemps… Il se tourne vers eux, enfin, s’agenouille et dans un jet de larmes murmuré : ça ne sert à rien !