Dernier recours

En dernier recours, le chercheur d’or monte seul en direction des rochers, près des falaises. Les anciens assurent que les meilleures pépites se trouveraient encore là dans une galerie abandonnée. La nuit a été épaisse, un brouillard opaque a enveloppé les cabanes de fortune de ce village de forçats. Cheminées sans fumée, ruissellement d’immondices rendent l’atmosphère lugubre. L’air est glacé. L’entrée de l’ancienne galerie est obstruée. Il veille sur son sac d’explosifs. L’homme a pris soin de se couvrir de la pelisse volée à Matakari la fille du chef.
Elle l’attend là-haut de bon matin.

– Ce manteau ne te protègera de rien, dit Matakari en faisant face, tu es un voleur, un menteur, un violeur, tu mérites la mort la plus atroce, je suis là.

Elle s’élance. Un terrible corps à corps s’engage. Des 2 mains elle s’approche du visage de l’homme plaqué au sol, masqué par sa cape. Elle désire l’étouffer, l’aveugler, en finir. Des images de l’incendie qui détruisit le village et sa famille arrivent… elle vacille. La puissance de l’homme la dépasse. Sur la pente rocailleuse, elle roule jusqu’aux rochers caverneux, à demie inconsciente. L’homme se relève, lance un Haka puissant et s’enfuit, sans sa pelisse qui recouvre maintenant le corps de Matariki la guerrière. La quête de l’or a envahi le territoire, balayant coutumes et croyances. Personne ne s’inquiètera de l’absence de la fille du chef, pas même son fils. Depuis qu’elle est devenue orpheline, chacun connaît son désir permanent d’évasion, de fugue, d’échappées. Elle a ses idées.

L’homme trace son chemin au bord du fleuve en direction de la Montagne Sacrée, poursuivi par les seuls martèlements des mineurs enfouis sous terre. Le grincement des chariots sur les rails et le roulement grave des engrenages accompagnent le rythme de ses pas. Il aurait voulu ne plus rien entendre. Près du fleuve légendaire, épuisé, affamé par la journée de marche, il est aveuglé. Son corps demande l’arrêt, son esprit s’agite, son coeur s’emballe. Aimer la fille d’un chef serait un combat, dans l’ombre et le renoncement, la souffrance et la solitude ? Il a besoin de rencontrer les esprits. Autour d’un feu, l’homme se met à danser, à chanter, à crier. Puis en silence, en transe, il somnambule et s’évanouit au bord des flammes, au pied de la Montagne sacrée.