UTIAK et MARIE POCHON

La Terre n’était pas encore la Terre, mais seulement une boule magmatique tourmentée d’explosions qui peinaient à séparer les océans et les iles volcaniques surgissant ici et là, construisant et détruisant des amorces de continents ; des vents solaires et des météores balayaient et frappaient sans relâche la surface du globe incandescent. La flotte aérienne de SKUIZAR qui survolait ces convulsions enflammées jugea l’endroit inhabitable, mais l’un des pilotes ne partagea pas cet avis, anticipant un devenir potentiellement viable, il enclencha son démodulateur temporel. UTIAK était un grand indépendant et tandis que toute la patrouille de reconnaissance exploratrice du secteur AB 36 dans l’amas d’amas 76B12 filait déjà vers une autre galaxie, il décida de poser son appareil sur cette planète peu avenante. Il fit avancer le démodulateur d’un quart de cadran, c’est-à-dire de quelque quatre milliards d’année L’estimation était assez heureuse et l’appareil se posa sur une boule verte et bleue à l’apparence stabilisée. L’appareil choisit de lui-mème une clairière dégagée au milieu des arbres innombrables qui couvraient à perte de vue de vastes territoires. UTIAK, sortit de son engin, èta son scaphandre de protection, et prit plaisir à respirer un air tout à fait sain avec une légère surcharge d’azote pas du tout désagréable et même un peu euphorisante. Son instinct ne l’avait pas trompé. Cette planète était habitable et plaisante son esthétique tout à fait satisfaisante pouvait en faire un lieu de villégiature fort agréable pour un SKUIZARIEN en quête de repos et de dépaysement. Mais il vit soudain surgir dans sa direction une troupe d’animaux étranges et gigantesques qui le déconcerta. Jamais il n’avait vu ni imaginé rien de tel : des bêtes aux corps monstrueux, interminables et é la gueule démesurée, avec des dents apparentes dont la taille dépassait celle de son engin spatial. Ces créatures, de toute évidence carnivores le considéraient comme une proie et s’apprêtaient à le dévorer vif.

Il réussit à rejoindre à la hâte son SUPERBEURK véhicule spatial dernier cri, bénéficiant des plus récentes découvertes des savants de SKUIZAR, et appuyant sur le bouton d’urgence il installa autour de lui un champ d’inaccessibilité qui le protégea de l’attaque furieuse de ces monstres. Les animaux imbéciles vinrent s’écraser et se renverser contre la coupole invisible édifiée pour protéger l’engin et son occupant. Tranquille dans sa cabine, UTIAK lança un appel au grand superviseur intégrateur du secteur sud d’AB36 qui avait la charge de réguler l’évolution de cette zone. On ne pouvait laisser les choses en l’état. Le dérangement était patent. Il demanda une intervention d’extinction en respectant la procédure et remplissant les formulaires. Il l’obtint dans un délai assez court de sa temporalité, qui correspondait à quelques millions d’années terrestre, et la nouvelle planète à peine découverte et répertoriée reçut un choc de force 5, percutée par l’astéroïde GB12-327K, opportunément détourné à cet effet. Le choc violent déplaça les pôles, et provoqua une retombée de poussière, des explosions, éruptions et dévastations telles qu’aucun des monstres à grandes dents ne survécut, et pas grand-chose d’autres à part quelques rongeurs dérisoires.

UTIAK, qui avait pris un peu de hauteur tenait néanmoins à son idée, et cette planète lui plaisait, il estima au jugé le temps nécessaire à un renouveau de la vie et poussa de quelques crans son démodulateur. Il se posa de nouveau. En France cette fois, en l’an de Grèce 1887, dans la cour de Marie Pochon, une fermière des Estables, au pied du Meyzenc.

Elle était en train d’écrire dans son journal poétique la phrase suivante :
à Ce qui part de ton cœur trouve toujours un écho. C’est dans le tien que je le trouverai.
Elle regarda rêveuse par la fenêtre ouverte et vit UTIAK descendre tranquillement de son SUPERBEURK posé dans l’enclos des cochons. Elle le trouva tout à fait séduisant avec ses petites antennes bleues intégrées au-dessus des oreilles et son superbe crane rouge métallique et luisant. Elle comprit immédiatement qu’ils allaient faire un beau couple dont l’histoire s’inscrirait dans la nuit des temps.