Ulysse aprA?s Ithaque

Il se sentait vieux, fatiguA�, et PA�nA�lope na��A�tait plus la-mA?me non plus. En vingt ans on change. Et dix nouvelles annA�es sa��A�taient ajoutA�es depuis son retour A� Ithaque. Et la��A�nergie de la jeunesse, la��amour partagA� de la jeunesse, oA? A�tait tout cela aujourda��hui ? Son fils TA�lA�maque A�tait parti en voyage da��A�tude avec son maA�tre Mentor. PA�nA�lope et lui recevaient rA�guliA?rement des messages et tout se passait bien. Son chien fidA?le A�tait mort depuis longtemps. Ulysse sa��ennuyait. La vie paisible ne lui convenait plus, manquait de mouvements, da��A�motionsa��Il se sentait vieillir, ses forces diminuaient, des douleurs diverses envahissait ce corps jadis rA�sistant et musclA� qui jusqua��ici na��avait connu que la convalescence da��aprA?s blessure et le repos da��aprA?s les combats. A prA�sent la��inaction mA?me la��usait, le temps allait faire son A�uvre et la��effacer trait aprA?s trait comme une gomme obstinA�e, efface un manuscrit, jusqua��A� la page blanche du nA�ant, de la mort. Il ne croyait plus aux dieux jadis cA?toyA�s, et toute son aventure guerriA?re autour de Troie, son long OdyssA�e de retour, sa lutte meurtriA?re contre les prA�tendants, tout cela lui paraissait une histoire lointaine A�crite par un autre, sans grand rapport avec lui, et dont la mA�moire sa��effaA�ait. Mais pourtant, quelque chose en lui ne se rA�signait pas. Il A�tait roi tout de mA?me, encore puissant et riche. Il A�tait valide encore, et capable de vivre des choses difficiles et belles. Bien sA�r, il aimait PA�nA�lope, et ce na��A�tait pas des aventures fA�minines ni des conquA?tes sexuelles qui le motivaient. Pour cela da��ailleurs, il avait passA� la��A?ge, cela ne le titillait plus et mA?me lui semblait un jeu puA�ril da��adolescent attardA�, da��homme immature ; ce A� dA�sir de femme A� qui jadis lui apparaissait si important, et parfois la seule chose qui vaille, na��A�tait plus pour lui qua��un signe da��animalitA� qui rapproche le mA?le humain du chien, frA�tillant de la queue A� chaque femelle croisA�e. Non, A� prA�sent il croyait A� la��amour, A� la fidA�litA� qui unit deux A?tres dans un partage da��expA�rience de vie portA�e au plus haut de la��intensitA� da��A?tre. Il A�tait heureux da��avoir connu ce partage, de la��avoir concrA�tisA� dans un enfant, une vie nouvelle qui A� son tour sa��A�tait A�lancA�e sur les routes du monde et de la dA�couverte, allant vers le nouveau toujours et la��imprA�vu, le surgissement des A�motions, la��A�merveillement devant la beautA� qua��elle soit de la nature, de la��art, ou de la forme da��un visage et da��un corps (masculin ou fA�minin cela na��importait plus) a��Et pourquoi devrait-il renoncer pour lui-mA?me A� cela ? Non cette retraite mA?me royale ne pouvait lui convenir. PA�nA�lope comprendrait. Il devait repartir.

Il sa��A�tait habituA� aux cycles de dix ansa�� Elle aussi. Elle ne fut pas surprise qua��en ce dixiA?me anniversaire du retour A� Ithaque, il lui annonce ce soir-lA� qua��il allait faire affrA�ter une nef et aller dA�couvrir la��au-delA� des confins. Il exposa son plan : les dA�rives de son OdyssA�e lui avait fait approcher les colonnes da��Hercule et les limites de cette mer qui constituait le monde connu. Mais au-delA� ? Il y avait bien quelque chose ? il voulait savoir quoi. On disait que la Terre A�tait plate, que la��ocA�an sa��arrA?tait que les eaux tombaient dans le vide au bout da��un grand plateau que portaient quatre A�lA�phants dont les pieds reposaient sur des tortues gA�antesa��Comment croire A� cela ! Des contes de bonnes femmes pour les petits enfants. Lui A�tait un homme, il irait voir.

a�� Pourquoi toi ? hasarda-t-elle, dA�jA� rA�signA�e
a�� Parce que je veux savoir.
a�� Envoie quelqua��un.
a�� Ja��ai dA�jA� envoyA� TA�lA�maque, avec Mentor pour le guider. Veux-tu que je leur envoie un message pour leur proposer cette mission ? Mais non, je sais que tu ne le veux pas, et ce na��est pas la tA?che da��un jeune homme, qui a le monde A� dA�couvrir, da��aller sa��enquA�rir de la��au-delA� du monde.
a�� La��au-delA�, on na��en revient pas.
a�� Peut-A?tre. Peut-A?tre pasa�� Qui sait ? dans dix ans a��ou dans vingta�� Peut-A?tre que la Terre est ronde et que je te reviendrai un jour en passant par la��Asiea��
a�� Je ne serai plus lA�.
a�� Il ne faut pas dire cela. Tu sais attendre. Et tu as la��habitude de vivre.
a�� Je la��ai retrouvA�e avec toi, ton absence na��A�tait pas la vie.
a�� Tu ne veux pas que je parte ?
a�� Je sais que tu vas partir. Je la��accepte. Donne-moi encore du temps avec toi, le temps de prA�parer une nef et un A�quipage digne de ton dernier voyage.
a�� Tu as raison cela ne sa��improvisera pas. Cette derniA?re aventure au-delA� du monde connu doit A?tre prA�parA�e, doit A?tre rA�ussie.
a�� EmmA?ne-moi ?
a�� Dans mon cA�ur, je ta��emporte, et je reste aussi dans le tiena��Que tu acceptes mon dA�part, nous unit, plus que nous ne la��avons jamais A�tA�.
a�� Oui. Mais ne pars pas demain.
a�� Dans cent joursa�� Pas un de moins. Ni de plus.

Et les cent jours passA?rent comme les grains dans le sablier. Pas un de plus, pas un de moins. La nef, la plus puissante qua��on eA�t jamais vue en mA�diterranA�e fut affrA�tA�e et quarante hommes expA�rimentA�s, tous volontaires, les plus jeunes et les plus braves en constituaient la��A�quipage.

Le voyage fut tranquille da��abord, aucune tempA?te, aucun incident ni mauvaise rencontre, et jusqua��au colonnes da��Hercule, il sembla qua��A�ole poussa de son souffle agrA�able et puissant le bateau protA�gA� par les dieux. Ulysse se sentait jeune A� nouveau, il respirait A� plein poumon la��air marin, et la vie battait en lui, comme si la��eau des ocA�ans se mA?lait A� son sanga��

Puis le moment venu, ils entrA?rent rA�solument dans la��inconnu.