Comment sortir de la give ?
Chastain en tient une bonne, une vraiment bonne, une de celles inoubliables que l’on tient dans les caves de dégustation du Beaujolais Nouveau, le jour de sa sortie nationale, on l’appellera la give de Novembre. A la vue du pitoyable état de Chastain, il fut décidé en réunion de conseil municipal de consulter l’Oracle de la Bouteille pour conjurer ce sort, le mauvais sort de la give de Novembre.
Le temple, au bout d’un rang de vigne, fut investi par une troupe amateur de dégiverie, équipée de lanternes, de paniers d’offrandes débordants de raisins blancs et noirs et de bouteilles d’eau sacrée de Notre Dame de la Salette. Au centre apparaît l’Oracle, une curieuse fontaine d’où jaillit une eau bleutée. De fines paillettes en filaments s’entrecroisent et prennent la forme d’un saphir bleu divin. C’est magnifique ! L’eau de la fontaine a le goût du vin que le buveur souhaiterait goûter jusqu’à la give ! Trois conditions pour accéder à l’état de dégiverie : au pied de la source miraculeuse, pratiquer plusieurs pas de danse en ligne, entonner le chant des vendangeurs jusqu’au dernier vers et à genoux baiser la margelle de la fontaine. Si ces trois rituels ne sont pas respectés, l’eau bleutée se mettra à bouillir à gros bouillons en votre présence et ses glouglous déborderont jusqu’à vous entraîner dans une give irréversible.
A ce jour, seul Chastain réussit à réaliser ces trois requêtes sans fléchir. Ainsi dégivé par l’Oracle, le bienheureux eut beau révéler la recette alentour, dans le canton beaujolais, de Villefranche à Pommiers, de Bagnols à Chessy, l’épidémie de give persista. Le boit-sans-soif avait tout simplement omis de préciser que dans le déroulement de la cérémonie, jusqu’au bout du rang de vigne, chaque soiffard doit être guidé par une lanterne allumée, lanterne à déposer à l’entrée du temple, car les lanternes n’ont pas droit de pénétrer dans le sanctuaire pour des raisons qu’il est préférable de ne pas révéler.
En toute chose, il faut considérer la fin, écrivait La Fontaine.