Mythes et arts plastiques

AMALILEA se présente

C’est vrai que mon allure peut surprendre, avec ma chevelure prune dressée au vent comme une coiffe, comme une fleur sauvage.

Il est possible que ma fragilité extérieure laisse croire à quelques défaillances profondes, comme si je n’étais faite que de papier et de carton.

Il n’est pas certain que j’arrive à convaincre dès le premier coup d’œil malgré l’ampleur de mes mouvements et ma démarche assurée.

On peut toujours dire : voilà une jolie fleur décorative !

Je refuse de penser que mon apparence dessert ma volonté profonde, je veux bien admettre qu’elle déstabilise, qu’elle fausse le jeu, qu’elle mène sur de fausses pistes.

Je ne pense pas qu’il faut s’attarder plus que de raison à cette première approche qui révèle au contraire une certaine liberté d’expression et une volonté de me trouver en accord avec le monde qui m’entoure, avec la nature et les êtres.

Je crois que je peux défendre mes convictions profondes, les miennes mais aussi défendre ceux qui ont besoin d’être protégés, suivre ma route mais aussi montrer le chemin à ceux qui ont besoin de ma force, de ma détermination, de ma soif de justice, de mon intégrité, car il me semble que c’est ce qui donne à mon existence son sens et sa valeur et qu »avec mes moyens, je peux travailler mes failles, mes doutes, les sublimer, les transcender, pour moi et aussi pour tous ceux qui auraient besoin de moi.

C’est là ma véritable raison d’être.

Mythes et légendes du Bouchet

Sur le chemin de Mézilhac montait péniblement un petit âne sur lequel montait de temps en temps la mère tenant enveloppé un beau petit enfant tandis que le père dirigeait l’âne par la bride..

La chaleur faisait ressortir les verts du paysage ,du jaune doré au bleu des conifères. Une paix accompagnait la famille en résonance avec la plénitude de la nature aride et généreuse à la fois. Leurs visages ne trahissaient aucune émotion, hâlés, burinés par les vents. A les voir avancer ainsi, on aurait pu croire qu’ils s’en allaient pour quelque promenade. L’enfant ouvrait ses yeux de miel sur le ciel d’un bleu dilué, confiant et rassuré.

Il faut de l’eau pour l’âne dit le père à la recherche de quelque coin d’ombre.

Un peu plus haut, sur la droite, coule un ruisseau et les voilà qui bifurquent vers le chemin ombragé où ils pourront se reposer un moment tous les trois et reposer leur monture. Il est midi. Marthe prépare le repas. Par ces chaleurs, quelques fruits frais seraient bienvenus et ne pas oublier l’eau de source pour les voyageurs .Ils ne devraient pas tarder à arriver. Son visage est tendu, elle sait que les routes ne sont pas sûres. On parle ces temps-ci au village d’un monstre, mais comment croire à ces fadaises ?

Un monstre dans la vallée, sorti tout droit de la lauzière , chose informe et sombre qui détruirait tout sur son passage. Sorti de la lauzière ou des contes qui se disaient à la veillée, comment savoir, comment résister à la peur? comment se protéger ? comment combattre ?

Marthe s’assoie auprès de la petite fenêtre et concentre toutes ses forces sur sa fille qui doit venir passer quelques temps chez elle avec l’enfant. Préparer le petit lit et les protéger le temps de la menace, c’est bien ce qu’elle a compris quand son gendre est venu la voir l’autre soir pour lui demander de l’aide.

Mettre en sécurité la mère et l’enfant afin que lui puisse rejoindre les hommes de Mézilhac qui commencent à organiser une véritable lutte armée contre le monstre. La rumeur avait fait courir le bruit, de maison en maison, elle circulait, s’amplifiait et commençait à transporter avec elle un vent de panique. Il fallait lutter et mettre en commun tous les moyens dont disposait le village, s’organiser, se mobiliser et mettre à l’abri femmes et enfants.

La menace grondait, se rapprochait. Des forêts dévastées, des troupeaux piétinés et quelques maisons détruites. Certains affirmaient même avoir vu une chose énorme traverser le ciel.

D’où venait la menace ? Du fond des lauzes ou de derrière les montagnes aux courbes pourtant si harmonieuses ?

Quand enfin l’âne arriva devant la maison de Marthe, déchargeant la mère et son petit, Marthe tremblante les fit pénétrer dans la fraîcheur des murs de pierre, et alors, elle demanda à l’homme de venir l’aider.

– Va voir chez Georges, dans la maison voisine, ça presse.

Quelques hommes étaient rassemblés, ils racontaient les derniers événements : ceux du village d’en face avaient réussi à encercler le monstre et l’avaient lapidé puis, armés de fusils, ils s’étaient acharnés sur lui et l’avaient achevé.

Ils racontaient encore que pour calmer la soif de son agonie, le dragon ailé avait descendu la vallée de la Loire et de la Veyrdayre et qu’il en avait bu toute l’eau jusque près du lac d’Issarlès où sommeille une ville engloutie.

Mythes et vents

Enchevêtrements
Mécanismes alambiqués
Bras levés au vent

Au creux des vallons
tentacules offertes au vent
Machine à l’arrêt

Derrière la maison
Machinerie de métal
Haut les bras au ciel

Entre ciel et terre
Perchés à l’écoute des vents
C’est le ventographe

Dehors, dedans

Une barque, une lampe,
Sur l’eau, douce lumière,
Des ombres, des reflets,
Une barque le soir,
Une lampe allumée,
Le calme d’un tableau,
Silence, bruit des feuilles.
Sur le miroir, glisser…
La clarté des collines
Celle sous l’abat-jour
D’un losange au plafond
Découpé lumineux ;

Les grandes baies vitrées
Donnent sur la vallée
Et la rivière l’Ain
OA? la barque au ponton
Se retrouve attachéeî;
Et nous huit sommes là
Muets et immobiles
Comme vaisseaux fixés
Dans la salle d’étage
Au poêle ronronnant
Avec lampe carré
Fagot de bois flottant ;

Voyageuse pourtant
L’imagination va,
Dans le courant des textes
Sur le papier noirci
L’obscur sur nous descend
Comme douce enveloppe
Et le jour déclinant
Allume les sommets
La lampe notre amie
éclaire nos esprits
Voguant en poésie.

Le goût des bonnes choses

Le linceul noir de la nuit enveloppe la résurrection du jour.

J’aime les aubes de mauve ou de violette qui peu à peu révèlent les formes familières dans le jardin, qui se dégage lentement de sa brume nocturne ; la rosée habille les herbes, l’aiguail, les feuilles, de mille parures humides, qui scintilleront bientôt sous les feux de l’aurore.
Le vent, d’un léger souffle rencontre les tiges malhabiles des fleurs qui longent le vieux mur. Quelques oiseaux s’éveillent et lancent leur premier cris. Le soleil va percer les ombres de ses éblouissants rayons. De nouveau, il régnera sur le monde, déversant la splendeur de sa lumière sur toutes chose.

Je m’éveille. Je songe au déjeuner. L’odeur du café, du pain grillé finement beurré, un jus d’orange pressé, une bonne confiture.

Quelque chose d’indéfinissable. Le bonheur des jours tranquilles est dans l’air autour de moi. Je suis seul, et personne ne m’oblige à rien. Je me laisse vivre dans la paix, sans la moindre obligation, sans un bruit perturbant. La vie chante sa chanson douce.

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Adopter un livre

Tant de livres ! Qu’il est difficile d’en choisir. J’ai la nécessité de tous et ceux qui me restent à découvrir, sont aussi importants pour moi, que j’ai lu déjà et qui attendent ma relecture. En choisir un m’est impossible. Mais qu’un livre me choisisse, cela m’est arrivé avec les écrits d’Etty Hillesum. Ce fut vraiment comme une rencontre. Une rencontre préparée et annoncée.

Ce fut Sylvie Germain qui m’en parla la première, dans un ouvrage dont j’ai oublié le titre, elle évoquait ce nom, cette figure, et ce titre à Une Vie bouleversée. Le temps passa un peu mais l’évocation ne pouvait rester sans suite et je me procurai le livre. Je lus le livre par un séjour de neige, dans le Vercors et les flocons semblaient tourner les pages avec la légèreté profonde de la mélancolie alliée à la beauté et à la vérité Les Lettres de Westerbork, suivait ce résumé des onze cahier du journal des deux dernières années de vie (1941-1943)de la jeune amsterdamoise, décédée à 28 ans.

C’est un livre que l’on n’oublie pas et qui vous en demande encore davantage. Et je l’obtins quelques années plus tard, avec la parution cette fois complète et intégrale du journal (dont manque pourtant l’un des cahiers, disparu, à jamais ?) et de l’ensemble des écrits conservés, lettres, notes et documents.
Un ensemble de mille pages bien serrées, lues et relues, et puis cette décision peu à peu qui s’impose, reprendre en Poésie, chacun des cahiers, les traduire en mes mots, et les publier, faire partager, cette rencontre, ce compagnonnage, cette adoption.

Se meubler de livres

A partir d’ici l’histoire se complique, on pourrait même dire qu’elle commence, mal ; j’avais vendu le dernier des livres rares légués par mon oncle Xavier. L’antiquaire bibliophile qui me faisait vivre depuis toutes ces années m’avait fait comprendre qu’il ne me donnerait pas un radis (ce fut son expression) pour le reste de la bibliothèque immense dont j’avais hérité des livres de poche, des ouvrages de série noire, ou série rose, des bluettes récentes, des bouquins sans aucune valeur marchande, ni littéraire d’ailleurs, mais encore par milliers dans cet appartement légué lui aussi. Je ne songeais pas même à les lire. Que faire alors ? Me chauffer avec. Le papier brille mal, et ma chaudière à gaz ne me permettait pas cette fantaisie. En attendant, il fallait trouver de quoi le payer, ce gaz. Et la nourriture, les impôts, et tout le reste ?…

Avec cette foule de livres dont je disposais encore, je décidai de me construire un lieu de vie, et du moins de rentabiliser leur possession insolvable. Je vendis tous mes meubles et je construisis au centre de l’appartement une sorte d’Igloo fait de bloc d’ouvrages empilés, destiné à m’isoler du froid durant l’hiver, de la chaleur durant l’été. En réduisant toutes mes dépenses au minimum, en vivant d’eau et de pain, avec un peu de confiture ou de fromage bon marché, je pourrais survivre un bon moment, je ne voyais pas au-delà. J’avais peu de besoin, et j’aimais ne rien faire.

Une fois ma construction achevée, je pris mes quartiers, et passais dorénavant une grande partie de mon temps dans mes livres, littéralement. J’entrais par une sorte de tunnel et me glissait sur une couche de revues souples qui me constituait une sorte de grand lit sous des baldaquins de couvertures, entourés de murailles de pages. Je passais là bien du temps à dormir, et à rêver.

Peu à peu, je ne distinguai plus bien le réel, de mes cauchemars, la réalité des fictions. Je vivais dans un monde et un temps différents de ceux des autres hommes. Les lois étaient différentes dans cette époque incertaine, je ne devais de compte à personne, et tout était à disposition. Je sortais de temps en temps, et prenait ce dont j’avais envie, j’avais des aventures ici et là avec quelques femmes, et je voyageai au gré de mes fantaisies. La Nouvelle Guinée par exemple me plut beaucoup et je trouvais la coutume du nez percé pour y adjoindre un os décoratif particulièrement seyante. Le cannibalisme me convenant moins surtout à mes dépens, je fis quelques séjours au désert, là du moins la tranquillité du voyageur est le plus souvent garantie, mais l’on y rencontre néanmoins quelques chameaux pas toujours agréables, et l’on y a presque toujours soif. Les pôles me plurent d’avantages, avec ces charmantes otaries et les manchots empereurs tellement drôles dans leurs jeux de glisse. Les danses tahitiennes et les nuits auprès des vahinés m’enchantèrent également. Le charme des danseuses orientales, des chanteuses de fado, l’amitié des marins, des alpinistes, des aviateurs, et même des cosmonautes. Ah comme tout cela était bon. Finalement ma vie était très agréable. Mais un jour stupeur et effroi, la terre trembla autour de moi, les murailles de papier s’écroulèrent et m’ensevelirent… J’avais reçu un choc et je ne savais l’encaisser.

Etais-je mort ? Peut-ètre pas.
Eveillé seulement et c’était pire.

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Poème de bric et de broc

La librairie de Sidi Bel Abbès

Notre présence ne les gène pas le moins du monde, eux ces algériens qui rebâtissent leur pays sur des cendres. Ce pays immense, quatre fois la France, vidé de deux millions de « pieds noirs ». Dans chaque ville, chaque village, tout est à réorganiser après le départ des français. Plus personne aux manettes.

Des jeunes, partout, qui oeuvrent pour faire tourner la société civile : jeunes cadres, issus des « moudj’hidines », diplômés frais émoulus d’une université balbutiante, jeunes coopérants étrangers.

Les pays européens, la Russie, les états arabes, l’Amérique du Nord veulent placer leurs pions, jouer leur chance dans cette économie naissante. Toutes ces puissances lorgnent sur la richesse phénoménale du Sahara: le pétrole.

Dans la Wilaya d’Oran, à Sidi Bel Abbès, petite ville provinciale, tout ce monde se cA?toie sans se gA?ner. N’oublions pas les français nés ici, qui sont restés après l’Indépendance. Ils avaient soutenu le FLN (Front de Libération Nationale). Ils avaient pris le parti des algériens, mais dans quelles conditions, avec quelles pressions, à travers quels drames? Ils vivent sur la terre ou ils sont nés, acceptés par la population et les autorités. Parmi eux, un médecin, un couple d’instituteurs, des libraires.

La librairie est superbement située sur la place centrale, face aux palmiers et au kiosque à musique, au cœur de la vie alanguie de Bel Abbès. Je m’approche de la devanture mais la vitrine est pratiquement vide. Je pousse la porte. Deux dames avenantes et rondelettes m’accueillent. Ce sont les sœurs Meneaux. Mon regard ne peut se détourner des rayonnages ou de rares volumes essaient d’occuper l’espace. Longues étagères blanches en formica, propres, nettes. Je les imagine « du temps e la France », chargées des mêmes livres que chez Flammarion à Lyon. Quel choc! N’avoir que le strict minimum dans les magasins de première nécessité, pourquoi pas, je peux le comprendre. Mais dans cette librairie sans substance, vide, comme désœuvrée, je me sens mal.

Les soeurs Meneaux semblent deviner mon désarroi.

– Vous êtes professeur?
-Oui, professeur de français au lycée en Nadjah. Si je comprends bien, il me sera difficile de m’approvisionner chez vous.
-Et oui, malheureusement. Vous savez, les importations sont soumises à la censure et, de toute façon, les devises manquent. Les imprimeurs nationaux peinent déjà à alimenter les écoles en manuels scolaires, alors vous pensez, la littérature, les sciences sociales!

Les deux libraires semblent prendre la situation avec philosophie, fières simplement d’ètre encore là, d’avoir gardé leur boutique et de continuer à porter le flambeau.

Tous les auteurs que j’aime, que je veux faire connaitre, me faudra-t-il vraiment les rapporter à chaque voyage dans mes valises?