LE DISCOURS DE LA VIE

 

Peu de temps après mon voyage solitaire au Québec de fin mai 2009, je fis un rêve étonnant, quasiment une VISION, en m’éveillant dès le matin, je rédigeai, de mon lit, le texte ci- dessous en le datant du Samedi 6 juin 2001 (en fait 2009) – mal réveillé ma notion du temps restait floue au lendemain d’une soirée photo de voyage de “la Bella Italia”, très arrosée et voilà mes notes, telles quelles, prises au matin, encore dans le demi-sommeil)

Nuit agitée, difficile, presque des visions et qui se clôt par une grande réception-débat, à table. Je prends tardivement la parole dans une grande discussion ma prise de position est très attendue. On ironise sur mes grands loisirs, évoqués auparavant, qui me permettent le temps de la réflexion Je précise en préambule qu’ils sont bien remplis, et voilà le discours qui me vient en bouche :

LE DISCOURS DE LA VIE

La question soulevée tournait, me semble-t-il autour de la morale et de la responsabilité au regard du problème de la mort et d’une autre vie possible. D’emblée j’affirme qu’il me paraît possible d’apporter une réponse simple et définitive à ces questions compliquées (ce qui fait ricaner). Il suffit de s’appuyer sur quelques certitudes premières qu’il convient d’abord de rappeler. Et là mon discours commence. Il est magnifique de clarté et d’intelligence, ma voix est assurée, très calme, chaque mot est pesé et tombe à sa place ; tout ce discours que je découvre moi-même en le disant est parfaitement frappé au coin de l’évidence et s’impose comme tel à tous ceux qui l’entendent. Quelques ricanements et réactions ironiques viennent encore semblant signifier qu’évidemment, on peut toujours enfiler des perles de lieux communs et ouvrir des enfilades de portes ouvertes, mais peu à peu les rires se tarissent et tout se tait dans une attention exceptionnelle et silencieuse. L’étonnement d’abord puis l’admiration et la stupéfaction se lisent sur les visages, puis la conviction de la vérité qui s’impose à tous ; je passe moi-même par ces sentiments en m’entendant. Je ne peux reproduire ce discours, mais je me souviens du plan qui le composait :

1/ Gratitude envers la vie reçue, certitude première, reçue gratuitement de nos parents, mais non donnée, transmise, comme un relais, reçue par eux-mêmes aussi gratuitement, et aussi remarquablement transmises à leurs parents par les parents de ceux-ci et ainsi de suite aussi loin que l’on remonte. La Vie est un bien, dont nous jouissons comme ils en ont joui, un bien indiscutable, partagé avec tous les vivants présents, passés et à venir, et au-delà de la vie même, notre existence est un bien reçu et transmis, partagé par tout ce qui fut, est ou sera. L’existence comme don gratuit reçu et transmis, cette vision répond aux paroles de Saint François sur son frère le soleil, sa sœur la lune etc mais j’anticipe là sur la deuxième certitude.

2/Fraternité des existences ; nous ne vivons pas seuls, nous n’existons pas seuls. Nos frères et soeurs vivants, humains et non humains, ont reçu la même transmission du don gratuit de la vie bonne, et tous les animaux, toutes les plantes, toutes les êtres ont reçu le don de l’existence ; nous voilà avec cette affirmation au cœur du “cantique des créatures” de Saint François d’Assise. Comment ne pas saluer l’évidence de cette fraternité des êtres vivants sur notre planète et d’une manière plus générale de tous les existants de notre univers ? Toutes les créatures, vivantes ou non, sont fraternelles et ce mot de créature nous mène à l’idée de création. Rien de ce qui existe dans la création ne nous est étranger. Et nous n’avons pas à refuser ce mot de création, mais à lui donner sa pleine valeur de signification. Les créatures existantes, vivantes ou non, qui nous entourent et dont nous sommes part ne peuvent se mettre en doute, toutes ont reçu comme nous le don gratuit de l’existence transmis depuis l’origine Comment douter en effet qu’il y eut une origine à ce processus dont nous voyons le déploiement, et notre gratitude première doit remonter jusqu’à cette cause première de toutes les existences fraternelles. Cette cause première, créatrice des créatures, nous ne pouvons la nommer et nous en ignorons tout sauf ses effets. Mais c’est d’elle que nous vient ce don gratuit de vie dont nous jouissons dans la fraternité de tout ce qui est.

3 /Responsabilité et solidarité à l’égard du vivant et de tout l’existant; vivre en gratitude nous engage à ne pas nuire délibérément à la vie et à l’existence de nos frères les êtres de l’univers. Je développais la chose.

4/Toute crainte de la mort n’a pas de raison d’être, avant nous sont passés des fleuves de vies et d’êtres qui nous ont transmis le flux vivant des existences qui nous porte à présent, ils sont passés et les vies et les êtres d’à présent transmettent à leur tour leur gratitude d’être au flot des nouvelles vies, des nouvelles existences. Le flot qui nous vient du passé et remonte à la première origine est ininterrompu. Que sommes nous, sinon une goutte dans ce fleuve, qui vient de l’innommé et va vers l’innommé, ce qui EST, était avant nous, et sera après nous. Jouons notre rôle de goutte dans les eaux du grand fleuve, de feuille dans les branches du grand arbre, chacun de nous à sa place, sans plus de souci de mourir que nous n’en avons eu de naître, ne vivons que de gratitude d’être et d’être part au grand Etant du monde créé. Je ne sais plus trop les termes que j’employais pour ma péroraison lyrique et inspirée mais je me souviens de leur force et de leur effet ; mes mots étaient si convaincants, si apaisants, ils apportaient une si belle réponse aux questions soulevées, que tous se taisaient après mes paroles et que le président de séance reprit la parole en me remerciant et me disant qu’en effet mes loisirs étaient bien employés s’il me permettaient de telles réflexions et qu’il me remerciait de les partager avec cette assemblée.