Bruit de la��eau sans discontinuitA�. Jaillissement et vrombissement perpA�tuels. Du feu, a jailli la��eau. Du sombre, jaillitA� la��argent. Le vert et le roux des arbres au printemps adoucissent la duretA� du noir et du blanc. Les rA�seaux des branches da��arbres, le tachetA� des feuilles, toute cette masse vA�gA�tale complexe sa��oppose aux lignes sA�vA?res de la��eau et du basalte.
Le ciel est nuageux. Sur les versants de la montagne, le soleil se dA�place par taches. Il navigue, remonte, A�pouse les courbes, rA�vA?le les nuances.La��hommeA� se nourrit de cette nature volcanique oA? la��abondance de la��eau et du vA�gA�tal le surprend chaque jour. Son regard se pose sur une carte postale punaisA�e sur le mur oA? est inscrite une maximeA�:
Au bout de la pluie, il y a la mer.
Jusqua��A� prA�sent, il na��y avait guA?re prA?tA� attention, encore sous le choc des A�vA�nements. Six mois auparavant, en A�tA� 1992, il avait emmA�nagA� dans cette ferme cA�venole. Il fuyait BA�char, chassA� par la terreur qui minait la��AlgA�rie. Des amis franA�ais la��avaient aidA�, lui avait prA?tA� leur rA�sidence de vacances. AussitA?t, il avait A�tA� sA�duit par ce territoire cA�venol. Ce qui la��avait envoA�tA�, ca��A�tait la pluie, une pluie qui certains jours ne cessait pas. Des rideaux da��eau, des flots da��eau se dA�versaient du ciel opaque. Le prA�cieux liquide tombait avec rA�gularitA�, constance, dA�termination, sur le toit, dans la courA�: une vraie bA�nA�diction. Il aimait entendre le bruit soyeux des averses, le clapotis des rigoles, le goutte A� goutte des chA�neaux. Un apaisement venu du plus profond de son inconscient le submergeait. Il se noyait dans le sommeil. Cette pluie chassait la peur qui la��avait rongA�e dans sa bourgade aux confins du dA�sert. Lui, le laA?c, incapable da��hypocrisie, avait A�tA� A�piA�, harcelA�, dA�truit, niA� caril A�se dA�robait A� touteA� pratique musulmane, refusait de se soumettre aux rA?gles collectives. RejetA�, incompris, menacA�, il avait A�tA� contraint A� la��isolement. Il sa��A�tait cloA�trA�. La chaleur et la sA�cheresse en devenaient encore plus insupportables. BA�char A�tait un four dA?s le mois da�� Avril. Des nuages de sable dessA�chants se levaient. Toute vA�gA�tation A�tait condamnA�e et la��avenir A�tait dA�sespA�rant.
Et ici, la��humiditA�, le silence, la��absence de contrA?le social le revivifiaient. Il dormait, dormait, nourri par le chant de la pluie. Peu A� peu, rassurA� et rA�gA�nA�rA�, il A�tait sorti de sa taniA?re. Les arbres, nourris da��eau, explosaient de verdure, les sous-bois exhalaient une odeur forte de mousse, de champignons, de feuilles en dA�composition qua��il na��avait jamais respirA�e. Un jour, lors da��une promenade, il fut alertA� par un bruit sourd, puissant. Plus il sa��approchait, plus le grondement enflait, prenait de la puissance. Il A�tait fascinA�. Il sa��enfonA�a plus avant au cA�ur de la montagne sombre, hA�rissA�e de rochers noirs en forme da��orgues. Et il la vitA�! Une cascade blanche prodigieuse, flot argentA� et impA�tueux sur un A�crin de basalte. La��ancien volcan avait engendrA� une source tumultueuse.
Songeur et bouleversA�, il pensa A� la��inscriptionA� sur la carte postaleA�: Au bout de la pluie, il y a la mer.
Alors, il comprit le sens de cette phrase A�nigmatiqueA�: il avait envie de suivre ce jaillissement, ce torrent, cette riviA?re, ce fleuve, il avait envie da��aboutir A� la mer. Quitter la ligne de partage des eaux, choisir le bon versant, rejoindre la MA�diterranA�e, le soleil, la sA�cheresse, sa terre, son dA�sert.