L’île de Juam, île de l’archipel Mardi s’ouvre sur un lagon et se compose de deux villages : Marie-Juama et Juama-Hic. Son climat tropical est favorable à la culture du tabac qui constitue la ressource principale de cet îlot océanique. Cette île est bénie, un véritable éden. Dieu n’est-il pas un fumeur de havane dont les volutes montent jusqu’au paradis ? Pourtant un conflit ancestral divise les deux cités de l’île, le torchon brûle entre les habitants qui ne communiquent entre eux que par échanges de fumigènes puants visant à s’enfumer régulièrement et réciproquement.
C’est ainsi qu’un nuage permanent flotte au-dessus de l’île, l’isolant du regard du reste du monde et empêchant l’abordage de tout navire et l’atterrissage de tout engin volant. Seule distraction offerte aux habitants : trouver le remède pour lutter contre l’enfumage du village voisin et ainsi renforcer sa propre capacité à l’anéantir.
Les esprits fumeux de Marie-Juama se penchA?rent ardemment sur le sujet et après maintes recherches et tâtonnements, mirent au point en laboratoire un plan de tabac aux pouvoirs aphrodisiaques. Ils passèrent de l’expérimentation à la culture intensive du plan. Voici venu le jour tant attendu de la première cueillette des feuilles. Une fois sèches, elles sont roulées en d’énormes joints que les Marie-Juamains enfournent alors dans un long tuyau, type pipe line, avec en bout de ligne une cheminée d’extraction qui débouche au coeur de Jama-Hic. Le pétard une fois allumé, le tabac se consume lentement et se répand alors dans la cité ennemie en une épaisse colonne de fumée suave et doucereuse, neutralisant les habitants et les rendant euphoriques et extatiques.
Le procédé d’enfumage est appelé le pomphiage du nom pomphiase qui signifie : braise de cigarette qui se consume lentement dans le revers d’un pantalon.
Tout porte à croire qu’après cette expérience, la paix va régner à nouveau sur l’île d’autant qu’il est à noter qu’un effet par sérendipité est survenu dans le village enfumé de Jama-Hic. En effet, à toute heure du jour comme de la nuit, les villageois, sous l’effet des vapeurs aphrodisiaques inhalées, chantent et dansent dans un mouvement chaloupé et sensuel qui prédisposent les esprits à la détente et à la joie.