Mythes et lA�gendes du Bouchet

PA�niblement, sur le chemin de MA�zilhac, avance un petit A?ne. Il porte un prA�cieux fardeauA�: une mA?re tenant enveloppA� dans un chA?le son beau petit enfant. Le pA?re dirige la��A�quipage par la bride.

Ils fuient les persA�cutions religieuses qui sA�vissent dans la rA�gion. A la suite da��un long combat, leur village sa��est retrouvA� sous la coupe de la faction ennemie. ExA�cutions et tortures ont commencA�. Jean, esprit libre et audacieux, doit sauver de cette barbarie son enfant nouveau-nA� et Marie Jeanne, sa femme encore fragile. Sans un mot aux autres membres de la communautA�, pour les protA�ger et se protA�ger aussi, ils sont partis A� la nuit tombA�e. Jean sait oA? ils vont se rA�fugier. Marie Jeanne, A� leur habitude, ne lui a rien demandA�. Ils cheminent de nuit pour A�viter de mauvaises rencontres. Heureusement, la��enfant, nourri par sa mA?re, somnole, bercA� par le mouvement rA�gulier de la marche. Les parents, A�puisA�s sa��endorment dA?s le jour levA�, dans la��ombre des taillis. Mais leurs siestes diurnes sont peuplA�es de songes affreux oA? sa��affrontent protestants et catholiques dans un combat sans fin. Da��un bord comme de la��autre, ce ne sont que pendaisons, exA�cutions sommaires, chA?timents barbares.

Le troisiA?me jour, dans la��aprA?s-midi, Jean et Marie Jeanne se rA�veillent en sueur, effarA�s. Ils ont fait le mA?me cauchemar, un rA?ve insensA� et horrible : la haine, la haine qua��ils fuient et qui les hante, est lA� devant eux, elle a la forme da��un A?tre vivant. Ils la voient prendre corps, prendre vie et maintenant ce na��est plus un rA?ve. La haine sa��est incarnA�e en un monstre terrifiant, en une crA�ature hideuse.

Elle se dresse face A� eux, en pleine lumiA?re, A?tre gigantesque et difforme, crachant le feu, les yeux exorbitA�s lanA�ant des A�clairs et, dA�tail abject elle rote des effluves nausA�abondes, elle pA?te des remugles de basse fosse. La haine incarnA�e, sortie de leur imagination mais en mA?me temps bien rA�elle et menaA�ante. La bA?te hystA�rique parade, sA�re de sa force. BientA?t, elle les attaquera sans vergogne.

Jean la��ingA�nieux puise dans toutes ses ressources pour imaginer la��arme de leur salut. Il voit leur enfant, terrorisA�, qui ne tA?te plus sa mA?re. La��idA�e gA�niale est lA�A�! Il fouille dans sa besace et trouve la fiole remplie de lait maternel, rA�serve prA�cieuse qui souvent lui a permis de nourrir le bA�bA� lorsque sa mA?re dormait. Vif comme la��A�clair, Jean sa��approche de la bA?te hideuse, lance habilement le rA�cipient rempli du tendre liquide. La gueule A�norme sa��en saisit avec gloutonnerie et la��avale. Et miracleA�! La boisson da��amour agit comme un poison fulgurant sur cet A?tre infA?me, pA�tri de rancA�ur et de fiel. Un venin de bontA� sa��instille dans son sang perfide. Des spasmes grotesques agitent le monstre abject. Il se sent mourir. Il veut apaiser cette douleur intense qui le consume et dessA?che sa gorge. Pour calmer la soif de son agonie, en hurlant de douleur, il descend comme un A�garA�, la vallA�e de la Loire et de la Veyradeyre jusqua��au lac da��IssarlA?s et il en boit toute la��eau.