La mA�moire de l’eau

La��eau se souvient du A�A�temps da��avantA�A�. Elle courait libre dans le lac da��IssarlA?s. Nul rA�seau hydraulique ne bridait son cours, nul turbine na��exploitait sa force. Elle courait libre dans la vallA�e du RhA?ne et de la SaA?ne qua��elle inondaitA� de ses flots boueux selon son bon vouloir.

Elle courait libre dans la vallA�e du Nil oA? le barrage da��Assouan ne limitait pas ses crues.

Nul ne la��avait forcA�e A� entailler des continents A� Panama ou A� Suez.

Elle na��A�tait pas encore emprisonnA�e entre les remparts de La Rochelle, ou dans le port de containers de Singapour.

GelA�e, elle na��A�tait pas fendue, A�cartelA�e par les brise-glace da��Hurtigruten.

Neige, elle na��A�tait pas foulA�e, A�crasA�e par les dameuses da��Avoriaz.

Fougueuse, ses vagues na��A�taient pas sillonnA�es, fendues par les surfeurs de San Diego.

Enfouie aux trA�fonds de la terre, eau fossile des profondeurs des dA�serts da��Arabie et da��IsraA�l, elle na��A�tait pas au service da��agriculture A�futuriste.

La��eau avait gardA� le souvenir de la��A�poque oA? elle A�tait source de vie et de mort, fantasque, imprA�visible, nourriciA?re ou terrifiante. Ca��est elle qui rA�gnait sur la terre pour le pire et le meilleur. Elle pouvait vivre A� son grA�. Elle pouvait stagner, empuantir, infester un territoire, A?tre sable mouvant, impA�tueuse et dA�vastatrice, se faire rare, assA�cher, dA�truire, noyer, contaminer, exterminer.

Dans son sein, prolifA�raient batraciens, bacilles, mammifA?res, crustacA�s, anguilles, monstres sous marins, sans nom, ni classification, ni A�tiquette. Nul ne les A�prA�servait ni neA� les filmait.

Mais personne na��a la trace de ces temps immA�moriaux. Seule la��eau sa��en souvient.