Il suffira d’un cygne

Se sont-ils déjà croisés ces deux-là sur une plage des bords de l’Ain ?
Ils sont pays, tous deux, pays de l’Ain. L’une navigue, l’autre collectionne.

Elle a la bougeotte, la chaloupe
A l’affût du moindre souffle
D’un léger roulis
Elle aime le mouvement
Elle s’embarque facilement
En adoptant le courant.
Tressé à l’osier jaune
Le panier aime se poser
Les bâches le réchauffent
Les raisins le réjouissent
Les champignons le grisent
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle.
Peu de chance qu’ils se rencontrent : elle a le pied marin, il a les pieds sur terre. D’aventure, un jour de Toussaint, le pêcheur et l’enfant sauvé des eaux les rapprochent.

La rivière d’Ain s’écoule sous la brume, onde fidèle aux embruns de pays. La barque est au rendez-vous ! Au milieu du courant, le pêcheur chevronné lance sa ligne au loin. Gestes saccadés et rythmés, barque en chaloupée. Elle connaît bien le cours d’eau, la barge, et lui il a la main !
Ce premier jour de Novembre, l’enfant flâne au bord de la rivière. En quête de noisettes, il a attrapé le panier, bien trop grand pour lui et a filé sans prévenir sur les rives automnales. La solide poignée du panier tressé pèse lourd sur le bras du jeune glaneur. Personne n’en connaît encore la destinée solidaire !
L’enfant s’égare un peu sur le chemin des braconniers. Il aime retrouver la saveur âcre et fine des feuilles mortes ainsi que dénicher quelques champignons roses sous la clairière de roseaux. Va-t-il surprendre un lièvre ou une perdrix d’eau ? La soif d’aventure égale son vif désir à découvrir la rivière complice. Creusé dans la berge, iimagesl découvre le terrier abandonné du martin-pêcheur. Aussi près de la berge…

Le soudain frou frou du vol de cygnes qui s’éleva sur les eaux aurait dû alerter le pêcheur arrimé sur sa barque car, sans bruit, A son insu, l’ enfant s’enfonçait dans les profondeurs de la vase de la rivière. Inconscient du danger, le garçon ne voulait ni lâcher le panier ni perdre sa cueillette. En faisant des ronds dans l’eau au bras du jeune glaneur, bienheureusement, l’anse robuste du panier d’osier s’agita et donna le signal d’alarme. Le panier devint dès l’abord bouée de sauvetage et balise de sécurité. Le pêcheur alerté improvisa dans sa barque un spot de secours pour le galopin étourdi.
Ainsi liés par le destin
Sous le regard étonné
D’un héron perché
La barque, le pêcheur, l’enfant et le panier
S’embarquèrent coude à coude
Rejoindre les rives minérales
De la rivière en pente douce.