Il a quittA� sa bonne ville sous un vent violent, ce vent qui vient de la montagne, ce vent qui une fois la��a rendu fou. Il sa��est retirA� A� Chambod, son havre de silence. Il a fini da��accorder sa guitare et il admire longuement la riviA?re da��Ain, A�tale devant lui. Les reflets des arbres jaunissants frissonnent au grA� des risA�es. Il croit voir une forme se glisser dans la��eau. Un air alors lui revient : A� Dans la��eau de la claire fontainea�� A�. Non, ce na��est qua��une illusion, une chimA?re, ou peut A?tre la��ombre da��un cygne glissant sur la��onde.
Ses yeux se posent sur cette cabane A�tonnante, ce chalet tout rond et pointu qui A�voque le Canada et ses trappeurs. Il pousse la porte qui grince : il aime cette odeur de bois. Il sa��attarde sur les bancs bien polis, caresse leur surface tendre. A� “Tiens, se dit-il, quelle est cette encoche ? Je ne la��avais jamais remarquA�e A�. Il soulA?ve la latte et dA�couvre un vide sous le siA?ge. IntriguA�, il allume une bougie : une malle de petite taille repose, bien cachA�e. Il se sent transportA� ailleurs, tel la��oncle Archibald. Il hA�site A� ouvrir cette boA�te rouillA�e. Faut-il laisser A�merger cette mA�moire ancienne, ces archives oubliA�es ? La curiositA� est plus forte que ses craintes.
A la��intA�rieur, tout est bien rangA�. Sur la premiA?re page du journal intime, il lit :
VoilA� les souvenirs modestes da��un pauvre croquant.
Suivent quelques maximes soigneusement calligraphiA�es :
Le jardinier a rangA� ses tomates, le ciel a rangA� ses couleurs. Le bleu et le vert en rougissent.
Celui qui a de la sauge dans son jardin na��a pas besoin de mA�decin.
Et plus loin, A�crit A� la hA?te :
AuprA?s de mon arbre, je vivais heureux
Pauvre Martin, pauvre misA?re, creuse la terre, creuse le temps.
Mourir pour des idA�es, la��idA�e est excellente, ca��est bien beau mais lesquelles ?
Georges est pris de vertige : ces phrases, ce sont les siennes. Comment est-ce possible ? En tremblant, il referme le journal, le range dans la malle et rabat soigneusement la latte du banc. Ses mains sont moites et tremblent. Ne rien dire A� personne, surtout !
Il sort chancelant de la cabane et se dirige vers la grande salle oA? la��attendent un bon feu et ses copains qui ripaillent, les copains da��aborda��