Notre prA�sence ne les gA?ne pas le moins du monde, eux ces algA�riens qui rebA?tissent leur pays sur des cendres. Ce pays immense, quatre fois la France, vidA� de deux millions de A�A�pieds noirsA�A�. Dans chaque ville, chaque village, tout est A� rA�organiser aprA?s le dA�part des franA�ais. Plus personne aux manettes.
Des jeunes, partout,A�qui A�uvrent pour faire tourner la sociA�tA� civile : jeunes cadres, issus des A�A�moudjahidinesA�A�, diplA?mA�s frais A�moulus da��une universitA� balbutiante, jeunes coopA�rants A�trangers.
Les pays europA�ens, la Russie, les A�tats arabes, la��AmA�rique du Nord veulent placer leurs pions, jouer leur chance dans cette A�conomie naissante. Toutes ces puissances lorgnent sur la richesse phA�nomA�nale du SaharaA�: le pA�trole.
Dans la Wilaya da��Oran, A� Sidi Bel AbbA?s, petite ville provinciale, tout ce monde se cA?toie sans se gA?ner. Na��oublions pas les franA�ais nA�s ici, qui sont restA�s aprA?s la��IndA�pendance. Ils avaient soutenu le FLN (Front de LibA�ration Nationale). Ils avaient pris le parti des algA�riens, mais dans quelles conditions, avec quelles pressions, A� travers quels dramesA�? Ils vivent sur la terre oA? ils sont nA�s, acceptA�s par la population et les autoritA�s. Parmi eux, un mA�decin, un couple da��instituteurs, des libraires.
La librairie est superbement situA�e sur la place centrale, face aux palmiers et au kiosque A� musique, au cA�ur de la vie alanguie de Bel AbbA?s. Je ma��approche de la devanture mais la vitrine est pratiquement vide. Je pousse la porte. Deux dames avenantes et rondelettes ma��accueillent. Ce sont les sA�urs Meneaux. Mon regard ne peut se dA�tourner des rayonnages oA? de rares volumes essaient da��occuper la��espace. Longues A�tagA?res blanches en formica, propres, nettes. Je les imagine A�A�du temps e la FranceA�A�, chargA�es des mA?mes livres que chez Flammarion A� Lyon. Quel chocA�! Na��avoir que le strict minimum dans les magasins de premiA?re nA�cessitA�, pourquoi pas, je peux le comprendre. Mais dans cette librairie sans substance, vide, comme dA�sA�uvrA�e, je me sens mal.
Les sA�urs Meneaux semblent deviner mon dA�sarroi.
-Vous A?tes professeurA�?
-Oui, professeur de franA�ais au lycA�e en Nadjah. Si je comprends bien, il me sera difficile de ma��approvisionner chez vous.
-Et oui, malheureusement. Vous savez, les importations sont soumises A� la censure et, de toute faA�on, les devises manquent. Les imprimeurs nationaux peinent dA�jA� A� alimenter les A�coles en manuels scolaires, alors vous pensez, la littA�rature, les sciences socialesA�!
Les deux libraires semblent prendre la situation avec philosophie, fiA?res simplement da��A?tre encore lA�, da��avoir gardA� leur boutique et de continuer A� porter le flambeau.
Tous les auteurs que ja��aime, que je veux faire connaA�tre, me faudra-t-il vraiment les rapporter A� chaque voyage dans mes valisesA�?