Autour de Star Wars
Que s’est-il donc passé ici ? Presque au sommet de la colline je m’assoie sur un empilement de pierres plates et je regarde autour de moi. Mes compagnons sont tout en haut, je les entends discuter entre eux des mesures à prendre pour le bivouac. Le vaisseau est posé en contrebas, le soleil se couche.
Quelles forces ont-elles pu pulvériser les roches, les transformer en plaques grises, en petits cailloux, ou les agglutiner en chiers monumentaux et instables ? J’ai l’impression d’être sur une montagne de débris tant le sol n’apparaît que rarement. Certaines plaques cachent des crevasses à la manière des névés ailleurs.
Ce sentiment de déséquilibre, d’incertitude, de danger imminent me ramène à notre triste situation. Les forces du Nouvel Empire ont pris le contrôle de nombreuses planètes, le côté obscur de la Force gagne le cœur de nombreux citoyens, multipliant les trahisons, les pièges et les meurtres. L’Ordre encore fragile des Chevaliers Jedi semble dépassé, dans l’incapacité de mettre en avant les bienfaits de la Force. Leur pouvoir s’émousse, les jeunes disciples peinent à croire qu’un jour glorieux, un seul homme a pu arrêter une armée et la mettre en déroute. Le doute s’insinue partout et les plus purs chancellent.L’équilibre du monde est en grand péril comme semble l’être autour de moi l’équilibre des roches.
Je rejoins mes compagnons, nous mangeons en silence, pris par l’atmosphère minérale et désertique. Nous nous couchons rapidement. La journée de demain sera rude et décisive. Nos chances sont bien minces.
Je dors emmitouflée quand un bruit me réveille. Un frôlement, un mouvement, c’est sûr, mais irréel en même temps. Les deux lunes sont pleines ce soir. On distingue le paysage, encore plus minéral et profond dans ce silence. Même le vent s’est tu. J’aperçois une forme, animale ou humaine, je n’en sais rien. Elle se déplace vite mais je la suis sans peine. On dirait qu’elle ne souhaite pas me perdre, et qu’elle choisit son chemin entre les pierres et les pins sylvestres de manière à rester en vue.
Je ne réfléchis à rien, au risque que je prends, à l’éloignement du camps de base, aux ravins, au danger. Suivant mon guide, je progresse lentement, m’éloigne encore. Et la forme disparaît. Je regarde autour de moi. Une masse se dresse, comme un tumulus. Un rayon de lune dévoile une faille, une porte dans le monument. Je m’approche et me glisse entre les deux parois, me tortille et débouche sur une grotte gigantesque. Haute et très profonde, se prolongeant bien au-delà de la lueur de ma lampe. Ici la roche est intacte, préservée du chaos extérieur. Je n’ai pas peur. Petit à petit je distingue des formes sur la paroi. Des animaux anciens et mythiques dont j’ai entendu parler : mammouths des neiges et rhinocéros à trois cornes. Puis plus loin des chasseurs et des villageois. Leurs abris sont représentés. Ces images sont apaisantes, envoûtantes. Je les suis, les contemple, avance dans la salle majestueuse. Soudain le dessin se transforme, les animaux disparaissent, les hommes deviennent guerriers et les scènes brutales. Villageois massacrés, enfants à terre, maisons en feu. Après les traces d’une vie paisible dessinées avec soin et bonheur, le trait devient hâtif et désespéré. Il transmet pour l’éternité les exactions des soldats de l’Empire, et l’enfer qu’ils apportent. Les montagnes s’effondrent, la végétation brûle, le paysage est sculpté par la fureur et le désir d’anéantissement. Ces visions m’oppressent et stoppent ma progression. J’ai envie de m’enfuir quand un mouvement de ma lampe dévoile une scène nouvelle. Dans les amas de roche et les ruines, des rescapés entourent une personne d’une haute stature, représentée en majesté, puissante et armée d’un sabre-laser. Plus loin la bataille règne encore mais c’est la reconquête de ces restes de montagnes, de cette vie dévastée. Quand la victoire arrive, reste le chaos. Mais la paroi dévoile ensuite la vie qui reprend, un exode pour un ailleurs meilleur. J’arrive au bout de la caverne, distingue une inscription. Je reconnais les signes d’une langue ancienne que j’ai étudiée à l’école. Je déchiffre les caractères, assemble les mots et parviens à une traduction dont je ne suis pas certaine : “L’exemple est un puissant levier qui nous aide à faire beaucoup de choses que nous ne ferions point seuls.” Marie Pochon ??87
Une lueur perce la faille d’entrée de la grotte. Un jour nouveau se lève.