Archives de l’auteur : Martial MAYNADIER

Se meubler de livres

A partir d’ici l’histoire se complique, on pourrait même dire qu’elle commence, mal ; j’avais vendu le dernier des livres rares légués par mon oncle Xavier. L’antiquaire bibliophile qui me faisait vivre depuis toutes ces années m’avait fait comprendre qu’il ne me donnerait pas un radis (ce fut son expression) pour le reste de la bibliothèque immense dont j’avais hérité des livres de poche, des ouvrages de série noire, ou série rose, des bluettes récentes, des bouquins sans aucune valeur marchande, ni littéraire d’ailleurs, mais encore par milliers dans cet appartement légué lui aussi. Je ne songeais pas même à les lire. Que faire alors ? Me chauffer avec. Le papier brille mal, et ma chaudière à gaz ne me permettait pas cette fantaisie. En attendant, il fallait trouver de quoi le payer, ce gaz. Et la nourriture, les impôts, et tout le reste ?…

Avec cette foule de livres dont je disposais encore, je décidai de me construire un lieu de vie, et du moins de rentabiliser leur possession insolvable. Je vendis tous mes meubles et je construisis au centre de l’appartement une sorte d’Igloo fait de bloc d’ouvrages empilés, destiné à m’isoler du froid durant l’hiver, de la chaleur durant l’été. En réduisant toutes mes dépenses au minimum, en vivant d’eau et de pain, avec un peu de confiture ou de fromage bon marché, je pourrais survivre un bon moment, je ne voyais pas au-delà. J’avais peu de besoin, et j’aimais ne rien faire.

Une fois ma construction achevée, je pris mes quartiers, et passais dorénavant une grande partie de mon temps dans mes livres, littéralement. J’entrais par une sorte de tunnel et me glissait sur une couche de revues souples qui me constituait une sorte de grand lit sous des baldaquins de couvertures, entourés de murailles de pages. Je passais là bien du temps à dormir, et à rêver.

Peu à peu, je ne distinguai plus bien le réel, de mes cauchemars, la réalité des fictions. Je vivais dans un monde et un temps différents de ceux des autres hommes. Les lois étaient différentes dans cette époque incertaine, je ne devais de compte à personne, et tout était à disposition. Je sortais de temps en temps, et prenait ce dont j’avais envie, j’avais des aventures ici et là avec quelques femmes, et je voyageai au gré de mes fantaisies. La Nouvelle Guinée par exemple me plut beaucoup et je trouvais la coutume du nez percé pour y adjoindre un os décoratif particulièrement seyante. Le cannibalisme me convenant moins surtout à mes dépens, je fis quelques séjours au désert, là du moins la tranquillité du voyageur est le plus souvent garantie, mais l’on y rencontre néanmoins quelques chameaux pas toujours agréables, et l’on y a presque toujours soif. Les pôles me plurent d’avantages, avec ces charmantes otaries et les manchots empereurs tellement drôles dans leurs jeux de glisse. Les danses tahitiennes et les nuits auprès des vahinés m’enchantèrent également. Le charme des danseuses orientales, des chanteuses de fado, l’amitié des marins, des alpinistes, des aviateurs, et même des cosmonautes. Ah comme tout cela était bon. Finalement ma vie était très agréable. Mais un jour stupeur et effroi, la terre trembla autour de moi, les murailles de papier s’écroulèrent et m’ensevelirent… J’avais reçu un choc et je ne savais l’encaisser.

Etais-je mort ? Peut-ètre pas.
Eveillé seulement et c’était pire.

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UTIAK et MARIE POCHON

La Terre n’était pas encore la Terre, mais seulement une boule magmatique tourmentée d’explosions qui peinaient à séparer les océans et les iles volcaniques surgissant ici et là, construisant et détruisant des amorces de continents ; des vents solaires et des météores balayaient et frappaient sans relâche la surface du globe incandescent. La flotte aérienne de SKUIZAR qui survolait ces convulsions enflammées jugea l’endroit inhabitable, mais l’un des pilotes ne partagea pas cet avis, anticipant un devenir potentiellement viable, il enclencha son démodulateur temporel. UTIAK était un grand indépendant et tandis que toute la patrouille de reconnaissance exploratrice du secteur AB 36 dans l’amas d’amas 76B12 filait déjà vers une autre galaxie, il décida de poser son appareil sur cette planète peu avenante. Il fit avancer le démodulateur d’un quart de cadran, c’est-à-dire de quelque quatre milliards d’année L’estimation était assez heureuse et l’appareil se posa sur une boule verte et bleue à l’apparence stabilisée. L’appareil choisit de lui-mème une clairière dégagée au milieu des arbres innombrables qui couvraient à perte de vue de vastes territoires. UTIAK, sortit de son engin, èta son scaphandre de protection, et prit plaisir à respirer un air tout à fait sain avec une légère surcharge d’azote pas du tout désagréable et même un peu euphorisante. Son instinct ne l’avait pas trompé. Cette planète était habitable et plaisante son esthétique tout à fait satisfaisante pouvait en faire un lieu de villégiature fort agréable pour un SKUIZARIEN en quête de repos et de dépaysement. Mais il vit soudain surgir dans sa direction une troupe d’animaux étranges et gigantesques qui le déconcerta. Jamais il n’avait vu ni imaginé rien de tel : des bêtes aux corps monstrueux, interminables et é la gueule démesurée, avec des dents apparentes dont la taille dépassait celle de son engin spatial. Ces créatures, de toute évidence carnivores le considéraient comme une proie et s’apprêtaient à le dévorer vif.

Il réussit à rejoindre à la hâte son SUPERBEURK véhicule spatial dernier cri, bénéficiant des plus récentes découvertes des savants de SKUIZAR, et appuyant sur le bouton d’urgence il installa autour de lui un champ d’inaccessibilité qui le protégea de l’attaque furieuse de ces monstres. Les animaux imbéciles vinrent s’écraser et se renverser contre la coupole invisible édifiée pour protéger l’engin et son occupant. Tranquille dans sa cabine, UTIAK lança un appel au grand superviseur intégrateur du secteur sud d’AB36 qui avait la charge de réguler l’évolution de cette zone. On ne pouvait laisser les choses en l’état. Le dérangement était patent. Il demanda une intervention d’extinction en respectant la procédure et remplissant les formulaires. Il l’obtint dans un délai assez court de sa temporalité, qui correspondait à quelques millions d’années terrestre, et la nouvelle planète à peine découverte et répertoriée reçut un choc de force 5, percutée par l’astéroïde GB12-327K, opportunément détourné à cet effet. Le choc violent déplaça les pôles, et provoqua une retombée de poussière, des explosions, éruptions et dévastations telles qu’aucun des monstres à grandes dents ne survécut, et pas grand-chose d’autres à part quelques rongeurs dérisoires.

UTIAK, qui avait pris un peu de hauteur tenait néanmoins à son idée, et cette planète lui plaisait, il estima au jugé le temps nécessaire à un renouveau de la vie et poussa de quelques crans son démodulateur. Il se posa de nouveau. En France cette fois, en l’an de Grèce 1887, dans la cour de Marie Pochon, une fermière des Estables, au pied du Meyzenc.

Elle était en train d’écrire dans son journal poétique la phrase suivante :
à Ce qui part de ton cœur trouve toujours un écho. C’est dans le tien que je le trouverai.
Elle regarda rêveuse par la fenêtre ouverte et vit UTIAK descendre tranquillement de son SUPERBEURK posé dans l’enclos des cochons. Elle le trouva tout à fait séduisant avec ses petites antennes bleues intégrées au-dessus des oreilles et son superbe crane rouge métallique et luisant. Elle comprit immédiatement qu’ils allaient faire un beau couple dont l’histoire s’inscrirait dans la nuit des temps.

Ulysse après Ithaque

Il se sentait vieux, fatigué, et Pénélope n’était plus la-même non plus. En vingt ans on change. Et dix nouvelles années s’étaient ajoutées depuis son retour à Ithaque. Et l’énergie de la jeunesse, l’amour partagé de la jeunesse, ou était tout cela aujourd’hui ?
Son fils Télémaque était parti en voyage d’étude avec son maitre Mentor. Pénélope et lui recevaient réguliA?rement des messages et tout se passait bien. Son chien fidA?le était mort depuis longtemps. Ulysse s’ennuyait. La vie paisible ne lui convenait plus, manquait de mouvements, d’émotions. Il se sentait vieillir, ses forces diminuaient, des douleurs diverses envahissait ce corps jadis résistant et musclé qui jusqu’ici n’avait connu que la convalescence d’apres blessure et le repos d’apres les combats. A présent l’inaction meme l’usait, le temps allait faire son oeuvre et l’effacer trait apres trait comme une gomme obstinée, efface un manuscrit, jusqu’à la page blanche du néant, de la mort. Il ne croyait plus aux dieux jadis cètoyés, et toute son aventure guerriA?re autour de Troie, son long Odyssée de retour, sa lutte meurtrière contre les prétendants, tout cela lui paraissait une histoire lointaine écrite par un autre, sans grand rapport avec lui, et dont la mémoire s’effaçait. Mais pourtant, quelque chose en lui ne se résignait pas. Il était roi tout de même, encore puissant et riche. Il était valide encore, et capable de vivre des choses difficiles et belles. Bien sur, il aimait Pénélope, et ce n’était pas des aventures féminines ni des conquêtes sexuelles qui le motivaient. Pour cela d’ailleurs, il avait passé l’âge, cela ne le titillait plus et même lui semblait un jeu puéril d’adolescent attardé, d’homme immature ; ce à désir de femme à qui jadis lui apparaissait si important, et parfois la seule chose qui vaille, n’était plus pour lui qu’un signe d’animalité qui rapproche le male humain du chien, frétillant de la queue à chaque femelle croisée. Non, à présent il croyait à l’amour, à la fidélité qui unit deux êtres dans un partage d’expérience de vie portée au plus haut de l’intensité d’être. Il était heureux d’avoir connu ce partage, de l’avoir concrétisé dans un enfant, une vie nouvelle qui à son tour s’était élancée sur les routes du monde et de la découverte, allant vers le nouveau toujours et l’imprévu, le surgissement des émotions, l’émerveillement devant la beauté qu’elle soit de la nature, de l’art, ou de la forme d’un visage et d’un corps (masculin ou féminin cela n’importait plus). Et pourquoi devrait-il renoncer pour lui-même à cela ? Non cette retraite même royale ne pouvait lui convenir. Pénélope comprendrait. Il devait repartir.

Il s’était habitué aux cycles de dix ans. Elle aussi. Elle ne fut pas surprise qu’en ce dixième anniversaire du retour à Ithaque, il lui annonce ce soir-là qu’il allait faire affréter une nef et aller découvrir l’au-delà des confins. Il exposa son plan : les dérives de son Odyssée lui avait fait approcher les colonnes d’Hercule et les limites de cette mer qui constituait le monde connu. Mais au-delà ? Il y avait bien quelque chose ? il voulait savoir quoi. On disait que la Terre était plate, que l’océan s’arrêtait que les eaux tombaient dans le vide au bout d’un grand plateau que portaient quatre éléphants dont les pieds reposaient sur des tortues géantes. Comment croire à cela ! Des contes de bonnes femmes pour les petits enfants. Lui était un homme, il irait voir.

– Pourquoi toi ? hasarda-t-elle, déjà résignée
– Parce que je veux savoir.
– Envoie quelqu’un.
– J’ai déjà envoyé Télémaque, avec Mentor pour le guider. Veux-tu que je leur envoie un message pour leur proposer cette mission ? Mais non, je sais que tu ne le veux pas, et ce n’est pas la tache d’un jeune homme, qui a le monde à découvrir, d’aller s’enquérir de l’au-delà du monde.
– L’audelà, on n’en revient pas.
– Peut-etre. Peut-etre pas. Qui sait ? dans dix ans ou dans vingt. Peut-etre que la Terre est ronde et que je te reviendrai un jour en passant par l’Asie.
– Je ne serai plus là.
– Il ne faut pas dire cela. Tu sais attendre. Et tu as l’habitude de vivre.
– Je l’ai retrouvée avec toi, ton absence n’était pas la vie.
– Tu ne veux pas que je parte ?
– Je sais que tu vas partir. Je l’accepte. Donne-moi encore du temps avec toi, le temps de préparer une nef et un équipage digne de ton dernier voyage.
– Tu as raison cela ne s’improvisera pas. Cette dernière aventure au-delà du monde connu doit etre préparée, doit etre réussie.
– Emmene-moi ?
– Dans mon coeur, je t’emporte, et je reste aussi dans le tien. Que tu acceptes mon départ, nous unit, plus que nous ne l’avons jamais été.
– Oui. Mais ne pars pas demain.
– Dans cent jours. Pas un de moins. Ni de plus.

Et les cent jours passA?rent comme les grains dans le sablier. Pas un de plus, pas un de moins. La nef, la plus puissante qu’on ait jamais vue en méditerranée fut affrétée et quarante hommes expérimentés, tous volontaires, les plus jeunes et les plus braves en constituaient l’équipage.

Le voyage fut tranquille d’abord, aucune tempête, aucun incident ni mauvaise rencontre, et jusqu’au colonnes d’Hercule, il sembla qu’Eole poussa de son souffle agréable et puissant le bateau protégé par les dieux. Ulysse se sentait jeune à nouveau, il respirait à plein poumon l’air marin, et la vie battait en lui, comme si l’eau des océans se mêlait à son sang.

Puis le moment venu, ils entrèrent résolument dans l’inconnu.

2029

Il ne pleuvait plus depuis déjà quelques quatre vingt jours quelque chose s’était détraqué dans le ciel. La grande sécheresse de 1976 dont bien peu se souvenaient en cet été 2029 semblait en passe d’apparaitre aux historiens du climat comme une fantaisie anecdotique et localisée au regard du drame qui s’annonçait. Car la chaleur et l’absence d’eau s’accentuaient à présent de jour en jour sur l’Europe occidentale.
Les records de température de la canicule 2003 étaient battus depuis déjà plusieurs semaines. La température de jour dépassait les quarante cinq degrés de Londres à Marseille en passant par Paris ou Berlin, et atteignait jusqu’à 52 dans le sud de l’Espagne, en Sicile ou en Grèce. La nuit n’apportait que peu d’apaisement et le thermomètre n’indiquait nulle part moins de trente-cinq degré. On étouffait dehors comme dedans. La mortalité cependant n’avait pas encore atteint les terribles chiffres de l’été 2003 à savoir : 70 000 morts en Europe dont 20 000 en France, en particuliers des vieillards affaiblis et suffoquant littéralement, par manque d’attentions et de soins appropriés. Toute les précautions avaient cette fois été prises. Ventilateurs et climatisations équipaient toutes les maisons de retraite, les hôpitaux et la plupart des maisons individuelles en vertu du plan Canicule adopté quelques années plus tôt, et garantissant à toute personne âgée l’accès aux équipements et à la surveillance appropriée. Toute l’Europe avait mis en place cette sorte de plan. Mais le plan France Canicule était le plus protecteur. Il est vrai qu’en 26 ans la répartition des tranches d’âge dans la population française avait considérablement évolué. Les personnes âgées en surnombre avaient en quelques sortes pris les rênes du pouvoir. Constituant une part dominante de l’électorat, elles avaient porté au pouvoir le FRONT DU PROGRES NATIONAL dirigé par Marion Maréchale, (qui avait laissé depuis longtemps aux oubliettes le nom de Le Pen, et l’héritage familial encombrant qu’il représentait). Elue présidente en 2023, et portée par la masse électorale des plus de soixante ans elle impulsait une politique résolument anti jeune et anti immigré qui confortait les avantages de tous les autres.  Les jeunes et les immigrés en effet étaient tenus pour suspects et dangereux. Les premiers très méthodiquement encadrés dans des écoles et des centres de formations, proches de l’encasernement n’en sortaient que pour les emplois auxquels on les affectait d’office en fonction des besoins ou des opportunités économiques, militaires ou sécuritaires. Les seconds regroupés en cités de transit, (CT) se voyaient octroyés des titres transitoires de séjour (TTS) et pouvaient travailler dans des usines, essentiellement de la défense nationale, sous condition d’adaptabilité et de soumission aux modes de vies et aux réglementations en vigueur. Les autres étaient expulsés. Reconduits aux frontières. Abandonnés à leur sort. Tout retour illicite, était passible de condamnation et d’enfermement en Centre de rétention provisoire, (CRP), en fait des prisons spéciales, dont on ignorait à l’extérieure le fonctionnement, et dont on ne ressortait pas.

Il faut dire que l’état de guerre entre l’Europe, et les USA d’un coté et l’Etat Islamique d’autres part, rendait les populations peu regardantes sur le respect des droits de l’homme et en particulier le sort des émigrés considérés à priori comme dangereux.

La France, forteresse assiégée avait retrouvé ses frontières et ses douanes, ses modes de vie différenciés selon les régions et traditions. Les attentats étaient rares mais terribles et des prises d’otages mal terminées avaient causé durant les dernières années plusieurs centaines de morts, mais les vrais combats avaient lieux sur les terres africaines ou depuis plus d’une décennie les victimes se comptaient par milliers presque chaque jours, une terrible saignée qui laissait une grande partie du continent ravagé, et les épidémies et famines  s’y développant, tout  ce qui s’étendait au sud de la méditerranée ressemblait à un enfer.

 

La canicule qui frappait cette année là l’Europe, et la France en particulier était présentée par les idéologues islamistes comme un châtiment divin, annonciateur de la chute finale des contempteurs de la vraie foi.

Le choc des cultures avait atteint ces derniers temps un point de non retour. Les Musulmans de France regroupés en leurs quartiers priaient dans leur mosquée, et le christianisme presque moribond dans la France des années 10 avait dans la décennie suivante connu un étonnant retour d’intérêt.

Les processions et manifestations de prière publique pour obtenir le retour de la pluie devenait en cette fin d’été 2029 un véritable phénomène de société, accentuant la rechristianisassions du pays.

Il est vrai que l’assassinat du pape François par un fanatique islamiste avait, quelques années auparavant, singulièrement frappé les esprits et mobilisé des foules imposantes. Toutes les églises et cathédrales étaient pleines chaque dimanche, et de nombreuses petites églises de campagne désaffectées avaient été ré ouvertes au culte. Par ailleurs, l’encyclique de François 2 permettant aux laïcs, aussi bien homme que femme de célébrer la messe et de donner l’eucharistie avait redonné un grand essor aux pratiques religieuses, encouragées d’ailleurs par l’état nationaliste et conservateur, qui en France comme ailleurs en Europe, assurait un pouvoir réactionnaire, et autoritaire, proche des dirigeants catholiques et du nouveau pape. Lui-même était issu du Moyen Orient, patriarche irakien yazidi, converti au catholicisme. Son élection considérée comme une provocation par les musulmans, n’avait pas peu contribué à accroitre les tensions devenues paroxystiques. Mais plus que la guerre et les conflits religieux internes, c’est le climat qui devenait en cet été 2029 le sujet majeur de préoccupation. Les américains, les européens, les chinois et les russes alliés dans la guerre contre l’islamisme avaient d’un commun accord convenu d’un moratoire dans les mesures de transition énergétiques destinées à réduire le réchauffement. La relance économique, fondée sur un réarmement conventionnel généralisé avait quasi aveuglé les populations sur les périls climatiques. Le retour du plein emploi et les hausses de salaires, allias à un contrôle drastique des médias avait redonné à l’ensemble des gouvernants une indiscutable popularité et les opposants écologistes discrédités et ridiculisés étaient présentés comme d’irresponsables professeurs tournesols accrochés à leurs lubies, et radotant des inepties rétrogrades. D’ailleurs pendant tout le début des années 20 les hivers avaient été plutôt rudes et les étés pluvieux ou d’une chaleur modérée. Mais depuis deux ans les choses avaient changé.

2027 avait été très chaud, presque sans neige durant l’hiver et avec bien peu d’eau en été. 2028 avait été l’année de la grande sécheresse, quasi comparable à celle de 1976, mais marquant beaucoup moins les esprits tant la technologie et l’organisation sociale avait permis de vider en partie les rivières au profit de l’agriculture, et la chaleur élevée mais tolérable avait été fort appréciée de tous les vacanciers.

C’était une toute autre affaire qui se développait dans cet été 2029. La chaleur du mois d’aout était telle que la végétation séchait sur pied, et cette fois ci l’inquiétude alimentaire était forte. Toutes les vignes semblaient déjà perdues. Le bétail donnait des signes inquiétant de risque sanitaire. Le niveau des rivières et des réserves d’eaux par ailleurs largement polluées avait tellement baissé par suite des prélèvements inconsidérés de l’année précédente que les experts prévoyaient une situation de crise et de grave pénurie, si aucune pluie ne venait d’ici une quinzaine de jours rafraichir les sols, les bêtes et les gens sur les territoires de plus en plus exsangues de l’Europe du nord. Les météorologues ne voyaient rien venir les anticyclones demeuraient stabilisés, et les pluies tombaient ailleurs dans le grand nord canadien, le pacifique, ou l’est de la Sibérie mais plus une goutte en Europe et assez peu en Amérique du Nord qui commençait elle aussi à entrer dans la crise.

Seule l’Amérique du sud semblait bénéficier d’une relative stabilité hygrométrique. Cette exception au désastre mondiale décida les dirigeants occidentaux à envisager un pont aquatique entre le Brésil et les Etats Unis d’une part, et l’Europe d’autre part. L’eau de l’Amazonie serait transportée par les pétroliers géants réaffectés pour ce transport se substituant au transport habituel des produits pétroliers. Cette mesure en apparence de bon sens allait avoir des conséquences incalculables. Quand elle fut prise par une poignée de bureaucrates occidentaux dans un grand hôtel de Lausanne, on pensait qu’il ne s’agissait alors que d’une mesure d’urgence et de circonstance, ne devant avoir qu’une durée limitée au plus à quelques semaines. Mais elle dura plusieurs mois, provoquant d’abord une pénurie pétrolière aux conséquences terribles. La circulation des véhicules à moteur fut d’abord réglementée, puis interdite totalement en Europe, à l’exception de celle des camions citernes qui depuis les grands ports alimentaient les villes et villages. Les immenses navires apportant l’eau par millions de tonnes et faisant la navette entre les deux rives de l’atlantique ne pouvaient cependant permettre à l’Europe de maintenir son agriculture son élevage, et d’abreuver ses populations. Des mesures de rationnement drastiques furent prises. On ne chercha pas à savoir ce qui se passait derrière les grilles des centres de rétention, mais il fut décidé de vider tous les centres de transit et de ne plus accepter l’arrivée d’un seul émigré.

Les quartiers musulmans se virent privés par ailleurs de tout ravitaillement organisé par l’Etat, servant en priorité, mais dans les faits exclusivement, les populations dites “de souche”.

Ces quartiers qui ressentaient déjà de longue date un sentiment d’exclusion, se soulevèrent sans doute également sous l’effet d’agitateurs islamistes saisissant cette opportunité.

Les transports d’eau furent attaqués et détournés, une part de l’armée déployée en Afrique fut rapatriée en France pour assumer leur sécurité et mater les rebellions. La guerre civile s’installa s’ajoutant aux guerres d’outremer.

Et la chaleur ne diminuait pas, et la pluie ne revenait pas.
Le mois de septembre fut inimaginable ment chaud. Autour de 45 degré dans le nord au dessus de 50 dans le sud de l’Europe.

Les décès commencèrent à se multiplier du fait des rationnements, du stress de la situation, des affrontements entre communautés. La vie devenant intolérable et de semaine en semaine s’aggravant, en dépit des promesses fatalistes des dirigeants affirmant que l’automne finirait par arriver, que les températures allaient baisser et la pluie revenir, les populations commencèrent à envisager des mesures d’exode massif. Les habitants des campagnes commencèrent à se regrouper autour des fleuves et des points d’eau. Les barrages furent pris d’assaut et cernés de campements. Une ruée vers la Suisse et ses lacs fut arrêtée par des barrages de route et de puissants moyens militaires mis en place par ce pays. Toutes les ressources d’eau furent d’ailleurs et dans toute l’Europe militairement sécurisée surtout à partir du moment ou les réseaux d’eau potable durent être coupés, et remplacés par des points de distribution sous contrôle de milices armées.

Une impression de fin du monde se répandit dans une Europe dévastée.

Toutes les grandes villes portuaires doublant, triplant leur population devenaient des campements géants d’attente pour d’improbables embarquements vers des pays? il pleuvait encore.

Octobre arriva sous un soleil de plomb persistant et une température moyenne de 48 degré.

François hollande se réveilla en sueur, tremblant de peur et les idées confuses; il se dit dans son demi sommeil : je dois absolument réussir cette Conférence de Paris et faire signer le protocole sur le climat. Mais au fait en quelle année sommes-nous?

   

LE DISCOURS DE LA VIE

 

Peu de temps après mon voyage solitaire au Québec de fin mai 2009, je fis un rêve étonnant, quasiment une VISION, en m’éveillant dès le matin, je rédigeai, de mon lit, le texte ci- dessous en le datant du Samedi 6 juin 2001 (en fait 2009) – mal réveillé ma notion du temps restait floue au lendemain d’une soirée photo de voyage de “la Bella Italia”, très arrosée et voilà mes notes, telles quelles, prises au matin, encore dans le demi-sommeil)

Nuit agitée, difficile, presque des visions et qui se clôt par une grande réception-débat, à table. Je prends tardivement la parole dans une grande discussion ma prise de position est très attendue. On ironise sur mes grands loisirs, évoqués auparavant, qui me permettent le temps de la réflexion Je précise en préambule qu’ils sont bien remplis, et voilà le discours qui me vient en bouche :

LE DISCOURS DE LA VIE

La question soulevée tournait, me semble-t-il autour de la morale et de la responsabilité au regard du problème de la mort et d’une autre vie possible. D’emblée j’affirme qu’il me paraît possible d’apporter une réponse simple et définitive à ces questions compliquées (ce qui fait ricaner). Il suffit de s’appuyer sur quelques certitudes premières qu’il convient d’abord de rappeler. Et là mon discours commence. Il est magnifique de clarté et d’intelligence, ma voix est assurée, très calme, chaque mot est pesé et tombe à sa place ; tout ce discours que je découvre moi-même en le disant est parfaitement frappé au coin de l’évidence et s’impose comme tel à tous ceux qui l’entendent. Quelques ricanements et réactions ironiques viennent encore semblant signifier qu’évidemment, on peut toujours enfiler des perles de lieux communs et ouvrir des enfilades de portes ouvertes, mais peu à peu les rires se tarissent et tout se tait dans une attention exceptionnelle et silencieuse. L’étonnement d’abord puis l’admiration et la stupéfaction se lisent sur les visages, puis la conviction de la vérité qui s’impose à tous ; je passe moi-même par ces sentiments en m’entendant. Je ne peux reproduire ce discours, mais je me souviens du plan qui le composait :

1/ Gratitude envers la vie reçue, certitude première, reçue gratuitement de nos parents, mais non donnée, transmise, comme un relais, reçue par eux-mêmes aussi gratuitement, et aussi remarquablement transmises à leurs parents par les parents de ceux-ci et ainsi de suite aussi loin que l’on remonte. La Vie est un bien, dont nous jouissons comme ils en ont joui, un bien indiscutable, partagé avec tous les vivants présents, passés et à venir, et au-delà de la vie même, notre existence est un bien reçu et transmis, partagé par tout ce qui fut, est ou sera. L’existence comme don gratuit reçu et transmis, cette vision répond aux paroles de Saint François sur son frère le soleil, sa sœur la lune etc mais j’anticipe là sur la deuxième certitude.

2/Fraternité des existences ; nous ne vivons pas seuls, nous n’existons pas seuls. Nos frères et soeurs vivants, humains et non humains, ont reçu la même transmission du don gratuit de la vie bonne, et tous les animaux, toutes les plantes, toutes les êtres ont reçu le don de l’existence ; nous voilà avec cette affirmation au cœur du “cantique des créatures” de Saint François d’Assise. Comment ne pas saluer l’évidence de cette fraternité des êtres vivants sur notre planète et d’une manière plus générale de tous les existants de notre univers ? Toutes les créatures, vivantes ou non, sont fraternelles et ce mot de créature nous mène à l’idée de création. Rien de ce qui existe dans la création ne nous est étranger. Et nous n’avons pas à refuser ce mot de création, mais à lui donner sa pleine valeur de signification. Les créatures existantes, vivantes ou non, qui nous entourent et dont nous sommes part ne peuvent se mettre en doute, toutes ont reçu comme nous le don gratuit de l’existence transmis depuis l’origine Comment douter en effet qu’il y eut une origine à ce processus dont nous voyons le déploiement, et notre gratitude première doit remonter jusqu’à cette cause première de toutes les existences fraternelles. Cette cause première, créatrice des créatures, nous ne pouvons la nommer et nous en ignorons tout sauf ses effets. Mais c’est d’elle que nous vient ce don gratuit de vie dont nous jouissons dans la fraternité de tout ce qui est.

3 /Responsabilité et solidarité à l’égard du vivant et de tout l’existant; vivre en gratitude nous engage à ne pas nuire délibérément à la vie et à l’existence de nos frères les êtres de l’univers. Je développais la chose.

4/Toute crainte de la mort n’a pas de raison d’être, avant nous sont passés des fleuves de vies et d’êtres qui nous ont transmis le flux vivant des existences qui nous porte à présent, ils sont passés et les vies et les êtres d’à présent transmettent à leur tour leur gratitude d’être au flot des nouvelles vies, des nouvelles existences. Le flot qui nous vient du passé et remonte à la première origine est ininterrompu. Que sommes nous, sinon une goutte dans ce fleuve, qui vient de l’innommé et va vers l’innommé, ce qui EST, était avant nous, et sera après nous. Jouons notre rôle de goutte dans les eaux du grand fleuve, de feuille dans les branches du grand arbre, chacun de nous à sa place, sans plus de souci de mourir que nous n’en avons eu de naître, ne vivons que de gratitude d’être et d’être part au grand Etant du monde créé. Je ne sais plus trop les termes que j’employais pour ma péroraison lyrique et inspirée mais je me souviens de leur force et de leur effet ; mes mots étaient si convaincants, si apaisants, ils apportaient une si belle réponse aux questions soulevées, que tous se taisaient après mes paroles et que le président de séance reprit la parole en me remerciant et me disant qu’en effet mes loisirs étaient bien employés s’il me permettaient de telles réflexions et qu’il me remerciait de les partager avec cette assemblée.

Ritournelle (portrait- première consigne)

Au jardin de Nadia
Dans la boucle de l’Ain
Octobre en son déclin
Décrire l’immédiat
Balcon sur le jardin
Calme loin des humains
L’amitié nous guida
Nous nous sommes rejoints
Laissant le reste au loin
Sans télé ni media
Ce séjour vient à point
La nature a pris soin
De nous, et remédia
Par avance aux besoins
D’un peu plus, d’un peu moins
Et viva la vie!

Au jardin de Nadia
Nous nous sommes rejoints
Octobre en son déclin
L’amitié nous guida
Dans la boucle de l’Ain
Sans télé, sans media
Calme groupe d’humain
Laissant le reste au loin
L’amitié nous guide
Ecrire en l’immédiat
Dans la boucle de l’Ain
Balcon sur le jardin
Et viva la vie
Ce séjour vient à point
La nature a pris soin
De nous, et remédia
Par avance aux besoins
D’un peu plus d’un peu moins
Et viva la vie!

Pensées

Les portes de la perception Ou “nettoyer le puits en soi

If the doors of perception were cleansed every thing would appear to man as it is, infinite
William Blake

Etty Hillesum utilise à plusieurs reprises dans son journal, l’image du puits obstrué au plus profond de nous. Les gravats, les débris, de lourdes pierres, nous empêchent d’accéder à nos sources profondes, aux ressources intérieures de notre être qui constituent pourtant le meilleur de nous-mêmes, cette part manquante à la plupart des hommes, qu’elle appelle Dieu, à cette force toute d’intériorité salutaire qui peut nous faire apprécier la vie, l’existence, la naitre, celle de nos frères humains, à et celle de toute chose, nous permettre de tout résoudre et d’accéder à la plénitude dans une joie éternelle.

Mais pour atteindre cette source perdue, un sacré travail de nettoyage interne s’avère nécessaire. Il faut creuser en soi, profondément et inlassablement, dégager tout l’inutile et le nuisible accumulé, toutes ces incompréhensions, tous ces ressentiments, ces mauvaises expériences, ces peurs et ces lâchetés, jetés au puits de l’inconscience par-dessus notre enfance perdue, et nous n’avons guère envie d’aller faire un tri sélectif dans cette vaste poubelle intérieure sur laquelle le couvercle est mis.

Nous préférons ne voir le monde qu’à travers l’écran du social fourni par notre environnement. Un écran qui nous cache la singularité profonde de notre secrète voie intime et nous fait vouloir être le plus qu’il se peut normal, c’est-à-dire dans la norme imposée par l’environnement du lieu et du moment.

Etty connaissait-elle William Blake et cette citation? Si les portes de la perception étaient nettoyées toute chose apparaitrait à l’homme comme elle est, infinie. Je pense que oui. Mais je pense que son point de vue se distancie de Blake.

N’oublions pas que ce dernier, bien que mystique, avait une vison bien noire et passablement inquiétante. Il inspira Aldous Huxley dans ses expériences sensorielles, avec des hallucinogènes, et son livre si particuliers intitulé précisément : les portes de la perception.

Il inspira également le nom des Doors, à l’ange noir Jim Morisson, mort d’overdose d’alcool et drogues. Le nettoyage chimique de nos perceptions sensorielles n’a rien d’inoffensif pour le corps, et ce n’est pas tout à fait de cela que nous entretient Etty dans l’expérience de son journal, en ces années 1941-1942. Pas tout à fait mais un peu tout de même, car il faut en passer par les sens. Se rendre neuf à l’expérience, retrouver les impressions premières et intenses de l’enfant non formaté, non limité, curieux de tout, s’émerveillant du contact avec l’infini donné par une étoile, ou la branche d’un marronnier ou le corps d’une ou deux personnes aimées..

L’adulte ne peut retrouver que par l’amour, ou la culture, la fréquentation des artistes, ce sentiment de l’hors du temps, et de l’incommensurable beauté, et de la joie. Mais l’alcool n’est pas un bon choix et les stupéfiants n’y suffiraient pas. Tout est à l’intérieur de soi.
S’agenouiller, la tête dans les mains, sur un tapis en salle de bain. Se rassembler, se concentrer, retrouver le silence à l’intérieur de soi.
Puis retrouver les autres avec la force en soi d’éprouver chaque jour chaque heure, la vie belle et pleine de sens et n’avoir que curiosité aimante à l’égard de chacun.

Ne pas souffrir dans les souffrances du corps ou des autres et préserver la joie en soi.

Accueillir le deuil et la mort sans que la tristesse foudroie

Parvenir même à se dire en pensant au SS qui bientôt la piétinera, et l’écrasera sous sa botte : Toi mon gars, tu as un problème. Et que puis-je donc faire pour toi ?

Atteindre cet état d’esprit, d’âme et de corps, non cela ne va pas de soi, et ne se fait pas en un jour, pour Etty, ce fut quelques mois.

La vie d’abord vint par saccade, puis en un flot puis en un fleuve, avec l’écriture du livre, qu’elle nous laissa.

27 avril 17H30

L’avenir de l’eau

Le cachet d’aspirine

Expérience effervescente
Le ressenti du verre,
du cachet et de l’eau
le tout film en vidéo

Le cachet se dissout dès contact avec l’eau
Des bulles se génèrent
La transparence s’agite et s’offusque
La blancheur de l’objet mobile
Se disloque
Et la matière dure
Se transforme en un air
Libéré
Avide de surface

Les chapelets vont droit comme un bombardement
En espace inversé
OA? tout est remontant
Le gaz s’enfuit rapide
S’échappant vers le haut
Il se jette hors de l’eau
Répondant à l’appel de l’air
Qui semble solidaire
Et presque s’écrier:
Libérez! Libérez!
nos camarades bulles
Emprisonnées dans l’eau!

On peut s’interroger
Sur les gaz mouvants
S’agitant dans le verre
Est-ce l’eau elle-même
Qui se va transformant
Ou la matière blanche allant disparaissant
Qui se métamorphose?

En tout cas le cachet
En décroissant
Devient croissant
Qui danse et qui s’élève
Pour flotter en surface avant de s’effacer
Dans la mousse et l’écume
A ce moment le verre
N’est plus qu’un réservoir à bulles
Qui vont se résorbant

Très vite l’eau se calme
Et le long des parois se collent mille perles
D’autres montent du fond
Et l’eau se croit champagne

Peu à peu tout s’apaise
Et vont diminuant et se ralentissant
Les remontées de l’air
Non plus des encordées
Mais des individuelles
Avec le temps l’eau devient plate
Un peu opaque
Encore quelques mouvement
Puis le néant
Avec le temps va tout s’en va

Après la vidéo
Il faudra vider l’eau.

L’eau : les peintres et les arts plastiques

Un peu d’eau sur la page

L’eau sur la page
En dilution
Et le pigment de la peinture
Apparitions
Puis le séchage
Un paysage
Une aquarelle
Un fondu de couleurs en brume
Une vapeur en un feuillage
Une rive ou le regard nage
Un monde flottant de lumière
La vague ou le rameur se perd
L’écume lancée comme neige
Des estampes ou bien des toiles
Impressionnantes comme voiles
Nous emportent dans un ailleurs
Pas loin d’ici dans la vraie vie.
Hors du temps décompté
Loin du temps marchand’
Comme en la plage d’or
Ou l’on peut s’allonger
Observer les nuages
Enlevés dans le bleu
Et se laisser rêver
Au chant de l’océan

 

Danaé dans la pluie

Il pleut sans cesse sur Brest, dit la chanson de Barbara, mais ce n’est pas une pluie d’or; une pluie d’acier, de feu, de sang. Une pluie de bombardement ou simplement de mauvais temps.

La pluie d’or fut pour Danaé. Je pense au tableau de Rembrandt. A Mais revenons au mythe antique. Acrisios roi d’Argos reçut prédiction d’un devin que son petit fils le tuerait. Il enferme alors son enfant, sa fille unique Danaé, dans une tour inaccessible.

Mais Zeus s’éprend de Danaé, et rien ne lui est impossible, il entre pour la visiter sous la forme d’une pluie d’or, et la féconde d’un enfant, un fils que l’on nomme Persée. Le roi d’Argos est dépité, mais ne veut pourtant pas tuer sa descendance.

Acrisios enferme sa fille et son petit fils en un coffre, qu’il fait jeter à la dérive, dans les flots tumultueux d’un fleuve. Tous deux bien-sûr s’en sortiront.

Persée deviendra un héros, coupant la tête de Méduse. Il délivre aussi Andromède, des griffes d’un dragon pervers. Plus tard en athlète émérite il participe à de grands jeux, et lance par erreur son javelot bien trop loin au-delà des herbes du stade pour atteindre dans les gradins le torse d’un roi visiteur. Celui d’Acrisios son grand père.

On n’échappe pas au destin.

Danaé fut peinte souvent sous la pluie d’or des plus grands maîtres, par le Corrège et par Titien, par le Tintoret et bien d’autres, mais je la préfère par Rembrandt. Ou par Klimt en un autre genre.

Pour commencer avec Rembrandt. On peut voir ce tableau de grande taille, dans le musée de l’Ermitage, en Russie, Saint Pétersbourg.

L’œuvre, commencée en 1636 eut pour modèle le corps dénudé de la femme tant aimée de l’artiste, Saskia, la bien en chair. Mais le tableau, repris en 1643, après la mort de celle-ci en change le visage au profit de celui de Geertje Dircx, alors maîtresse du peintre. Et les pièces d’or qui tombaient en pluie fine sur la chair nue, sont effacées par la lumière.

En 1985, un quinze juin, un lituanien un peu atteint, attaque au couteau, à l’acide, une grande part de la toile, était-ce l’esprit de Saskia qui revenait vandaliser ce tableau qui la trahissait?

Au bout de douze années de restauration, on réexposa le tableau. Je l’ai vu face à face, le corps irradie l’or.

La Danaé de Klimt, peinte en 1907 a forme de fétus, femme en chien de fusil, enroulée comme en œuf, enveloppée de voiles, érotisme torride à chevelure rousse ; l’or roule et coule entre les cuisses grasses, en flot tumultueux, le visage en orgasme.